Fashion Week : l'ère du designer star est-elle révolue ?
En janvier, Gucci a ouvert la Fashion Week Milanaise avec son premier défilé depuis le départ fin novembre 2022 de son directeur artistique Alessandro Michele. A la Paris Fashion Week, la collection masculine de la maison Louis Vuitton était, quant à elle, signée d'un collectif de créatifs accompagné du studio de création qui a pris le relais du designer noir engagé Virgil Abloh depuis son décès fin 2021.
Ces maisons ne sont pas les seules à prendre leur temps : l'époque du règne des créateurs stars semble révolue et si les géants du luxe engagent encore des personnalités hors norme, pour se repositionner, c'est la discrétion qui fait vendre affirment les spécialistes.
Comme Louis Vuitton, Gucci recherche son nouveau directeur artistique
Ce sera jusqu'à nouvel ordre le cas également de Gucci, du groupe concurrent Kering, après le départ fin novembre 2022 d'Alessandro Michele. En sept ans, le créateur a érigé la marque italienne au rang des monstres du secteur mais a été remercié lorsque les ventes ont commencé à baisser par rapport à Vuitton ou Hermès. L'engouement pour ses défilés baroques et décalés ou ses créations ne convainc, en revanche, pas les milieux financiers qui se sont félicités de son départ. "Les marchés veulent que Gucci vende des sacs à main noirs au monde entier et pas des trucs roses bardés de fanfreluches que M. et Mme tout-le-monde n'oseraient pas porter en ville", a souligné Arnaud Cadart, gérant de portefeuille pour la société de gestion d'actifs Flornoy Ferri.
Pour Benjamin Simmenauer, professeur à l'Institut Français de la Mode. faire de l'"intemporel" nuirait à Gucci, dont l'ADN est "profondément dans la transgression": "il faut une forme de séduction baroque, un peu de folie".
Le créateur de mode a perdu son "rôle christique"
"Les situations sont différentes" mais elles révèlent une tendance : "c'est l'âge d'or des profils bas", analyse Arnaud Cadart, interrogé par l'AFP fin 2022. Le créateur de mode a perdu son "rôle christique", soutient Eric Briones, auteur de Luxe et digital et Vuitton qui "s'en sort très bien" sans directeur artistique est "un cas d'école". "L'identité de la marque n'est plus dans le créateur, les créateurs sont des interprètes de l'identité de la marque", déclare Julie El Ghouzzi de l'agence de conseil Cultz.
"Les maisons qui fonctionnent le mieux ces dernières années sont celles où le directeur artistique est discret", souligne Arnaud Cadart. "Essayez de citer les noms des designers d'Hermès [Nadège Vanhee-Cybulski pour la femme et Véronique Nichanian pour l'homme]. Quelle proportion des clients d'Hermès connaisse leur nom ? Virginie Viard de Chanel, vous ne la voyez pas tous les quatre matins dans les journaux", poursuit-il. Chez Chanel, remplacer Karl Lagerfeld "est une mission impossible. Ils ont pris son bras droit qui perpétue le travail, qui n'est pas mis en avant", souligne Eric Briones.
"Cela crée du buzz négatif"
En revanche Demna, maître des provocations chez Balenciaga (Kering) cité parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde par Time, est sur la sellette après une campagne mêlant enfants et accessoires sexuellement connotés. Son défilé en mars 2022, hommage à l'Ukraine, dans lequel il a mis en scène des "réfugiés", a divisé. Certains ont apprécié le message émotionnel, d'autres étaient froissés par la façon de présenter les "sacs-poubelles" vendus ensuite 1.500 euros.
En octobre 2022, Kanye West avait ouvert son défilé dans la boue, quelques semaines avant que Balenciaga ne rompe toute relation avec le rappeur en réaction à ses propos antisémites. "Cela crée du buzz négatif. Il est difficile d'imaginer que cela ne casse pas l'élan de la marque qui fonctionnait très fort", souligne Arnaud Cadart.
L'affaire John Galliano, remercié en 2011 par Dior après une vidéo où il proférait sous l'emprise de la drogue des injures antisémites, a marqué le début de la fin des designers vedettes."Plus les maisons grandissent, plus le luxe devient un marché de masse. On va chercher des directeurs artistiques plus consensuels", souligne Benjamin Simmenauer. "Cela comporte un autre risque : que les gens s'ennuient. La mode est censée divertir et poser des questions".
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