Retour sur la Fashion Week masculine automne-hiver 2024-25 des maisons Walter Van Beirendonck, Issey Miyake et Ungaro
Pour prolonger le plaisir de cette semaine masculine automne-hiver 2024-25, voici les collections de trois créateurs coups de cœur : Walter Van Beirendonck, Issey Miyake et Ungaro.
Walter Van Beirendonck : entre hier, aujourd'hui et demain
Créateur basé en Belgique, Walter Van Beirendonck présente ses collections masculines depuis 1983. Il adopte, depuis toujours, une démarche stylistique originale entre artwear et inspiration ethnique à base de graphisme agressif et de couleurs flamboyantes avec en toile de fond un message politique. Ses défilés créatifs et excentriques font sensation à Paris et sont suivis par la profession, car ils racontent des histoires et interpellent l'opinion. Ainsi, pour l'automne-hiver 1995-96, les hommes couverts de latex de la tête aux pieds évoquaient des préservatifs géants et les ravages du sida. Utilisant le podium comme scène d'engagement politique, le créateur exprime, avec des créations – haut en couleur, fantaisistes et humoristiques – des idées fortes. Si les non-initiés se retiennent de rire, les journalistes et acheteurs savent, eux, qu'à travers ses collections, il parle des comportements vestimentaires comme des dérives de la mode ou des maux du monde avec cette approche ludique et faussement naïve.
Sa collection baNaNa WinK BooM est loin d'être sobre. Avec ses imprimés fleuris – tantôt romantiques, tantôt seventies – ses étoffes tapisserie damassées, ses effets camouflages, ses tweeds ou tartan de toutes les couleurs, ses mailles frangées de laines multicolores, elle mélange les styles les plus différents même si le créateur compose toujours à partir de son habituel univers excentrique et anticonformiste. C'est avenue Marceau, dans un appartement tout blanc, que les invités ont été installés dans de petites pièces, loin des habituels podiums où les mannequins défilent au pas de charge. Le show débute lentement, étrangement, il n'y a pas de fond musical, car chaque mannequin transporte sur lui sa propre musique, que l'on entendra par bribes au gré de leur déplacement. Certains d'entre eux prendront la pose et se présenteront "Je viens de l'espace" mais souvent la phrase est inintelligible ! Le créateur explique dans sa note d'intention : "J'ai joué à un jeu d'art Frankensteinien avec mon propre esprit". Résultat : une collection audacieuse et exubérante portée par des créatures loufoques venues d'une autre planète avec un message de paix, comme ce mannequin qui nous indique du doigt un patch "Stop War" (arrêtez la guerre) sur son blouson tandis qu'un autre lève les deux doigts en V en signe de paix. Un style militaire qui se retrouve, par exemple, avec le masque antigaz ou la grosse chaussure à semelle crantée. Les couleurs sont tapageuses sur ses grands pulls aux motifs graphiques et pops. Les accessoires sont incroyables comme ce charmant petit sac caramel doté de pieds, ce chapeau haut de forme aux dimensions démesurées (réalisé il y a trente ans par le modiste Stephen Jones) et ses habituelles chaussures dont le bas de la tige s'inspire de crocs animaliers.
Issey Mikaye : une collaboration avec le designer Ronan Bouroullec
Depuis 2018, à la Fashion Week, le couturier japonais privilégie sa ligne Homme Plissé, plus adaptée au style de vie d'aujourd'hui que sa ligne principale Issey Miyake Men. Avec sa technique de plis et sa matière infroissable et légère à séchage rapide, elle plaît aux hommes branchés affectionnant ce vestiaire facile à vivre. Au départ, la version féminine du plissé, destinée aux danseurs, fut produite pour le ballet The Loss of Small Detail en 1991 avant le lancement de la ligne en 1993. La ligne masculine a été lancée au Japon en 2013 et en France l'année suivante. Ce vestiaire moderne, urbain et sportif, est né de l’envie de créer des vêtements permettant une liberté de mouvement. Les recherches du designer Issey Miyake sur le plissage ont commencé en 1988. Son concept s’appuie sur le mouvement grâce au plissé qui apporte élasticité au vêtement, le confort avec une matière conceptuelle et technique et la modernité qui apporte une vision contemporaine.
C'est au Palais de Tokyo qu'a été présentée la collection Immersed in the Wilds of Creativity construite en collaboration avec le designer français de renommée internationale Ronan Bouroullec, dont le travail se situe entre l’objet usuel et les réalisations scénographiques. Comme à l'accoutumée, les défilés de la maison japonaise relèvent aussi de la performance : cette fois-ci, plusieurs pièces de la collection sont épinglées, telles des œuvres d'art, sur les murs blancs de l'immense salle où se tient le défilé. Elles attirent l'œil des invités qui, avant le show, s'empressent de les photographier. Les couleurs sont franches, mais on note quelques imprimés – en l'occurrence le travail de Ronan Bouroullec qui reprend sur le vêtement tout ou partie de ses œuvres. L'idée est que l'interprétation d'éléments créatifs va au-delà de leur représentation par des motifs et des dessins. Chaque œuvre agit comme un ingrédient à incorporer dans la conception et la fabrication de la collection, donnant vie à un processus créatif cohérent. On aime ce vestiaire facile à vivre dont les silhouettes ont l'air simples, mais sont savamment structurées ainsi que ces lignes minimalistes aux couleurs éclatantes.
Ungaro : mouvement, fluidité, énergie
Designer historique du prêt-à-porter masculin, Philippe Paubert connaît bien la maison, comme nous l'avait expliqué sa directrice générale en 2023 : "Quand je suis arrivée, Monsieur Ungaro m'a dit qu'il voulait quelqu'un pour créer la collection homme avec lui, mais la difficulté, c'était de trouver une personne qui comprenne l'homme, un peu artiste, qu'imaginait Ungaro. En 1993, je lui ai présenté Philippe Paubert." Une relation, interrompue de 2007 à 2010, puis relancée en 2014. En 2016, la marque, qui renoue avec la Fashion Week, reprend les codes propres à l’ADN féminin pour les interpréter dans un esprit tailleur "le sartorial italien" pour une silhouette citadine, mais décontractée. "Philippe aime ce qui est déstructuré, les vestes non doublées, et – comme aimait Monsieur Ungaro –, la veste souple que l'on met dans sa valise", précise Marie Fournier. "Emanuel voulait toujours que les tissus soient fluides, qu'ils accompagnent le mouvement. Mes tissus ont des performances qui les rendent parfaits pour voyager. C'est toujours impeccable !", avait déjà souligné le créateur.
Philippe Paubert signe, cette saison, une collection qui célèbre le mouvement et la fluidité – éléments clefs de l'ADN de la marque – avec l'utilisation, entre autres, de tissus tricotés, de textures 3D et de flanelles. Coté palette, les tons de gris fournissent une base neutre tandis qu'une touche de pain d'épice ajoute de la chaleur. "L'homme Ungaro est toujours un artiste cool qui ne se laisse pas enfermer dans des codes vestimentaires stricts. Cette fois-ci, il est plus jeune, plus branché et il danse... dans la vidéo de la collection pour montrer la fluidité, le mouvement, l'énergie. C'est du sportwear chic", indique la maison. L'homme Ungaro aime les belles matières un peu techniques, les belles mailles, pour des pièces qui traversent les saisons et qu'il peut mixer ensemble. À chaque saison, une nouvelle veste : "La veste de travail de Monsieur Ungaro, en coton tout simple, est revisitée avec des poches et un nouveau logo U assez graphique." La maison a fait un concours avec l'école Sup de mode à Bordeaux où Philippe Paubert était jury : les élèves devaient revisiter cette veste. Le modèle gagnant a été mis dans la collection ainsi qu'un imprimé fleuri camouflage.
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