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Le chanteur algérien Idir, icône de la musique kabyle, est mort à 70 ans

Véritable monument de la culture kabyle, le musicien s'est éteint à Paris, à l'hôpital Bichat, des suites d'une maladie contre laquelle il se battait depuis des années. 

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le chanteur Idir le 8 novembre 2017 à Paris, sur la scène du Grand Rex (SADAKA EDMOND / SIPA)

La triste nouvelle est tombée dans la nuit de samedi 2 à dimanche 3 mai, sous la forme d'un bref et touchant communiqué posté par la famille du chanteur algérien d'expression kabyle sur sa page Facebook : "Nous avons le regret de vous annoncer le décès de notre père (à tous), Idir le samedi 2 mai à 21h30. Repose en paix papa." Selon divers médias algériens, notamment Berbère Télévision sur Twitter, Idir s'est éteint à Paris, à l'hôpital Bichat, des suites d'une maladie contre laquelle il se battait depuis des années. Sa mort n'est pas liée au Covid-19, a précisé sa famille, selon le site ObservAlgérie.



Idir a connu un succès mondial, non prémédité, avec une berceuse qu'il avait composée, A Vava Inouva ("mon petit papa"). Cette chanson, qui donnera son titre à son premier album sorti en 1976, est considérée comme le premier tube international venu d'Afrique du Nord. Elle sera traduite en quinze langues. Le jeune homme, qui avait étudié la géologie, n'avait pas du tout prévu de faire carrière dans la chanson.

Chanteur malgré lui

Idir ("il vivra" en kabyle), de son vrai nom Hamid Cheriet, est né le 25 octobre 1949 à Aït Lahcène, à 35 km de Tizi-Ouzou, la capitale de la Grande-Kabylie. Fils de berger, il grandit bercé par les chants traditionnels et les contes narrés lors des veillées qui inspireront son œuvre. Sa carrière scientifique bifurque vers la musique en 1973 quand la chanteuse Nouara, qui devait interpréter sa composition A Vava Inouva à Radio Alger, tombe malade. Il la remplace au pied levé, avec une autre chanteuse, Mila. La chanson étant plébiscitée par les auditeurs, il l'enregistre dans la foulée et part faire son service militaire. Entre-temps, sans qu'il le sache, la chanson connaît un succès mondial.

"Je suis arrivé au moment où il fallait, avec les chansons qu'il fallait", confiera simplement Idir en 2013 à l'AFP. En 1975, il s'installe à Paris pour enregistrer son premier album, également intitulé A Vava Inouva, qui, outre sa chanson-titre, renferme des merveilles comme Cfiy, Isefra ou Ssendu.

Ses chansons respirent la poésie, l'humanité, la tendresse et font d'Idir l'un des grands ambassadeurs de la culture kabyle, avec ses arrangements où résonnent la flûte de berger et la guitare. Mais cet homme discret, à la voix douce et au look d'universitaire, n'apprécie guère les contraintes de la notoriété. Après son deuxième album Ay Arrac Nney sorti en 1979, il s'éclipse entre 1981 et 1991 où, relancé par un album compilation, il reprend le fil de sa carrière. Dans son disque suivant Les Chasseurs de lumière (1993), il invite Alan Stivell. Les concerts d'Idir sont des moments de partage et de fête, son public déborde de ferveur et d'enthousiasme.

En 1999, Idir, éternel défenseur du dialogue et de la fraternité entre les peuples, lance Identités, un album enregistré avec de nombreux invités (Manu Chao, Zebda, Geoffrey Oryema, Dan Ar Braz, Gilles Servat...). Il refait un disque de collaborations en 2002, Deux Rives, un rêve, dans lequel Jean-Jacques Goldman signe les paroles de sa chanson d'ouverture Pourquoi cette pluie ? Le texte fait référence à la tempête et aux inondations meurtrières qui ont frappé Bab el-Oued en novembre 2001.

Puis Idir lance l'album La France des couleurs en 2007, l'année d'un scrutin présidentiel en France et d'une campagne marquée par des débats sur l'immigration et l'identité. En 2017, il sort Ici et Ailleurs, un nouveau disque d'adaptations en duo - avec le recours à la langue kabyle - de grands succès de la chanson francophone, enregistré avec Charles Aznavour, Bernard Lavilliers, Francis Cabrel, entre autres célèbres artistes.

Au début du mois de janvier 2018, Idir était revenu se produire à Alger pour le nouvel an berbère, Yennayer, trente-huit ans après avoir quitté son pays natal.

Dans une interview accordée en septembre 2002 à RFI, il s'exprimait sur l'image de porte-parole de la communauté berbère qui lui avait été attribuée, une fois de plus, malgré lui : "Des fois les gens vous prêtent des missions qui dépassent de loin votre condition humaine. C’est un peu étouffant bien sûr ce rôle que l’on m’attribue, car dans ma tête, je ne suis qu’un saltimbanque qui apporte trois minutes de voyage, de rêve, d’éducation parfois, toujours soucieux de préserver son identité opprimée, parce que celle-ci mérite de vivre."

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