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"Un âge d'or : 1965-1985" : exposition d'une époque de liberté et d'audace, un retour sur la création débridée de la maison Chaumet

Chaumet présente "Un âge d’or : 1965-1985" dans les salons historiques du 12, place Vendôme à Paris jusqu'au 2 décembre. Une plongée dans ces années à la créativité audacieuse et débridée où la maison a révolutionné les codes de la joaillerie se plaçant à l’avant-garde. Une exposition éblouissante et joyeuse !
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Exposition "Chaumet, un âge d'or : 1965-1985" au 12 place Vendôme à Paris, septembre 2023 : le salon des Diadèmes (JEANPICON)

Faisant fi des codes établis, les années 1965-1985 marquent un tournant au sein de la société avec une révolution culturelle, technologique et esthétique. Pendant cette période caractérisée par un vent de liberté et d’audace, Chaumet bouscule les codes de la joaillerie et sans renier son histoire, puisant dans son passé, fait preuve d’une modernité flamboyante.

Avec Un Âge d’Or : 1965-1985, la maison revient sur ces années où l’exploration créative ne connaît pas de limite. Pensée par Vanessa Cron, cette rétrospective est un hommage à ces collections foisonnantes entre excès et affirmation de soi, aussi colossales qu’inattendues, aussi extrêmes que virtuoses mais également à L’Arcade, magasin entre galerie de bijoux et concept-store avant l’heure. Elle évoque aussi ces créateurs qui jouent avec les nuances de l’or et explorent de nouvelles matières, textures et pierres.

"Il y a une pièce qui est à la genèse de l'exposition. C'est une paire de boucles d’oreilles que l'on a achetée il y a quelques mois. Elle interpelle par son audace à la fois qui date de 1970 dans la forme, dans le porter et dans la matière de l'or. Elle nous a incités à nous retourner un demi-siècle derrière nous. Les années 70, c'est 50 ans en arrière, et c'est une bonne hauteur d'un point de vue historique pour avoir le recul nécessaire" explique avec passion Claire Gannet, directrice du patrimoine de la maison Chaumet, notre guide de l'exposition en ce 27 septembre.

Exposition "Chaumet, un âge d'or : 1965-1985" au 12 place Vendôme à Paris, septembre 2023 (JEANPICON)

Des années d'opulence

Dans les salons historiques, les espaces redécorés aux couleurs de l’époque invitent à s'immerger dans l’ambiance de ces années d’opulence : "On reconstitue l'atmosphère, on est chez les Pompidou à l'Elysée. On participe de cette bulle temporelle" précise Claire Gannet. Œuvres inédites, méconnues ou oubliées, beaucoup d’entre elles n'ont jamais été montrées au public, soit 140 objets à découvrir dont "des tapisseries de Vasarely, des silhouettes Dior et Paco Rabanne, des lithographies d’Andy Warhol mais aussi des vidéos de l’INA, des photographies et des dessins du fonds Chaumet", le tout ponctué par moments par une joyeuse bande-son des années 1970 qui donne envie de danser !

Le salon des Diadèmes présente des photographies de joaillerie de l’époque, retrouvées dans les archives. Le salon des Dessins, dans l’esprit de L’Arcade, rend hommage à cet écrin futuriste. Y sont exposés des objets joailliers présentés dans les années 1970, à l’instar des animaux du Bestiaire fabuleux. Avec l’aide du Mobilier national, le salon Chopin a été transformé en salon bourgeois. Les bijoux y dialoguent avec un canapé et une table lumineuse signés par Pierre Paulin, issus de la collection de meubles destinée au palais de l’Élysée pour Georges Pompidou et son épouse.

Exposition "Chaumet, un âge d'or : 1965-1985" au 12 place Vendôme à Paris, septembre 2023 : le salon des Diadèmes (JEANPICON)

René Morin et Pierre Sterlé, les génies Chaumet

Depuis plus de 240 ans, l’histoire de la maison est ponctuée de figures créatrices qui n’ont cessé de faire évoluer son style comme de 1965 à 1985, René Morin et Pierre Sterlé. Le premier rejoint la maison en 1962 et devient le directeur artistique. Mêlant humour et poésie, tout ce qui l’entoure l’inspire : téléphone, châteaux, navires, coiffes militaires britanniques. Ayant un goût prononcé pour le brut, celui qui se considère comme un artisan réalise des pièces d’une rare modernité : avec des blocs de cristal Baccarat, il imagine un Bestiaire fabuleux composé de trente-sept animaux en cristal brut.

En l’honneur de L’Arcade, en 1970, il s’éloigne de la figuration et ose des parures aux volumes XXL ciselés dans l’or jaune texturé appelé "poli arcade" : collier point d’interrogation en forme de liane, boucles d’oreilles ou bouquet floral futuriste. En 1977, il crée Liens d’Or, l’une des premières collections de la maison. Suivra la ligne Pierres d’Or, où les pierres de centre sont remplacées par des cartouches en or 24 carats, inspirés des blasons figurant au fronton des immeubles parisiens. Gemmologue, René Morin, friand d’antiquités, chine à Drouot des pièces qui lui inspirent des objets joailliers, des pendules, jusqu’à des carapaces de tortue qu’il habille d’opales. 

Le second, Pierre Sterlé, le rejoint en 1976. Dès 1934, il a créé en son nom des bijoux pour différents joailliers de la place Vendôme, dont Chaumet. Prônant élégance, raffinement et sophistication, son style s’affirme tout au long des années 1940-1950. Tout en légèreté, ses créations captent le mouvement sur le vif avec une maîtrise du travail de l’or. Dans le salon des Diadèmes, la conservatrice s'arrête devant des broches oiseaux qui semblent prendre vie. "Ici, ce qui est sublime, c'est qu'il y a un travail de sculpture : le corps de ces oiseaux est composé dans un cas de labradorite et dans l'autre de lapis-lazuli. Vous avez aussi un travail sublime de métal. Pierre Sterlé le travaille comme des cheveux d'anges ou de la cotte de maille". Considéré comme le "couturier de la haute joaillerie", il explore les thèmes de la faune et de la flore. Il se consacre exclusivement à Chaumet dès le milieu des années 1970. Claire Gannet s'arrête encore devant une bague : "elle est géniale. On est dans les années 70 et on peut choisir selon son humeur du matin la pierre que l'on veut mettre : malachite, cristal de roche, lapis-lazuli ou corail".

Exposition "Chaumet, un âge d'or : 1965-1985" au 12 place Vendôme à Paris, septembre 2023 : dans le salon des Diadèmes, une bague Chaumet interchangeable (Chaumet)

L’Arcade, un écrin futuriste

En 1970, Chaumet inaugure 12, place Vendôme, à côté de son magasin historique, L’Arcade, un magasin destiné à exposer ses pièces avant-gardistes. Il est pensé pour des "bijoux qui ont des choses à dire" souligne-t-elle. Pour l’occasion, 250 créations ont été imaginées : une coupe en agate se pare de motifs en or et lapis-lazuli, un coquillage se fait dragon avec des yeux d’agates vertes...

La façade, en aluminium anodisé, détonne et son décor, composé de mobilier en laque de Chine, brise les codes des salons historiques. Inscrit dans le design et l’architecture d’intérieur des années 1970. Chaumet joue la carte de la "transformabilité" pour modifier les emplacements des vitrines et du mobilier. "Tout l'intérieur du mobilier est modulable, on s'amuse et c'est un vrai succès. L'Arcade fait des émules et est créée dans d'autres villes en Europe et même au Japon".

Pionnière, L’Arcade offre une expérience inédite, au sous-sol, où se joue un spectacle audiovisuel. "C'était une galerie joaillerie. C'était un lieu d'art" où se mêlent objets surprenants, joaillerie et créations d'art contemporains. Et se fait même lieu d’exposition : en 1974, le flacon du parfum 1 000 de Jean Patou y est présenté et en 1976, une collection de tsubas japonais est mise à l’honneur. Le Bestiaire fabuleux de René Morin y occupe aussi une place de choix aux côtés de sa collection Liens "qui aujourd'hui encore a le succès que l'on connaît. C'est dès le départ un grand succès".

L’art et la matière

S’inscrivant dans la tradition d’orfèvrerie de la maison, les joailliers réinventent dans les années 1970 le travail du métal. En quête de nouvelles formes, ils imaginent de multiples techniques et conçoivent différentes textures. Aux traditionnels effets poli, soleillé, ciselé, mat, griffé, brossé de l'or jaune, s’ajoutent le "poli Arcade" et le poli miroir. Le premier, semblable à la texture d’une pépite, est travaillé de manière à donner une impression brutaliste, presque primitive, en alternant parties matifiées et parties laissées à vif. Son appellation "or sauvage" est encore utilisée aujourd’hui. Le second, poli à l’extrême, prend une teinte claire et renvoie le reflet parfait d’un miroir. Pierre Sterlé propose aussi des pièces où l’or est tressé, comme sur les broches Cartes à jouer tandis que René Morin suggère de le marteler ou de le craqueler dans la collection Pierre d’Or.

D’autres matériaux sont à leur tour explorés : traité, le bronze présente une patine d’un réalisme impressionnant, "comme ce collier panthère serrant dans sa gueule une fleur. Là encore ce bronze superbe mis en regard avec cette superbe fleur en nacre, qui est issue d'un bloc de nacre, phénoménal".

Exposition "Chaumet, un âge d'or : 1965-1985" au 12 place Vendôme à Paris, septembre 2023 : dans le salon des Parures, le collier panthère (Chaumet, vers 1983), en or, bronze, diamants, émeraudes et nacre. (PAULINE GUYON)

Les pierres dures, dites ornementales sont aussi mises en lumière. Sculptées et taillées, les gemmes sont confiées au tailleur Robert Lemoine que Chaumet choisit pour les travaux de glyptique. En résultent des pièces vitaminées comme cette parure figurant des ananas ornés de boules de turquoise. La maison ose des accords inédits car "qui dit années 70, on ose la couleur, les ananas, c'est tout cet imaginaire".

Exposition "Chaumet, un âge d'or : 1965-1985" au 12 place Vendôme à Paris, septembre 2023 : collier torque avec ananas (Chaumet)

Un Âge d'Or : 1965-1985 jusqu'au 2 décembre 2023 de 11 heures à 19 heures, du mardi au samedi. Entrée gratuite sur réservation au 12, place Vendôme. 75001 Paris.

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