Rentrée littéraire : notre sélection de polars et de thrillers à ne pas rater

La rentrée 2023 est riche en nouveautés côté polars. De Michael Connelly à Leonardo Padura, en passant par Gabriel Katz ou encore Jørn Lier Horst, voici notre sélection, forcément subjective et non exhaustive.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 8 min
Devanture de la libraire "Le Merle moqueur", rue de Bagnolet, à Paris. (MOHAMED BERKANI)

Le polar ou le thriller, genre littéraire à part entière, regarde la société dans les yeux. Et en parle, sans détour. Le succès de la littérature policière ne se dément pas. Qu'il soit social ou politique, "whodunit", "qui l’a fait", ou cosy crime, le roman policier attire de plus en plus de lectures. Tour d'horizons des nouveautés de la rentrée littéraire 2023

"L’étoile du désert": Michael Connelly est de retour, Harry Bosh aussi

Michael Connelly a créé deux personnages : l’inspecteur Harry Bosh et son demi-frère Mickey Haller, l’avocat rock’n’roll. Longtemps, l’unique personnage féminin était Eleanor Wish, agente du FBI, ex-femme du détective du LAPD, confinée aux seconds rôles. Ensuite est née Renée Ballard dans En attendant le jour (Calmann-Levy). Succès immédiat du personnage. Depuis, la jeune femme, montée en grade, et le désormais jeune retraité font équipe au gré des enquêtes. Un duo qui fonctionne à merveille. Fraîchement nommée à la tête de l'unité des affaires non résolues, l'inspectrice Renée Ballard fait appel à son ancien ami et mentor pour constituer son équipe. Objectif : résoudre une affaire d'assassinat de toute une famille dans le désert de Mojave neuf ans auparavant. Comme souvent chez Michael Connelly, maître de la manipulation, l’enquête va dans tous les sens et les fausses pistes se multiplient. On sent que l’auteur du best-seller Le poète a pris plaisir à développer une intrigue dans l’intrigue : qui de Renée Ballard ou de Harry Bosh prendra le pas sur l’autre ? Y aura-t-il passage de relais entre le vieux briscard et la jeune ambitieuse ? L’étoile du désert se lit avec gourmandise. Et curiosité.

(L’étoile du désert, Michael Connelly, traduit par Robert Pépin, Calmann-Levy, 22,90 euros)

Couverture du livre "L’étoile du désert" de Michael Connelly. (Editions Calmann-Levy)

"Le dernier étage du monde" : à table, la revanche est servie

Le roman se lit comme un thriller incandescent. C’est l’histoire d’une revanche au long cours, nourrie d’une forte injustice et de blessures vivaces. Le dernier étage (Editions Anne Carrière) est un livre des temps modernes, un monde d’algorithmes et de cabinets de conseil. Un monde qui broie et régurgite les plus faibles avec délectation et cynisme. Victor Laplace gravit les échelons dans son entreprise avec détermination. Son objectif : venger son père, cadre chez France Télécom, poussé au suicide par un consultant qui, depuis, gravite dans les hautes sphères. Dans un dialogue imaginaire, il confie à son boss son ambition inavouée : « Te confisquer tout le bénéfice que tu as pu tirer de la destruction de mon père. Ta réussite, ta valeur, mais aussi tes relations, tes certitudes, ta joie de vivre… Le summum, l'idéal, serait que tu te suicides à ton tour ». Mais, car il y a un "mais", il y a un grand prix à payer en montant si haut dans la hiérarchie. Comme Icare, en se rapprochant du soleil, Victor Laplace risque de se brûler, de perdre son âme. Le dernier étage, résolument actuel.

(Le dernier étage, Editions Anne Carrière, Bruno Markov, 22 euros)

Couverture du livre "Le dernier étage du monde" de Bruno Markov. (Editions Anne Carrière)

"Deux nuits à Lisbonne" : les jours les plus longs

On avait perdu un peu de vue Chris Pavone depuis Les expats (Fleuve Noir) en 2012, un thriller psychologique à tiroirs. Avec Deux nuits à Lisbonne (Gallimard), l’écrivain revient sur les relations intimes dans un monde qui va vite, trop vite. Connaissons-nous vraiment les personnes qui partagent notre vie ? Ariel connaît-elle réellement son époux John ? Lors d’un week-end dans la capitale portugaise, elle est confrontée à la disparition de son  mari. Dès lors, entre introspection et péripéties rocambolesques, le lecteur se retrouve pris dans une aventure survitaminée où les pistes naissent et disparaissent au fil des pages. Ce qui n’était qu’une disparition prend de l’ampleur et devient une affaire internationale où la politique et la corruption s’entremêlent. Chris Pavone narre la détermination d’Ariel dans un théâtre d’ombres. Ne croyez pas ce que vous lisez.

(Deux nuits à Lisbonne, Chris Pavone, traduit par Karine Lalechère, éditions Gallimard, 24 euros)

Couverture du livre "Deux nuits à Lisbonne" de Chris Pavone. (Editions Gallimard)

"Ouragans tropicaux " : la mort d’un "salopard"

Deux romans en un, pour un exercice jubilatoire et réussi. Leonardo Padura est un pessimiste multirécidiviste, ou un réaliste doté d’une lucidité mélancolique. Pour la dixième enquête de Mario Conde, ancien policier devenu détective et libraire de livres d’occasion, Ouragans tropicaux (éditions Métailié), l’écrivain cubain signe un très grand livre. Un chef-d’œuvre, sûrement l’un de ses meilleurs romans. Cette fois-ci, le célèbre détective fauché doit enquêter sur la mort d’un apparatchik. Nous sommes en 2016 à La Havane. La capitale cubaine se prépare à accueillir Barack Obama, les Rolling Stones et un défilé Chanel. La police, dépassée, fait donc appel à Mario Conde qui observe cette effervescence avec détachement. "C’est comme les ouragans tropicaux : ils passent, ils font un max de dégâts et puis ils s’en vont, ils se perdent… ". Ceux qui croyaient en une nouvelle Cuba ont vite déchanté. Pour Mario Conde, il n’y aura pas un avant et un après Obama à La Havane, juste une continuité immuable, émaillée de spectacles passagers.

(Ouragans tropicaux, Leonardo Padura, traduit par René Solis, éditions Métailié, 23,5 euros)

Couverture du livre "Ouragans tropicaux" de Leonardo Padura. (Editions Métailié)

"Le silence des noyées" : Au vacarme des non-dits

Il ne faut pas se fier au résumé avec ses mots-clés qui renvoient plus à une collection à l’eau-de-rose qu’à un thriller d’atmosphère : héritier, noblesse anglaise, manoir, autostoppeuse, traditions… Le silence des noyées (éditions du Masque) se lit d’une traite. Le rose fuchsia s’estompe assez vite pour devenir noir obscur. Il était une fois en Ecosse une famille, somme toute comme les autres, qui se protège derrière les non-dits, ces silences pesants et complices, jusqu’à l’arrivée d’une étrangère. Étrange étrangère. Tout se fissure, craquelle. Avec une écriture vive, précise, minutieuse jusqu’aux détails les plus anodins, Gabriel Katz, auteur des Papillons noirs, série incarnée au petit écran par Niels Arestrup et Nicolas Duvauchelle, dissèque les secrets et les mensonges d’une famille bourgeoise. Son procédé de double narration fonctionne, donne de la profondeur aux deux récits. On se retrouve embarqué dans un navire fou pour une destination finale inéluctable. On n’est pas loin de Festen.

(Le silence des noyées, Gabriel Katz, éditions du Masque, 20 euros)

Couverture du livre "Le silence des noyées" de Gabriel Katz. (Editions du Masque)

"Le mal en personne" : chasse à l'homme en Norvège

Jørn Lier Horst continue à sonder l’âme humaine avec son dernier livre qui reprend les codes du polar tout en allant bien au-delà. Le mal en personne, chronique d’un désastre annoncé. L’écrivain norvégien a la précision d’un chirurgien. Ses livres dissèquent la société norvégienne et décrivent, avec moult détails, le fonctionnement de la police. Son dernier roman, Le Mal en personne (Gallimard Noir), ne déroge pas à la règle. Tout est parti d’une reconstitution. Tom Kerr, condamné à 21 ans de réclusion pour les meurtres, assortis de viols et d’actes de torture, de plusieurs jeunes femmes, réussit à échapper à la vigilance de ses gardiens. Le policier William Wisting, que les lecteurs de Jørn Lier Horst suivent depuis plusieurs années, est jugé responsable de cette évasion. Il est jeté en pâture à une opinion publique chauffée à blanc par les médias. William Wisting, lui, se moque de sa réputation et ne dévie pas de sa mission : retrouver l’évadé et surtout "l’Autre", son complice.

(Le mal en personne, Jørn Lier Horst, traduction de Céline Romand-Monnier, Gallimard, 20 euros)

Couverture du livre "Le mal en personne" de Jørn Lier Horst. (Editions Gallimard)

 "La revanche" : un repas difficile à digérer

Après Le serment (éditions de La Martinière), Arttu Tuominen revient avec un nouveau roman puissant. Avec La revanche, il questionne l’altérité, la tolérance et le plus beau des combats : l’acceptation de soi. L’écrivain finlandais continue de questionner la société et à explorer les identités. Tout commence dans une boîte gay de Pori où vit l’auteur, sur les côtes de la mer Baltique. Suite à une explosion, cinq jeunes personnes trouvent la mort. Le lendemain, un individu masqué poste une vidéo en ligne dans laquelle il revendique l’attentat. Il entend éradiquer l’homosexualité. Pour enquêter, les policiers Jari Paloviita et Henrik Oksman. Arttu Tuominen nous plonge dans une ambiance soutenue. Son portrait de Henrik Oksman est saisissant. Présent sur les lieux quelques minutes avant l’explosion, le policier se retrouve face à plusieurs dilemmes. Doit-il livrer sa vie privée sur la place publique ? Peut-il garder pour lui ses préférences sexuelles ? Arttu Tuominen nous livre un roman ambitieux, dévorant.

(La revanche, Arttu Tuominen, traduit par Anne Colin du Terrail, éditions de La Martinière, 22 euros)

Couverture du livre "La revanche" d'Arttu Tuominen. (Editions de La Martinière)

"Auteur de crimes" : série de meurtres sordides à Athènes

Christos Markogiannakis revient avec un roman noir fort original : un assassin s’amuse à reproduire les intrigues de célèbres romans policiers dans la capitale grecque. Le capitaine Markou est sur ses pas. Pour les amateurs de romans policiers, particulièrement de "whodunit", "qui l’a fait", à la Agatha Christie, le dernier livre de Christos Markogiannakis, Auteur de crimes (éditions Plon) se lit avec délectation. L’écrivain grec tient son Hercule Poirot, plus sympathique et moins guindé que l’original en le Capitaine Markou, policier tourmenté et solitaire. Son personnage récurrent enquête sur une série de meurtres étranges. Les cadavres s'amoncellent à Athènes, la police piétine. Le capitaine Markou en vient à développer une méfiance destructrice. Et si le coupable faisait partie de son entourage proche ? Il en est à suspecter ses anciennes amours et ses collègues. Y a-t-il un lien entre une professeure d'anglais égorgée en pleine rue, une vieille femme défenestrée, une serveuse victime d'un rituel satanique, un médecin assassiné à cause de ses initiales… ? Les meurtres se suivent et ne se ressemblent pas.

(Les enquêtes du Capitaine Markou : Auteur de crimes, Christos Markogiannakis, éditions Plon, 19,90 euros)

Couverture du livre "Auteur de crimes". (Editions Plon)

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