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Sept romans français à ne pas rater dans la rentrée littéraire 2022

Parmi les 245 romans français parus dans cette rentrée littéraire 2022, en voici sept (non exclusif) qui valent le détour.

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Librairie Folies d'encre à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et sa vitrine consacrée à la rentrée littéraire, le 9 septembre 2022 (HERVE CHATEL / HANS LUCAS)

Une enquête folle sur la mort d'une femme dans les années 80s avec Grégoire Bouillier, un polar d'anticipation avec Laurent Gaudé, une balade à cheval rédemptrice avec Sandrine Collette, la vie d'un inventeur précurseur de l'énergie solaire avec Miguel Bonnefoy, les gestes et les pensées d'un tortionnaire engagé dans une guerre obscure avec Emilienne Malfatto et pour finir un hymne au dialogue façon Despentes… Voici sept romans français coup de coeur de la rentrée littéraire 2022.

 "Chien 51", de Laurent Gaudé

Couverture du roman "Chien 51", de Laurent Gaudé (ACTES SUD)

L'histoire : dans un futur proche, Zem Sparak est un policier quinquagénaire de la zone 3, le plus misérable des quartiers de Magnapole, ville tentaculaire régentée par un grand groupe international, GoldTex, désormais propriétaire de la Grèce, vendue au plus offrant après sa faillite. Exilé, hanté par la culpabilité d'avoir trahi ses frères d'armes quand la Grèce résistait, Zem Sparak n'a plus aucun espoir de retour et survit sans joie dans ce monde désincarné. Mais une nouvelle enquête va faire ressurgir son passé et le ramener dans le monde des humains, et de l'espérance.

Pourquoi on a aimé : avec Chien 51, Laurent Gaudé s'essaie pour la première fois au polar d'anticipation, pour mieux nous parler du présent. Le romancier s'est amusé à créer de toutes pièces un monde qui ressemble à peu de choses près au notre. D'une écriture qui emprunte aux codes des deux genres, et qu'il conjugue avec sa propre voix, il installe le lecteur dans une atmosphère singulière, mélancolique et nostalgique, qui évoque autant les livres de Philip K. Dick (auteur de Blade Runner), grand maître américain de la science-fiction, que ceux, versant polar, de Michael Connelly. Chien 51 est un roman à la fois profond et divertissant.
(Actes Sud, 304 pages, 22 €)

"L'inventeur", de Miguel Bonnefoy

Couverture de "L'inventeur", de Miguel Bonnefoy, août 2022 (RIVAGES)

L'histoire : après avoir reçu le Prix des libraires pour Héritage (2020), une épopée familiale entre la France et le Chili, Miguel Bonnefoy nous raconte cette fois dans un roman picaresque la vie d'un professeur de mathématiques souffreteux, inventeur oublié de la fin du 19e siècle. Augustin Mouchot (1823-1912) fut le premier à avoir mis au point une "machine à énergie solaire", baptisée Octave.

Pourquoi on a aimé : d'une écriture rabelaisienne, l'écrivain dresse le portrait d'un personnage paradoxal. L'histoire d'un "homme de l'ombre tourné toute sa vie vers le soleil", comme le résumait l'écrivain à franceinfo Culture lors de la sortie du roman.

"Le colonel ne dort pas", d'Emilienne Malfatto

Couverture du roman "Le colonel ne dort pas", d'Emilienne Malfatto, août 2022 (Les éditions du sous-sol)

L'histoire : la lauréate du Goncourt 2021 du 1er roman nous plonge dans la tête d'un soldat tortionnaire, "spécialiste de l'interrogatoire". Le roman alterne entre le récit du déroulement des événements dans un camp militaire apparaissant comme hors du monde, et la voix intérieure du colonel, un long chant tragique déployé en italique avec des retours à la ligne. Ce monologue intérieur raconte les nuits sans sommeil, et la lutte du colonel contre l'assaut des "Hommes-poissons", ses anciennes victimes qui viennent le hanter.

Pourquoi on a aimé : la jeune romancière parvient avec ce roman impressionniste à dessiner avec netteté l'absurdité et l'horreur de la guerre. On se croirait presque dans un roman de Dino Buzzati. 
(Éditions du sous-sol, 112 pages, 16 €)

"Taormine", d'Yves Ravey

Couverture du roman "Taormine", d'Yves Ravey, août 2022 (Editions de Minuit)

L'histoire : Taormine raconte l'histoire d'un couple en instance de séparation dont les vacances en Sicile, concoctées par le mari pour sauver les meubles, se transforment en véritable cauchemar.

Pourquoi on a aimé : on retrouve avec bonheur la patte si particulière d'Yves Ravey, ici à son sommet. Dans un jeu subtil de construction et d'écriture, le romancier dessine le portrait d'un personnage peu reluisant (que l'on découvre exclusivement par sa propre voix) et en creux, mais sans concession, les contours d'un monde égoïste, régi par les rapports de domination à tous les échelons. Un bijou.
(Éditions de Minuit, 140 pages, 16 €)

"On était des loups", de Sandrine Collette

Couverture du roman "On était des loups", de Sandrine Collette, août 2022 (JC Lattès)

L'histoire : dans ce nouveau roman, Sandrine Collette nous raconte un épisode tragique mais fondateur de la vie d'un homme. Liam, en marge de la société, est installé avec sa femme et son fils dans une région de montagne reculée, quand un jour il découvre en rentrant de la chasse sa femme mortellement blessée par un ours. Il décide alors de confier Iru, son fils rescapé du massacre, à des proches. Issu d'une famille violente, Liam se sent incapable de s'occuper de ce petit garçon qu'il connaît à peine. Il entame alors un voyage à cheval pour conduire son fils loin de lui…

Pourquoi on a aimé : la romancière nous plonge dans les pensées de ce personnage tout au long d'un périple qui va le ramener vers son fils, et par la même occasion vers une version plus humaine de lui-même. L'écriture de Sandrine Collette bat la mesure au rythme de la tension qui règne dans le crâne du narrateur. On était des loups, publié le 24 août aux éditions JC Lattès, est dans la liste des dix romans distingués par les librairies indépendantes pour la première édition des Défricheurs.
(JC Lattes, 200 pages, 19,90€)

"Le cœur ne cède pas", de Grégoire Bouillier

Couverture du roman "Le coeur ne cède pas", de Grégoire Bouillier, août 2022 (FLAMMARION)

L'histoire : l'idée de ce roman hors normes remonte aux années 80, quand l'auteur entend à la radio l'histoire de Marcelle Pichon, retrouvée morte dans son appartement parisien. La femme, ancien mannequin, s'est laissée mourir de faim et a consigné dans un journal le récit de son agonie, qui a duré quarante-cinq jours. Près de quarante ans plus tard, le romancier décide de mener l'enquête. Dans la peau d'un détective baptisé Baltimore, et avec l'aide de Penny, son assistante, il fouille les archives, scrute son arbre généalogique et les extraits de son journal d'agonie, sur lequel il n'arrive pas à mettre la main, pour reconstituer la vie de Marcelle et tenter de comprendre ce qui a poussé cette femme à de telles extrémités.

Pourquoi on a aimé : de recherches en digressions, dans un récit hétéroclite où sont convoqués la littérature, le cinéma, en passant par les sciences occultes ou la psychiatrie, récit constamment paré d'humour malgré la noirceur du sujet, le romancier se retrouve nez à nez avec sa propre histoire, dans un jeu de miroir avec celle de Marcelle. A travers ce fait divers, et le récit de son enquête, c'est aussi son regard incisif sur l'histoire et le monde contemporain que partage avec le lecteur Grégoire Bouillier. Ce roman OVNI de 912 pages figure dans presque toutes les premières sélections des prix de la rentrée littéraire.
(Flammarion, 912 pages, 26 €)  

"Cher connard", de Virginie Despentes

Couverture de "Cher connard", de Virginie Despentes, août 2022 (GRASSET)

L'histoire : après avoir raconté les aventures d'une poignée de personnages dans sa trilogie Vernon Subutex, Virginie Despentes imagine ici un dialogue entre deux quinquagénaires, d'un côté une actrice iconique de la "fascination de la séduction féminine à son apogée", de l'autre un "connard modèle courant", écrivain accusé de harcèlement par son ancienne attachée de presse. Ces deux-là n'ont pas grand-chose en commun, sinon une addiction à soigner. Leurs échanges, explosifs dans un premier temps, vont peu à peu évoluer vers un dialogue constructif.

Pourquoi on a aimé : ce dernier roman de Virginie Despentes, star de la rentrée littéraire 2022, ne figure dans presque aucune liste de prix, malgré ses qualités. Il aborde toutes sortes de sujets qui traversent notre société contemporaine, que la romancière met en scène dans un dialogue, pratique vertueuse aujourd'hui quasi absente des radars. Cher connard est aussi une forme d'état des lieux à mi-parcours, une réflexion un brin mélancolique mais apaisée sur le virage de la maturité, que même les plus flamboyants rebelles sont contraints de négocier. Tout ça servi par l'écriture brute de décoffrage de Despentes, son sens de la formule, et son sens de l'humour.  
(Grasset, 352 pages, 22 €)  

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