"Faire mouche" : thriller rural saisissant de Vincent Almendros
Laurent vient pour le mariage de Lucie, sa cousine. Mais c'est surtout pour revoir son oncle, gravement malade, avant qu'il ne meure, qu'il est là. Il n'a pas envie de revoir sa cousine, pas plus que sa mère. Ce voyage l'oblige à replonger dans un passé qu'il a depuis longtemps relégué : une enfance recluse dans la pauvreté paysanne du centre de la France, la mort suspecte de son père, l'eau de javel que sa mère lui a fait avaler, les soupçons et les rancœurs de sa cousine, les sous-entendus, les silences…
"Mais soyons honnête, le problème n’était pas là". Le problème, on le comprendra au fil du récit, est en effet ailleurs, sans y être complètement, car l'événement qui préoccupe Laurent aujourd'hui boucle la boucle, met un point final à une histoire germée bien avant, dans la violence souterraine, tapie dans les replis de cette campagne recroquevillée et moribonde. Comme si rien, pour ceux qui vivaient ici, ou y avaient grandi, ne pouvait finir autrement que dans un drame.
Suspense et humour désespéré
"La vie à Paris doit être plus passionnante, mais que voulez-vous, c'est notre vie", dit la mère de Laurent. Dans le hameau, il n'y a plus qu'eux. L'épicier ne vient plus avec son camion, le camping du lac ne tardera pas à fermer. Au village, restent un ou deux commerces mais plus de pharmacie. Ici, la désolation est partout, autant dans la grisaille d'une langue de bœuf bouillie, que dans le jaunissement d'un papier peint ou dans les volets fermés, rouillés, les baignoires en zinc abandonnées à l'orée des maisons, ou encore dans l'indigence des commentaires météorologiques censés masquer la gêne des silences qui pèsent entre les gens.Almendros soigne les détails. Il excelle dans la description minutieuse des paysages désertés de la campagne française autant que dans celle des âmes perdues qui y ont poussé. Comme si ce paysage désolé avait déteint sur leurs vies. Il tient en haleine le lecteur jusqu'à la fin de cette histoire, plus sombre encore que ce qui a précédé, inéluctable, comme la mouche ira s'engluer dans le ruban piégeur.
Vincent Almendros nous avait déjà bien embarqué avec "Un été"(Editions de Minuit - 2015), un étouffant huis-clos sur un voilier. Avec ce troisième roman, il confirme une belle prose au service d'un genre hybride qui mêle polar, peinture sociale, exploration de l'âme humaine et humour désespéré.
"Faire mouche", Vincent Almendros
(Editions de Minuit - 127 pages - 11.50 €)
A lire aussi :
"Un été", son précédent roman, publié en poche
(Editions de Minuit, coll. Double - 94 pages - 6,50 €)
Extrait :
Avec son ventre gonflé, sa veste de survêtement enfilée à la va-vite sur une chemise limée aux plis, mon oncle ressemblait à un vieil entraîneur de club de foot à la retraite.
"Faire mouche", de Vincent Almendros
Alors ? me demanda-t-il en s'avançant, puis il posa une main sur mon épaule. C'était moins un geste de tendresse que la nécessité de prendre appui sur moi. Il m'embrassa sur les joues. Les siennes mal rasées, piquaient. Il sentait le tabac.
Tu ne dors pas ? Il est tard.
Hé, pardi, je nous attendais.
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