: Reportage "Il y a des scènes de sexe très explicites" : l'embarras des éditeurs et libraires face au succès des "dark romances", un nouveau genre littéraire
Sur le réseau social TikTok, des centaines de vidéos, principalement réalisées par de jeunes femmes, mettent en avant les "dark romances". "Bienvenue sur cette nouvelle vidéo. (...) C'est l'histoire d'une femme qui appartient à un homme, c'est son possesseur, et elle fait tout ce qu'il lui demande", peut-on entendre dans l'une de ces vidéos, vues des centaines de milliers de fois. Ces livres d'un nouveau genre mélangent histoire d'amour et violences physiques et psychologiques.
La trilogie Captive de l'Algérienne Sarah Rivens s'est écoulée à 400 000 exemplaires en huit mois à peine. Le troisième tome a même détrôné les confidences du prince Harry au mois de mars, en devenant numéro un des ventes en France pendant une semaine. Jamais plus de l'Américaine Colleen Hoover, l'autre tendance "dark romance", fait partie des 200 livres les plus vendus depuis un an et figurait encore dans le top 10 au début du mois.
Une romance entre un bourreau et son esclave sexuelle
"C'est énorme !", lance Alice de la librairie Gibert à Paris, qui constate aussi ce succès plutôt insolite pour des livres classés au rayon pour les 18 ans et plus. Pourtant, on retrouve, parmi les clientes, de jeunes adolescentes qui ont parfois 12 ans seulement. "Des fois, il y a des scènes de sexe qui sont très explicites et ce n'est pas adapté si l'on est trop jeune. On essaye d'avertir, autant que possible, que c'est sombre et violent et que ça donne une version faussée de l'amour et de la romance", ajoute la vendeuse.
Dans Captive, par exemple, une romance naît entre un bourreau et son esclave sexuelle, humiliée et violentée. De quoi brouiller certains jeunes esprits, selon Patricia, responsable du rayon jeunesse au sein de la librairie Gibert. "On a certaines jeunes qui trouvent qu'elles ont lu des choses trop tôt et qu'elles ont du mal à faire confiance, que ça a quand même un impact sur leur vie personnelle donc attention à ce qu'on lit !"
"Il faut une certaine maturité pour faire la différence entre la fiction et la réalité."
Patricia, responsable du rayon jeunesse d'une librairie Gibert (Paris)à franceinfo
Cette mise en garde est portée aussi par l'éditeur du livre Captive, Hachette Lab, qui a découvert Sarah Rivens sur Wattpad, un site où des internautes publient des histoires. Si un mot d'avertissement se trouve désormais en première page du livre, mais Marie Legrand, directrice de projet, veut responsabiliser les lectrices. "Chez Captive, on est dans une "dark romance" du fait du héros qui a effectivement un rapport à la violence contestable, mais ce n'est pas du tout le sujet de la trilogie. C'est comme pour les histoires de grands méchants loups, on peut vouloir se faire peur, mais ça ne veut pas dire qu'on veut ça dans la vraie vie, relativise-t-elle. C'est quand même vrai pour 90 % des lectrices et les 10 % restants, que ce soit Captive ou pour autre chose, le travail se faire aussi ailleurs". La "dark romance", genre littéraire encore balbutiant, s'impose petit à petit chez les éditeurs.
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