Gilberto Gil et Milton Nascimento, deux concerts live en écho aux controverses sur la place des Noirs dans l'histoire du Brésil
D'abord fêté dans une vidéo pour ses 78 ans par de grandes stars de la musique, Gilberto Gil, ancien ministre de la Culture du président Lula, s'est produit il y a quelques jours en live streaming. Hasard du calendrier ou pied de nez au régime de Bolsonaro ? Une autre légende, Milton Nascimento, lui a emboîté le pas.
Officiellement, ces concerts visaient à soutenir les métiers du spectacle vivant frappés de plein fouet par le Coronavirus. Mais on ne peut s'empêcher de les percevoir, aussi, comme une forme de réponse à la polémique qui a secoué le Brésil de Jair Bolsonaro à la mi-juin. Elle impliquait la Fondation Palmares, une institution dédiée à l'héritage culturel des Noirs dans ce pays, et dont la nouvelle direction affiche des velléités de réécriture de l'Histoire. Quelques jours plus tard, deux des plus grandes personnalités brésiliennes noires, deux chanteurs qui ont incarné une résistance et une émancipation culturelle sous la dictature militaire (1964-1985), Gilberto Gil (ministre de la Culture de Lula entre 2003 et 2008), qui vient de fêter ses 78 ans, et Milton Nascimento, se sont rappelés au souvenir de leurs concitoyens par leur moyen d'expression de prédilection : la musique.
Les 78 ans de Gil fêtés avec Chico Buarque, Caetano Veloso, Djavan... et Stevie Wonder
Pour Gilberto Gil, la célébration des 78 ans - le 26 juin - a débuté par un hommage musical de ses pairs, dont Chico Buarque, Caetano Veloso, Djavan, Milton Nascimento, Jorge Ben et Stevie Wonder, dans une réjouissante vidéo de confinement postée sur YouTube. "Cher Gil, un bisou pour ton anniversaire !", lance Chico Buarque avant d'entonner a cappella Andar com fé (marcher avec foi), une chanson de Gil de 1982 : "Je vais marcher avec foi, car ma foi ne me fait habituellement pas défaut..."
Parmi les personnages historiques touchés par des suppressions d'articles du site du site, figurent les abolitionnistes Luís Gama et André Rebouças, l'écrivaine Carolina de Jesus ainsi que le chef de guerre Zumbi dos Palmares, leader d'un territoire d'esclaves insurgés au 17e siècle, et qui a donné son nom à l'institution. Ces communautés rebelles, appelées aussi Quilombos, Gilberto Gil les a chantées pour un film sur ce thème en 1984. La statue de Zumbi (chanté aussi par Gil) située devant le siège de la fondation à Brasilia a été déplacée. Néanmoins, on peut encore retrouver sur le site des articles consacrés à ces personnalités en tapant leurs noms dans le moteur de recherche. Certains ont été ajoutés, mais ils minimisent leur contribution à l'Histoire du Brésil, alertait encore Folha de São Paulo le 15 juin. Depuis, la justice brésilienne réfléchit à une procédure à l'encontre de Camargo pour irrégularités et violation des principes de l'administration publique.
Gilberto Gil chante le Nordeste pour les techniciens du spectacle vivant
Le 26 juin, depuis la maison familiale de Petrópolis (État de Rio de Janeiro), le Bahianais Gilberto Gil s'est produit en live streaming durant environ 1h35 entouré d'un groupe incluant des membres de sa famille. Sa fille Bela a présenté le live. Un show organisé pour soutenir, avec appel aux dons, les techniciens du spectacle vivant fragilisés par la pandémie. Le concert était parrainé par une marque de bière brésilienne. "Très bonne soirée à vous, je suis à la maison, vous aussi", a dit Gilberto Gil avant de préciser le fil conducteur du concert : "La musique du Nordeste, qui représente une grande partie de ma formation musicale, et pour laquelle j'ai un grand amour. Je sais que tout le Brésil l'apprécie."
Au cours du show (qui démarre à la 14e minute de la vidéo), on entend des chansons de Gilberto Gil et de grands noms de la musique nordestine dont Luiz Gonzaga, Dominguinhos et bien sûr Caetano Veloso. Au sein de cette playlist festive, on retrouve des titres connus au-delà des frontières brésiliennes comme Toda Menina Baiana (à 1h45), Eu Só Quero um Xódo (à la 39e minute), Andar com Fé (48e) ou Asa Branca (53e). Avec des moments plus intimistes comme le très beau Lamento Sertanejo (à 1h10). Vu l'ampleur prise par la pandémie au Brésil, il va falloir se contenter de savourer la musique de Gilberto Gil via les moyens technologiques pour un moment encore... L'ancienne figure du tropicalisme est censée se produire en France en octobre. Mais en vérité, sa venue relèvera du miracle.
Milton Nascimento chante depuis le Minas Gerais
Deux jours après le concert de Gil, le 28 juin, c'est une autre icône noire de la musique brésilienne, Milton Nascimento, qui a offert pour la première fois sur internet un concert également dédié aux métiers du spectacle vivant et présenté comme un message d'"amour". Afin de l'organiser dans des conditions de sécurité maximales, tout l'équipement avait été désinfecté au préalable, comme l'indique une publication du compte Instagram du chanteur. Confiné dans le Minas Gerais, Milton Nascimento, 77 ans, n'a plus la santé et la voix phénoménale de ses 30 ans, et certaines notes aigues sont désormais compliquées à atteindre. Mais il a toujours cette personnalité singulière, cette présence, ce regard et la magie d'un répertoire unique. Presque un an après le concert qu'il a donné à Paris, on retrouve de grands titres d'albums comme Clube da Esquina dans une orchestration épurée, élégante, et un son soigné (le live débute sur la vidéo ci-dessous à la 7e minute).
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