Joaillerie : dans les coulisses du Laboratoire Français de Gemmologie qui certifie les pierres précieuses
Le Laboratoire Français de Gemmologie à Paris est le seul laboratoire en France à établir "la carte d'identité" des diamants, pierres de couleur et perles. Rencontre avec son directeur Aurélien Delaunay.
Fondé en 1929 par la chambre syndicale du diamant (et rattaché à l’Union Française de la Bijouterie-Joaillerie depuis 2011), le Laboratoire Français de Gemmologie (LFG) est le plus ancien laboratoire de gemmologie au monde.
Seul laboratoire certifié en France, il réalise des rapports d’analyse - pour les professionnels et les particuliers - sur toutes les gemmes, diamants, pierres de couleur et perles. Ses conclusions sont fondées scientifiquement et ne sont pas de simples avis comme nous l'explique Aurélien Delaunay, gemmologue et directeur du LFG.
Franceinfo culture : qui sont les professionnels qui s’adressent à vous ?
Aurélien Delaunay, directeur du Laboratoire Français de Gemmologie : Le LFG est ouvert à tous mais ce sont principalement les bijoutiers joailliers, notamment ceux de la place Vendôme, les maisons de luxe appartenant aux grands groupes (Richemont, LVMH...), les maisons comme Cartier, Van Cleef & Arpels, Boucheron, Chaumet, Chanel, Hermès, Christian Dior, Louis Vuitton... et les bijoutiers-joailliers de Paris et de province ainsi que tous ceux qui gravitent autour, comme les négociants, les fournisseurs, les ateliers et les diamantaires. Les personnes qui travaillent avec les ventes aux enchères, c'est-à-dire les commissaires-priseurs, les experts et les antiquaires font aussi appel à nous. Une très faible partie de notre clientèle est composée de particuliers (de 5 à 10%).
Dans quelles circonstances les particuliers s’adressent à vous ?
Le particulier vient pour connaître ce qu'il possède : ainsi dans le cas d'un bijou hérité dans le cadre d'une succession, il n'a peut-être pas toujours la traçabilité exacte de la pierre. Autre cas : le particulier - qui a acheté une pierre et qui veut s'assurer de ce qu'il a acheté - peut avoir besoin d'un document pour justifier de la valeur de son objet auprès des assurances. Enfin, quand il demande à un bijoutier-joaillier de créer un bijou, il peut avoir besoin de l'identification d'une pierre avant de la sertir.
Comment se passe une expertise ?
Le professionnel ou le particulier dépose sa ou ses pierre(s) dans une cabine sécurisée : c'est le moment de la prise en compte de la demande par le personnel administratif. Le dossier est alors transformé en numéro, tout est anonymisé dans un souci d'impartialité. Pour chaque dossier, il y a plusieurs tests obligatoires : la pesée de la masse exacte de la pierre ou du bijou (ce qui va influencer sur sa valeur finale), ses dimensions, des photos des pierres et de leurs inclusions. Il y a aussi le scan 3D (pour le diamant afin de lui attribuer un grade de taille, type 1 ou 2), le spectromètre Raman et l'infrarouge (pour les pierres de couleurs), la micro radiographie et la tomographie (pour observer la structure interne des perles).
Tous ces outils permettent de faire une première mesure pour conclure à la nature exacte de la pierre. On va remplir une fiche de travail, validée en équipe, car c'est l'avis du laboratoire en entier, cela évite tout souci d'impartialité et d'erreur d'analyse. Cet examen préliminaire comprend l'identification de la matière, le traitement et dans certains cas l'origine : sur ce rapport d'analyse vous avez toutes les propriétés et toutes les caractéristiques des pierres. Bien entendu la couleur, la pureté, la taille vont attribuer une certaine valeur à la pierre mais nous ne fournissons pas d'estimation financière ce n'est pas le rôle du laboratoire qui a un rôle scientifique pour une analyse en totale indépendance. On fait 5.000 rapports par an, on voit 1,5 millions de pierres.
Vous amène-t-on plus de diamants synthétiques aujourd'hui qu’hier ?
On en a toujours vu et le laboratoire a été créé pour cela en 1929 pour distinguer les pierres naturelles des pierres synthétiques, les perles de culture des perles fines. On voit, aujourd'hui effectivement, plus de gros diamants synthétiques. Dans les lots de diamants mêlés (diamants de pavages, des petits diamants), on en a vu beaucoup dans les années 2012-2013, parce qu'à cette époque la filière n'avait pas pris les mesures nécessaires pour contrôler les lots à plusieurs étapes du sourcing. Maintenant, nous en voyons beaucoup moins. Le métier a la volonté d'être transparent sur son sourcing et sur la qualité des lots qu'il fournit aux joailliers. Si on voit encore des moissanites synthétiques (ndlr, pierre de synthèse qui est une bonne imitation du diamant), ce n'est pas, cependant, dans un volume très important.
Quels sont les challenges qui attendent l’industrie joaillière aujourd’hui ?
Les challenges sont nombreux. Nos clients ont un besoin de contrôle, de savoir ce qu'ils achètent, c'est une demande actuelle. La traçabilité est un enjeu très important : on a mis en place un système en interne, puisque la pierre qui arrive est tracée de son entrée jusqu'à sa sortie. On peut aussi évoquer l'ère du numérique (relier une pierre à son rapport d'analyse) avec la blockchain (ndlr, technologie de stockage et de transmission d'informations sans organe de contrôle).
C'est important que la filière soit transparente de A à Z mais il y a encore beaucoup de choses à faire sur les normes de qualité, sur l'utilisation de l'or (comment est traité l'or recyclé), tout ce qui est éthique, environnemental mais aussi la puissance du synthétique, quelle place il va prendre par rapport aux pierres naturelles ?
A qui s’adressent les formations proposées par le LFG ?
Les formations s'adressent à tous, il n'y a pas de pré-requis. C'est le rôle du laboratoire de faire connaître les pierres... et quand nous les faisons connaître aux clients finaux ou aux personnes qui travaillent dans la filière de la bijouterie-joaillerie (forces de vente, marketing), ils savent alors de quoi ils parlent et ils sauront, effectivement, comment les vendre, comment les identifier avec des outils simples. Nous les formons pour qu'ils connaissent leur potentiel et leur limite. Le rôle de la formation est de donner les clefs de la connaissance en gemmologie à tous, même pour une initiation ou une spécialisation.
Une anecdote à raconter ?
Il y a le particulier qui dépose une pierre en pensant que c'est le diamant de la grand-mère... et nous sommes annonciateurs de mauvaises nouvelles mais il y a aussi l'achat fait lors d'un vide-grenier et qui se révèle quelque chose de magnifique. Nous avons la chance, ici, de voir des diamants rares et aussi des bijoux historiques comme ceux ayant appartenu à Marie-Antoinette, Elizabeth Taylor...
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