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Vidéos D'où vient la carioca, la célèbre danse de "La Cité de la peur" ?

Le film réalisé par Alain Berberian, disparu mardi 22 août, est devenu culte, notamment grâce à cette danse exécutée par Gérard Darmon et Alain Chabat. On l’imagine souvent inventée pour ce long-métrage. Elle existe pourtant depuis bien plus longtemps.

Article rédigé par franceinfo - Alexis Magnaval
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alain Chabat et Gérard Darmon ont remis l'air de la carioca au goût du jour en France avec la fameuse scène du film d'Alain Berberian, sorti en 1994. (TELEMA / STUDIO CANAL)

"Ce n'est pas un fox-trot ni une polka. Ce n'est pas un tango ou un cha-cha, encore moins une bossa nova." La carioca est surtout connue pour être un morceau parodique issu de La Cité de la peur, film réalisé par Alain Berberian, mort mardi 22 août. Elle est pourtant bien antérieure à la sortie du film culte écrit par Les Nuls, en 1994. Dès les années 1930, on pouvait entendre les notes de la célèbre mélodie. Franceinfo récapitule l'histoire de la carioca.

Dansée par Fred Astaire dans un film américain

En France, l'air de la carioca renvoie inévitablement à la fameuse scène de La Cité de la peurOn y voit Gérard Darmon (le commissaire Bialès) et Alain Chabat (Serge Karamazov) se lancer dans un numéro de danse de salon, devant le public du Palais des congrès de Cannes. "Youpi, dansons la carioca ! C'est bien, faisez tous comme moi", chantent les deux personnages, devant un ballet de palmiers factices et sous des lumières tamisées.


La carioca est pourtant née soixante ans plus tôt. En 1933, plus exactement. Cette danse tient son nom des habitants de la ville de Rio de Janeiro. Elle est tirée d'un film américain éponyme, Flying down to Rio en version originale. Son air a été inventé par Vincent Youmans : le compositeur de Broadway est aussi à l'origine de Tea for two, l'air sifflé par Louis de Funès et Bourvil dans La Grande vadrouille, issu d'une comédie musicale de 1925.

Dans Flying down to Rio, la carioca est dansée par l'acteur américain Fred Astaire, front contre front avec l'actrice Ginger Rogers. Le morceau apparaît une première fois dans le film, sans paroles.

L'air est mis en paroles par Edward Eliscu and Gus Kahn. Le morceau est chanté par Etta Moten Barnett, Alice Gentle et Movita Castaneda. Il sera nommé aux Oscars de la meilleure chanson originale en 1934.

Des traductions et des reprises instrumentales 

La carioca est traduite pour la première fois deux ans plus tard. En 1935, le jeune Tino Rossi la chante en français, traduisant les paroles ainsi : "Avec un balancement canaille, qui vous affole et vous tenaille, c'est épatant de la danser en s'enlaçant sans se lasser. Carioca, ensorcelante et belle, carioca, charmant refrain d'amour, carioca, tu me donnes des ailes."

Elle est ensuite reprise plusieurs fois en versions instrumentales. C'est d'abord un clarinettiste américain, Artie Shaw, qui interprète l'air avec son orchestre en 1939.

Les années 1950 voient naître un engouement notable pour la carioca, reprise par plusieurs artistes de jazz. Plusieurs pianistes s'emparent de l'air, notamment le Canadien Oscar Peterson en 1954 et l'Américain Hampton Hawes en 1955. Suivront le chanteur de jazz Mel Tormé, le compositeur de jazz Dizzy Gillespie et le crooner américain Jack Jones en 1961. Tous deux restent fidèles aux paroles. Même Chet Baker, le trompettiste star américain, y va de sa version.

Une autre célèbre parodie en 1977 

La carioca est parodiée en 1977, dans le générique d'un autre film américain. The Kentucky Fried Movie est un film à sketches, où s'enchaînent des spots publicitaires parodiques et de fausses bandes-annonces. En ouverture du film, la carioca est interprétée par Jonathan and Darlene Edwards, un duo comique incarné par Paul Weston et sa femme, Jo Stafford.

The Kentucky Fried Movie parodie pêle-mêle des films de dragons et des films catastrophes (oui, c'est possible).

La tonalité comique de l'œuvre de John Landis a sans doute inspiré Les Nuls dans leur quête parodique. Dans les sonorités des paroles en anglais, on décèle ce que sera l'adaptation du trio comique. "You dream of a new carioca" est par exemple devenu "Youpi avec la carioca", tandis que certaines phrases sont traduites fidèlement : "It's not a foxtrot or a polka" a donné "Ce n'est pas un foxtrot ou une polka".

Une chorégraphie, pas un style de danse

Après l'adaptation comique des Nuls en 1994, d'autres versions continuent de voir le jour. Dix ans après le film culte, le musicien brésilien Caetano Veloso fait vivre la légende de la carioca. Le guitariste et chanteur de bossa nova est un acolyte de Gilberto Gil. Engagé à gauche dans sa jeunesse, il a vu certaines de ses chansons interdites par le régime militaire qui gouverna le Brésil jusqu'en 1985.

Paradoxalement, il aura fallu attendre plus de soixante-dix ans avant qu'un artiste brésilien ne chante la carioca… qui n'aurait en réalité pas grand-chose de brésilien.

Alex Lima, un Brésilien professeur de danse installé à Paris, détaille en vidéo à franceinfo la bonne manière de danser la carioca. Pour ce spécialiste des danses latines, elle est inspirée d'un patchwork de genres différents. La version de La Cité de la peur convoque les pas latéraux en quatre temps de la rumba, les pas marchés des danses de couple comme le cha-cha-cha, la valse ou le boléro. Le mambo et le foxtrot compléteraient la panoplie.

Sais-tu danser la carioca ?
Sais-tu danser la carioca ? Sais-tu danser la carioca ? (FRANCEINFO)

Dans la version originale de 1933, on retrouve aussi des pas proches des claquettes. Il y aurait donc un peu de Brésil dans la carioca, mais aussi des influences cubaine et nord-américaine. Sans style à part entière, elle est plutôt une chorégraphie qu'un réel style de danse.

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