"La dernière chasse", de Jean-Christophe Grangé : le grand retour du flic des "Rivières pourpres"
Ce dernier roman de Jean-Christophe Grangé est un excellent cru, pour les amateurs de polars qui assument à fond les codes du genre.
Après plusieurs années au placard, d'abord comme prof à l'école de police de Cannes-Écluse puis employé dans des postes subalternes, loin du terrain, l'inspecteur Niémans, laissé pour mort dans Les rivières pourpres (Albin Michel, 1998) ressuscite et reprend du service dans La dernière chasse, le nouveau roman de Jean-Christophe Grangé.
Le vieux flic est missionné plus ou moins officiellement par des haut-gradés de la police nationale pour lancer un "Office central" chargé de mener des enquêtes auprès des gendarmeries du pays confrontées à des "crimes cinglés", de plus en plus courants dans l'Hexagone. Voguant depuis des années de dépression en dépression, englué dans une vie de frustration, d'humiliation et d'indifférence, Niémans n'hésite pas à signer. Il demande pour le seconder un adjoint, ou plutôt une adjointe, ce qui surprend tous ceux qui connaissent ce "vieux macho, misogyne sur les bords, phallocrate au milieu". L'élue, aussi fracassée que lui, s'appelle Ivana Bogdanovic, et elle est aux yeux de Niémans "ce qu'il a croisé de mieux en matière de flic".
"Chasseurs noirs" et chiens méchants
Leur première mission les conduit en Allemagne, à Fribourg-en-Brisgau, en Forêt Noire. Jürgen von Geyesberg, héritier d'une riche famille aristocratique allemande a été retrouvé décapité et castré dans la forêt de Trusheim, en Alsace. La scène du crime évoque les rituels de "la pirsch", vieille tradition de chasse pratiquée depuis des générations dans la famille Geyersberg.
Dans les forêts sombres à cheval entre l'Alsace et le Bade-Wurtemberg, rôdent les spectres de la seconde guerre mondiale. Surgissent des réminiscences des "Chasseurs noirs", ces brigades nazies constituées de repris de justice et spécialisées dans la traque humaine, et leurs röetken, une race de chiens tueurs censée avoir été éradiquée à la fin de la guerre. Pour le commandant Niémans, cynophobe depuis l'enfance, l'enquête réveille ses pires cauchemars…
Du polar pur jus
Ce dernier roman de Jean-Christophe Grangé est une bonne surprise, après La terre des morts (Albin Michel, 2018), un peu décevant. L'écrivain à succès renoue avec l'efficacité de ses premiers romans : décors et personnages bien campés, une écriture tranchante, des chapitres courts soutenant une intrigue tenant en haleine le lecteur, avec des coups de théâtre jusqu'à la dernière page.
La dernière chasse est un très bon cru, à déguster sans modération sur la plage cet été, pour ceux qui ne se sont pas déjà précipités. Le livre est dans le top des meilleures ventes de romans depuis sa sortie fin avril.
La dernière chasse, Jean-Christophe Grangé (Albin Michel – 416 pages – 22,50 euros)
Extrait :
La fliquette, histoire de ne pas s'attarder sur les "dysfonctionnements internes de la police française" enchaîna aussitôt :
- Dans la pirsh, on coupe aussi la tête du gibier ?
- Si on veut faire un trophée, oui. Ce qu'on appelle un "massacre". Niémans repéra le sourire en coin d'Ivana – voilà un terme qui lui semblait approprié.
- L'assassin a des connaissances physiologiques ? demanda-t-il. Il pourrait être un boucher ? un chirurgien ?
- Un chasseur, ça suffit largement. Un gars qui connaît son boulot. Je vous donne un autre exemple : pour extirper les viscères, il a scié les côtes au ras du sternum, exactement comme le fait un pro dans la forêt après avoir tué sa proie.
Le flic songeait à Jürgen von Geyersberg. Il n'avait pas les détails mais pouvait imaginer la jeunesse et la formation de cet héritier. Grandes écoles, sports d'élite, vacances de luxe… Rien, absolument rien ne le prédestinait à mourir ainsi, à la manière d'un vulgaire sanglier.
Qu'essayait de leur dire le tueur ?
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