"Il y a un intérêt à découvrir ce qu'il y a derrière le produit fini" : l'exposition "Secrets de bijoux" dévoile les savoir-faire de la bijouterie-joaillerie
De 2018 à 2022, la production française de montres et bijoux a plus que doublé, passant de 2,4 à 5 milliards d'euros, entraînant la création de 2 000 emplois industriels. Bijoutier-joaillier, gemmologue, polisseur, sertisseur, concepteur CAO..., nombreux sont les métiers du secteur de la joaillerie peu connus du public.
L'exposition Secrets de bijoux – installée au Réfectoire des Cordeliers, lieu historique et site de l’enseignement supérieur au cœur de Paris – organisée par Francéclat, est une opportunité pour découvrir ce secteur, comme nous l'explique Hervé Buffet, le directeur général du comité professionnel de développement économique de l’horlogerie, de la bijouterie-joaillerie et des arts de la table.
Franceinfo culture : le bijou est actuellement sur le devant de la scène. Il y a eu le festival Parcours Bijoux, l'exposition Un âge d’or : 1965-1985 de la maison Chaumet et l'ouverture prochaine du nouveau lieu de l'École des Arts Joailliers avec l'exposition Les bijoux de scène de la Comédie-Française. Comment se porte le secteur ?
Hervé Buffet, directeur général de Francéclat : le secteur se porte très bien. La production française a doublé entre 2018 et 2022 et est, aujourd'hui encore, sur une dynamique extrêmement positive. L'un des objectifs de l'exposition est, aussi, de donner envie à des adolescents qui se poseraient la question : que faire demain ? Ce secteur embauche et propose de belles perspectives. Le marché français va bien et les maisons de la place Vendôme se portent bien à l'international : elles s'exportent en Chine, aux États-Unis avec des réseaux de distribution puissants et des effets d'images très positifs.
Le secteur de la joaillerie, monde assez secret, est donc en quête de jeunes talents ?
Absolument. C'est un petit secteur, un peu secret qui ne prend pas vraiment la lumière, même si ce que l'on fabrique – avec beaucoup de belles traditions, d'expériences et de savoir-faire – prend la lumière !
La production française est en très forte croissance et cela se traduit par un besoin de main-d’œuvre. Le recrutement est le sujet numéro 1. La chambre syndicale des fabricants de bijoux vient de signer une convention avec Pôle emploi pour aller chercher de nouveaux publics qui ne pensent pas forcément à la bijouterie. Ainsi les grandes maisons de joaillerie nous disent, les ingénieurs ne pensent pas à nous ! Le secteur recrute à tous les niveaux : on parle de milliers d'emplois dans les années à venir. Outre la croissance, il y a aussi un effet de renouvellement des générations, il y a un gros enjeu !
Beaucoup de formations et d'établissements proposent des parcours, soit relevant de l'Éducation nationale, soit de la haute école de joaillerie. Ils s'adaptent aux évolutions en mettant l'accent sur le travail de la main, mais aussi l'utilisation de l'outil numérique, que ce soit en conception, en fabrication additive (procédé de création d'objets tridimensionnels à partir d'un fichier numérique) ou pour piloter, demain, des outils de production. Ces métiers évoluent et l'appareil de formation suit ces tendances.
Après une première édition à Bordeaux en 2018, puis une seconde à Lyon en 2019, ce troisième rendez-vous se tient au Réfectoire des Cordeliers à Paris.
La vocation même de l'exposition est d'être itinérante et annuelle. Initialement, elle devait aller dans un certain nombre de villes de province, mais pendant le Covid, ce n'était pas la meilleure des périodes, on a donc décalé le calendrier. Ce qui nous a paru intéressant dans le Réfectoire des Cordeliers, c'est que ce n'est pas forcément une salle très connue à Paris.
Pourquoi faire découvrir les coulisses de la fabrication ?
On voit bien que les visites d'entreprises et d'usines se développent beaucoup. Il y a un intérêt du public à découvrir ce qu'il y a derrière le produit fini et la manière dont sont faites les choses.
Toujours dans cet objectif d'attractivité – pour que de nouvelles personnes rejoignent la filière –, il est important de montrer ce que tout le monde ne sait pas forcément. Nous sommes un petit secteur assez secret et c'est bien de mettre en avant le travail de la main, mais pas le côté conservatoire des métiers du passé ! La bijouterie intègre de nouvelles technologies et de nouveaux matériaux qui se projettent de manière vivante vers l'avenir.
Comment est organisé le parcours ?
Le parcours se divise en trois temps. Un premier axé sur la création où l'on fait ressortir qu'il n'y a de limites que l'imagination aux bijoux.
Le deuxième est consacré à la fabrication (sertissage, polissage, fonte à cire perdue...). On peut, grâce à une sorte d'établi virtuel, voir les techniques et savoir-faire nécessaires pour réaliser un bijou : quand on clique sur les différents outils, cela déclenche une vidéo explicative. Une autre vidéo, assez spectaculaire, permet de découvrir la fabrication additive et l'utilisation de la poudre d'or pour faire des bijoux de manière radicalement différente de celle qu'on utilise aujourd'hui.
Enfin, le troisième temps est, lui, dédié au porté à travers un panel de bijoux, des plus classiques aux plus contemporains. Le bijou est très lié à la vie de tous les jours : 2/3 des gens portent les mêmes bijoux tous les jours. Il y a un rapport très intime, très identitaire, mais le porté évolue beaucoup : on découvre des portés que l'on ne voyait pas hier, comme dans le dos ou l'accumulation des bracelets aux poignets.
L'exposition est placée sous le signe de l’innovation avec l’impression 3D ?
Une vidéo explique la manière dont on procède : on découpe le dessin en fines tranches, puis une machine avec un faisceau laser vient souder les grains de poudre d'or, couche après couche. Cela permet de construire des bijoux extrêmement souples avec des articulations que l'on ne perçoit pas et que l'on ne saurait pas forcément faire avec les techniques actuelles (fonte à cire perdue, usinage...).
C'est une technologie qui n'est pas si récente, mais qui a beaucoup progressé ces dernières années. Il y a des acteurs installés depuis fort longtemps, et aussi d'autres qui arrivent aux bijoux à travers cette nouvelle technologie. C'est une nouvelle corde à l'arc des fabricants de bijouterie. Cela demande de repenser son approche de la production pour utiliser la potentialité de la fabrication additive qui n'est pas là pour remplacer les techniques habituelles et usuelles, mais pour proposer quelque chose de différent. C'est un nouveau champ d'ouverture.
Une collection spectaculaire de pierres précieuses est présentée en plus des conférences.
C'est la définition même de la joaillerie puisque c'est le joyau. C'est effectivement ce qui distingue la bijouterie de la joaillerie, c'est le fait que cela soit empierré, avec des pierres précieuses ou non. On s'appuie sur la collection du Laboratoire Français de Gemmologie qui a été accumulée au fil du temps. On l'accompagne de conférences dont l'une est axée sur les pierres à effets et une autre sur les inclusions.
La gemmologie attire toujours ?
La pierre est quelque chose qui fascine, c'est extrêmement riche. À la base, c'est juste beau ! On voit ces dernières années des pierres avec des nuances nouvelles et des tailles différentes. La vraie tendance est d'explorer toute la richesse des pierres précieuses avec toutes les nuances que proposent les différents gisements de par le monde.
Le parcours est ponctué d’animations et d’ateliers. Quels sont ceux qu'il ne faut pas rater ?
L'exposition a été pensée pour le public et les familles. Pour les enfants, il y a un parcours un peu ludique avec une chasse aux joyaux cachés à collecter virtuellement avec une tablette tactile. Il y a aussi, par exemple, un atelier créatif do-it-yourself où ils peuvent jouer à faire un petit écrin.
Il a même un atelier upcycling...
Il y a une animation exploration de l'upcycling avec une marque de bijouterie, cela fait partie des secrets des bijoux. En bijouterie, l'or, l'argent, le platine, les pierres précieuses se recyclent à l'infini et de tout temps. Peut-être que sur votre bague, vous avez un peu d'or issu d'une parure de Vercingétorix !
Les gens ont des pierres et des métaux qui dorment dans les tiroirs. Il faut libérer un peu ces stocks assez considérables pour nourrir de nouveaux bijoux.
L’exposition Secrets de bijoux du 10 au 19 novembre 2023. Réfectoire des Cordeliers. 15, rue de l'École de médecine. 75006 Paris. Entrée gratuite, planning des ateliers sur www.lesbijouxprecieux.com. Visite guidée avec Caroline Roberti, joaillière privée et gemmologue.
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