Le Festival du livre de Paris ouvre ses portes : "Nous avons voulu une manifestation 100% dédiée aux lecteurs"
Nouveau nom, nouveaux lieux, nouvelle vision… Le directeur du Festival du livre de Paris, Jean-Baptiste Passé, vous dit tout sur ce salon réinventé, qui se déroule du 22 au 24 avril 2022.
Jean-Baptiste Passé est le nouveau patron du salon du livre de Paris, organisé par le SNE (Syndicat national de l'édition) et rebaptisé Festival du livre, qui se déroule de ce vendredi 22 au dimanche 24 avril sous la coupole du Grand Palais Éphémère. Il se déploie aussi dans d'autres lieux prestigieux de la capitale comme le Panthéon ou le Petit Palais.
>> Festival du livre de Paris : ce qu'il faut savoir sur la première édition d'un salon réinventé
Ce projet de salon du livre réinventé a été imaginé par Jean-Baptiste Passé et son équipe en un temps record de sept mois. Un peu fébrile à la veille de l'ouverture de l'événement, annulé deux années consécutives, ce travailleur acharné, fils d'agriculteur et ancien libraire, confie à franceinfo Culture les dessous d'une première édition du salon du livre de Paris en mode festival.
Franceinfo Culture : Pourquoi avoir transformé le Salon du livre en festival ?
Jean-Baptiste Passé : Nous avons voulu déplacer le centre de gravité de cette manifestation, tout en nous nourrissant de son histoire (40 ans d'existence quand même !). Jusqu'ici le salon était très tourné vers les professionnels, avec présents sur le salon des acteurs de la chaîne du livre comme des imprimeurs, des relieurs ou même des éditeurs de logiciels. Cette fois, nous avons voulu construire une manifestation 100% dédiée au public, aux lecteurs.
Pourquoi avoir changé de lieu ?
Nous souhaitions faire revenir le salon au cœur de Paris, comme aux origines, et le Grand Palais éphémère est un magnifique écrin. Nous avons voulu introduire une forme d'itinérance, avec une quinzaine de lieux, comme le Panthéon, le Petit Palais, la Sorbonne. En investissant ces lieux prestigieux, nous voulons croiser curiosité littéraire et appétence patrimoniale. Imaginez, nous allons ainsi avoir un Prix Nobel, Orhan Pamuk pour une rencontre au Panthéon ! Itinérance également avec des Flâneries, qui vont se déployer cette année dans les rues de Paris : une déambulation dans les pas de Françoise Sagan, une balade en péniche avec Antoine Compagnon, une visite des éditions Gallimard avec son patron…
Nous avons souhaité maintenir cette initiative lancée il y a quelques années au salon par la libraire Marie-Rose Guarniéri. Cette idée était excellente et nous plaisait beaucoup, il n'était donc pas question de l'abandonner. Pour nous, il s'agissait d'infléchir la courbe du salon du livre, mais sans renverser la table… Itinérante, plus festive, plus festivalière, la manifestation ressemblera donc plus à un festival qu'à un salon.
Comment avez-vous imaginé et construit ce festival, de quoi vous êtes-vous inspiré ?
De mon expérience déjà. J'ai le sentiment de connaître intimement l'univers des livres, dans toutes ses dimensions, de la littérature à la BD, en passant par la poésie ou la jeunesse, mais aussi dans son organisation, l'édition, la diffusion, et puis j'ai commencé comme libraire et cette expérience m'a appris le sens des réalités. Cette vision a été renforcée par celles de l'équipe. Avec Marie-Madeleine Rigopoulos, comme directrice artistique du festival, nous avions l'expertise de celle qui a fait du salon de Nancy un salon super tendance, qui marque désormais le coup d'envoi de la saison des Prix littéraires de l'automne.
"Ce projet a également été forgé par de nombreux échanges et discussions avec les maisons d'édition, des petites, et des grandes, à partir desquelles nous avons posé cette nouvelle vision."
Jean-Baptiste Passédirecteur du festival du livre de Paris
Vous avez dû aussi vous adapter à un lieu plus petit, ce n'était pas trop compliqué ?
Il nous a fallu faire l'exercice de la frugalité et de l'intelligence collective, en abandonnant une certaine logique mercantile. Mon expérience de libraire m'a guidé dans cette idée de penser à partir de l'espace, et pas l'inverse, donc de ne pas juxtaposer des groupes d'édition. Nous avons fait appel à une scénographe pour penser l'espace, et plutôt que de proposer aux éditeurs des m² à aménager comme à la Porte de Versailles, nous leur proposons des espaces pensés, équipés, meublés. Pour que les éditeurs s'y retrouvent, nous avons calibré les tarifs pour que l'investissement soit à peu près le même qu'avant. Pour 900 €, un petit éditeur peut se payer un espace au Grand Palais éphémère, c'est moins cher qu'avant.
C'est un petit saut créatif, et aussi un petit saut dans l'inconnu, mais il me semble qu'en favorisant le collectif, chacun pourra s'y retrouver, et cette organisation permettra une meilleure visibilité pour les maisons d'édition, sur leur identité littéraire, sur leur catalogue.
À qui ce festival du livre s'adresse-t-il ?
Je ferai une réponse à la belge : le festival du livre s'adresse à tous les lecteurs de sept à septante dix-sept ans ! Je serai vraiment très heureux si des familles se déplacent et que tout le monde y trouve son compte. Le festival a été construit comme cela, avec ses trois branches : la fiction, la non-fiction, et un espace BD et jeunesse, pour les plus jeunes. Nous avons même prévu un espace de lecture avec des coussins, pour les enfants. Se préoccuper des jeunes lecteurs, c'est fondamental.
"Le festival est une belle vitrine de la richesse et de la diversité éditoriale française, mais qui n'a aucun sens si elle ne sert pas à donner envie aux jeunes de lire. C'est un enjeu civilisationnel !"
Jean-Baptiste Passédirecteur du Festival du livre de Paris
Cette année, le festival sera aussi gratuit pour tous ?
Oui, partant de la vision dont je viens de parler, la gratuité paraissait indispensable. Mais la gratuité a un coût, que les éditeurs financent à 95%, avec l'aide de la région Île de France, et du CNL (Centre national du livre).
Des maisons d'éditions qui avaient déserté le salon du livre reviennent, comment les avez-vous convaincues ?
Oui, 300 maisons d'édition seront présentes au festival. Des grosses, des moyennes, des petites. Et en effet, certaines maisons reviennent et j'en suis très fier, comme celles du groupe Hachette (Grasset, Stock, Odile Jacob…), mais aussi Michel Lafon, qui avait quitté le salon depuis de nombreuses années, ou encore les éditions Philippe Rey, qui avaient accepté de venir avant le Goncourt de Mohamed Mbougar Sarr. Nous sommes très fiers que ces maisons aient décidé de revenir et nous les avons convaincues, je pense, avec cette vision dont nous venons de parler.
Que donneriez-vous comme conseil à un visiteur pour préparer sa visite?
Je lui dirais de venir sur le site internet du festival, de repérer dans le programme ce qui l'intéresse, puis de réserver sa place en ligne sur un créneau qui correspond à ses envies. Il recevra alors son billet et nous serons heureux de l'accueillir dans cette grande fête du livre. Ce système de réservation, un peu sur le modèle des musées, nous permettra de gérer les jauges pour que les visiteurs profitent pleinement de leur visite, la garantie d'une bonne circulation dans de bonnes conditions sanitaires. J'invite également les visiteurs à venir le soir, car les portes du Grand Palais éphémère seront ouvertes jusqu'à 22h vendredi et samedi, avec de superbes programmes en soirée, comme la rencontre avec l'écrivain ukrainien Andrei Kourkov par exemple, le vendredi soir à 20h. Et dimanche, on peut tout à fait aller voter et venir dépenser ce temps en suspens au festival !
Avez-vous prévu des choses en particulier pour l'Ukraine ?
Oui, nous nous devions d'exprimer notre solidarité avec le peuple ukrainien, et cela, sans manichéisme (des intervenants russes seront présents aussi dans le festival). Nous avons donc décidé d'offrir un espace aux éditeurs ukrainiens, avec la présentation d'une centaine de titres, sur lequel sera aussi organisé un appel aux dons. Dans cette période, c'est très important que des livres puissent continuer à être édités en Ukraine, pour toutes les populations déplacées, en premier lieu pour les enfants.
Un conseil de lecture avant d'attaquer le festival ?
"Comme l'issue approche, nous sommes tous un peu stressés, alors pour prendre un peu de distance, pour me détendre, je relis "Madame Bovary", de Gustave Flaubert."
Jean-Baptiste Passédirecteur du Festival du livre de Paris
Mais pour un conseil de lecture plus contemporain, je recommanderais Le voyant d’Étampes, d'Abel Quentin publié aux éditions de l'Observatoire, qui a obtenu le Prix de Flore 2021. C'est un livre acerbe et piquant sur l'époque. Cet auteur de 35 ans est pétri de talent. C'est très drôle et formidablement écrit.
Festival du livre de Paris
Inscription en ligne
Grand Palais Éphémère
Vendredi 22 avril: de 10h à 22h
Samedi 23 avril : de 10h à 22h
Dimanche 24 avril : de 10h à 18h
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