Aya Nakamura : la musique populaire qui fait bouger la langue française
Depuis la sortie de son premier single "Comportement" en 2017, Aya Nakamura est devenue l'une des plus populaires chanteuses françaises. Au point que ses expressions commencent à entrer dans le langage courant.
En trois ans, elle est devenue la plus grande star française du RnB dans le monde. Aya Nakamura sort, vendredi 13 novembre, un nouvel album sobrement intitulé Aya. La chanteuse de 25 ans, née à Bamako au Mali, a déjà enchaîné les titres à succès : Comportement, Djadja, Pookie, dont les paroles mélangent dialectes africains et langage urbain.
Des mots qu'expliquent à franceinfo des jeunes de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. La question leur paraîtrait presque un peu bête : "C'est quoi une pookie ? - Ba, c'est une pookave ! Quelqu'un qui balance, qui ne tient pas sa langue, qui aime trop parler", explique l'une d'entre eux. On poursuit avec joli djo ? "Joli gars, c'est logique !", répond une autre... "Djo", issu du nouvel album d'Aya Nakamura, fait surtout partie d'un argot urbain de Côte d'Ivoire, sur la base de plusieurs langues africaines.
Des influences multiples, et pourtant ces mots sont utilisés depuis bien longtemps par beaucoup de jeunes Français, comme Karim. "Elle parle comme nous. Et ce n'est pas qu'ici, en banlieue parisienne. Dans toutes les banlieues françaises, c'est comme ça que l'on parle", affirme-t-il.
Pour nous c'est ça la langue française.
Karim, jeune de Montreuilà franceinfo
Avec plus d'un million d'albums vendus dans le monde, ce langage urbain est désormais diffusé partout, tout le temps. Une très bonne chose pour Aurore Vincenti, linguiste aux éditions Le Robert et spécialiste des argots. "Ce n'est pas elle qui l'a fait émerger. En revanche, elle le diffuse plus largement et c'est aussi ça le rôle des musiques populaires : diffuser une langue qui auparavant évoluait dans des petits cercles."
Ça popularise une façon de parler un plaisir du verbe qui s'affranchit des règles.
Aurore Vincenti, linguiste aux éditions Le Petit Robertà franceinfo
Une question revient souvent cependant : est-ce que ce langage urbain, de plus en plus répandu, entraîne un appauvrissement de la langue française ? Pas du tout, estiment ces lycéennes de Montreuil : "On sait que l'on ne va pas parler de la même façon quand on parle à nos potes ou quand on est à l'école, par exemple, ou pour un entretien. On sait quel mot utiliser selon la situation."
"Une langue qui se renouvelle, c'est une langue qui va bien"
Aurore Vincenti va même plus loin : les chansons d'Aya Nakamura contribuent à l'enrichissement de la langue de Molière, selon elle. "Une langue qui se renouvelle, qui en son sein voit naître de nouveaux vocables, c'est une langue qui va bien", explique la linguiste. Et d'assurer que cette langue qui évolue ne va pas éliminer pour autant les vocables plus anciens : "Quand le mot "djo" arrive, il ne va pas supprimer les mots "mec" ou "homme". C'est un mot de plus !" Aurore Vincenti admet cependant que ces nouveaux mots restent pour l'instant cantonnés au langage parlé. Et ne rentreront pas tout de suite dans le dictionnaire.
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