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Exposition "Pierres gravées" à l’École des Arts Joailliers à Paris : laissez-vous surprendre par l'art oublié de la glyptique

L'exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière", proposée par l'Ecole des Arts Joailliers à Paris, est un bel exemple d'un art aujourd’hui méconnu et oublié, celui de la glyptique.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" : Anne d’Autriche, camée en sardonyx (intaille au revers), France, XVIIe siècle  (Benjamin Chelly)

L'exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" est une invitation à découvrir l’histoire de la glyptique, jusqu'au 1er octobre 2022, à l’École des Arts Joailliers à Paris.

Deux cents pièces, de l’Antiquité grecque au XIXe siècle, y incarnent l'évolution de cette gravure à travers un panorama de techniques et de styles. Un sujet étonnant et une plongée dans un univers miniature captivant. 

La glyptique ou l'art de graver les pierres 

Mais qu'est-ce-que la glyptique ? Cela "désigne l'art de graver les pierres soit en relief, soit en creux" explique Guillaume Glorieux, directeur de l'enseignement et de la recherche de l'Ecole des Arts Joailliers.

En mars dernier, lors d'une conférence de présentation de l'exposition, il précise alors "c'est un monde miniature, un monde de sensibilité et de raffinement où technique et esthétique se rejoignent pour nous émouvoir. Ces camées, intailles et bagues, permettent de raconter une histoire, assez méconnue de l'art des pierres gravées depuis l'Antiquité jusqu'au 19e siècle"C’est la beauté de chaque pièce qui a guidé le collectionneur Guy Ladrière, marchand spécialiste des arts premiers et de l’art médiéval, aux hasards de ses découvertes. Comme le prouve la collection présentée ici, "cet art n'a cessé de fasciner les monarques, les esthètes et les collectionneurs", insiste Guillaume Glorieux.

L'exposition suit un parcours chronologique (Egypte, Rome, Moyen-Âge, Renaissance, XVIIe siècle, néoclassicisme...) avec une introduction sur les pierres employées, les outils, la technique et le savoir-faire... "200 oeuvres sont présentées pour la première fois au public" souligne encore le directeur de l'enseignement et de la recherche de l'Ecole des Arts Joailliers.

Une vidéo, des visites thématiques 

Pour mieux comprendre cet art complexe, l'exposition propose en début de parcours d'admirer des pierres à l'état brut ainsi qu'une vidéo très instructive consacrée à Philippe Nicolas. Maître d'art graveur et sculpteur sur pierres de la maison Cartier, il donne des clefs pour appréhender son travail.  

La visite se poursuit dans une seconde salle par la découverte des pierres gravées, qui sont le plus souvent de petite taille. Elles sont nichées dans une succession de vitrines en verre, elles-mêmes enchâssées dans de hautes colonnes rectangulaires en albâtre et métal. 

A ne pas rater, au fond de la pièce, une grande vitrine spectaculaire toute en longueur où sont exposées 2 000 ans de bagues. Un moyen de nous rappeler que ces pierres gravées furent majoritairement destinées à être serties sur des bagues, éventuellement pour servir de sceaux.  

Exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" : signet au nom de l’évêque Teudefredus, bague en or. Royaume wisigoth, VIIe-VIIIe siècle. (Didier Loire)

Des visites thématiques avec des professeurs de l'École des Arts Joailliers sont proposées. Une excellente initiative pour appréhender la richesse de cette thématique qui demeure complexe.

Gravure en creux, gravure en relief

"Le métier de lithoglyphe n'a pas tellement changé" souligne, quant à lui, le commissaire d'exposition, Philippe Malgouyres, "cette technique qui a perduré jusqu'à aujourd'hui est presque toujours sous-tendue par l'admiration ou l'imitation de l'Antiquité". 

Exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" : chasse au sanglier, d’après l’Antique, camée en sardonyx monté en enseigne, fin du XVe. (Benjamin Chelly)

Toutes ces pierres sont travaillées par abrasion, une méthode employée depuis la plus haute Antiquité. "C'est la pierre que l'on bouge autour d'un outil qui ne bouge pas. La gravure des pierres prend deux formes : celle de l'intaille (en creux) et celle du camée (en relief). Les intailles servaient de sceaux pour laisser une empreinte dans la cire ou dans l'argile : l'oeuvre que crée le graveur va donc être réalisée à l'envers" précise Philippe Malgouyres

Selon l'historien de l’art et conservateur en chef du patrimoine au Département des Objets d’Art du musée du Louvre, il s'agit de "laisser une marque qui soit personnelle. On pouvait laisser son nom sur la bague mais surtout l'orner avec une pierre unique. Cet acte de sceller était extrêmement courant pendant l'Antiquité, le Moyen-Âge".

"On y a ajouté à l'époque hellénistique, une autre technique, celle de la gravure en relief que l'on applique à ces pierres de couleurs" explique-t-il, avant d'ajouter avec un sourire : "ces gravures ont été faites sans aucun pouvoir grossissant (loupe) à l'oeil nu". Les pièces exposées sont, en effet, pour la plupart de petites dimensions et parfois il est difficile à l'oeil nu de voir tous les détails gravés sur les gemmes qui prennent pour sujets des portraits de personnages illustres comme Demosthène, Jupiter, L'empereur Vespasien, l'Empereur Auguste, Elisabeth 1er.... 

Exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" : Hercule, camée en sardonyx, cadre en bronze doré, XVIe siècle. (Benjamin Chelly)

Exploiter la structure naturelle de la pierre 

L’exposition est organisée autour de thèmes, principalement chronologiques et parfois iconographiques. "C'est la pierre qui va inspirer le projet de l'artiste. Le propre du camée est d'être en relief mais son intérêt est la découverte et l'emploi des pierres à couches. Le camée va exploiter la structure naturelle de la pierre et de ses couches - sombres et claires. Pour accentuer le coloris de la pierre, on la fait cuire dans du miel et du sucre" explique Philippe Malgouyres

On peut ainsi admirer une superposition de couleurs au sein de la même pierre qui va d'un ton très clair à un brun très foncé. "Et dans cette pierre traitée, cette pierre artificielle, le graveur va utiliser ces couches pour dégager une polychromie qu'il va intégrer à son projet. Il sculpte en tenant compte de l'épaisseur de la pierre", indique encore Philippe Malgouyres.

Exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" : Hercule terrassant le lion, camée en sardonyx sur une bague en or émaillé. Sicile, XIIIe siècle. (Benjamin Chelly)

Exposition Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière jusqu'au 1er octobre 2022. 
École des Arts Joailliers. 31, rue Danielle Casanova. 75001 Paris. 
Entrée gratuite, réservation sur www.lecolevancleefarpels.com
Visites thématiques avec des professeurs de l'École des Arts Joailliers les mardis, vendredis et samedis (14h à 15h) et les jeudis (14h à 15h et de 19h à 20h).

Affiche de l'exposition "Pierres gravées. Camées, intailles et bagues de la collection Guy Ladrière" à l'École des Arts Joailliers à Paris. (Courtesy L'Ecole des Arts Joailliers)

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