: Reportage Dans le secteur de la mode, la revente des excédents de tissus en plein essor
On les appelle des stocks dormants : ce sont des excédents de tissus créés pour une collection puis abandonnés dans les réserves. Les marques de luxe ont longtemps détruit ces invendus. Aujourd'hui, le circuit de revente se met en place. Exemple pour la première fois sur l'un des plus gros salons professionnels de tissus à Villepinte, organisé près de Paris du 6 au 8 février.
Arturo Obegero prépare sa collection été 2025. D'ordinaire, le créateur espagnol ne fréquente pas les salons professionnels comme Première Vision. Mais cette année, c'est nouveau, il y a un espace réservé aux stocks dormants, des invendus, et c'est ce qu'il cherche : "Personnellement, je travaille beaucoup avec des chanteurs, comme Beyoncé, Adèle, ou Harry Styles et ce sont des pièces très chics, très élégantes mais toutes faites avec du tissu dormant."
"Beyoncé, par exemple, elle adorait que tous les tissus que j'avais utilisés soient des tissus dormants."
Arturo Obergo, créateurfranceinfo
Une aubaine pour Caroline Varrel, la jeune créatrice va lancer sa marque de maroquinerie, Naro, qu'elle veut écoresponsable. Un défi pour le cuir : "C'est une industrie extrêmement polluante, il y a énormément de production, du coup les stocks dormants c'est une solution hyper intéressante puisque je récupère quelque chose d'existant pour en faire quelque chose à mon image." Et avec 30 à 70% de décote par rapport au prix d'origine, le luxe devient accessible.
"Tous nos stocks sont totalement anonymes"
Mais les griffes sont jalouses de leurs secrets de fabrication. Chanel a préféré créer sa propre plateforme de revente, comme LVMH avec Nonasource dirigée par Romain Brabo. On y retrouve les invendus de Louis Vuitton, Dior, Fendi, Céline ou encore Givenchy : "Le but du jeu a été de convaincre les maisons que ces magnifiques ressources avaient beaucoup de valeur. Ça a été un long combat. Nous, ce qu'on leur offre, c'est de la visibilité sur ce que ça devient. Ça les rassure beaucoup et ça crée ce climat de confiance entre nous."
Avec sa société Adapta, Virginie Ducatillon achète et revend des cuirs inutilisés. On peut même dire qu'elle les sauve parce que ces rouleaux sont considérés comme des déchets. Et contrairement aux vêtements protégés par la loi Agec, ils peuvent être détruits : "Ça arrive régulièrement. Parce que ça coûte trop cher d'entreposer toutes ces matières, elles sont détruites. Alors après, pour mettre en place une collaboration avec une maison de luxe, il a bien fallu deux ans, signer toutes sortes de contrats.. Déjà pour ne pas nommer les maisons de luxe. Tous nos stocks sont totalement anonymes et aussi, on se refuse à revendre à un autre destockeurs pour éviter la contrefaçon en bout de chaîne." On estime qu'après chaque collection, 5 à 30% des matières produites sont abandonnées.
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