Le philosophe André Glucksmann, pourfendeur du totalitarisme, est mort à l'âge de 78 ans
Acteur de Mai-68 et figure emblématique des "nouveaux philosophes", il était connu pour son engagement pour les droits de l'homme.
Il était connu pour sa dénonciation des régimes totalitaires, notamment communistes. André Glucksmann, figure emblématique des "nouveaux philosophes" dans les années 1970, est mort dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 novembre, à l'âge de 78 ans.
Agrégé de philosophie en 1961, il participe aux événements de Mai-68 alors qu'il est assistant de Raymond Aron à la Sorbonne. Intéressé par les questions géopolitiques et nucléaires, André Glucksmann publie en 1967 son premier livre, Le Discours de la guerre.
L'aventure des "nouveaux philosophes"
Mais c'est dans les années 1970 qu'André Glucksmann accède à la notoriété. Avec Bernard-Henri Lévy et quelques autres, il se fait connaître sous l'étiquette des "nouveaux philosophes", ces intellectuels médiatiques qui écument les plateaux de télévision et assurent de belles audiences à l'émission Apostrophes animée par Bernard Pivot sur Antenne 2. En 1975, il connaît le succès avec La Cuisinière et le mangeur d'hommes. Essai sur l'Etat, le marxisme, les camps de concentration, qui se vend à des dizaines de milliers d'exemplaires.
Comment en est-il venu à l'anticommunisme, lui dont les parents furent des juifs communistes d'Europe centrale, et qui a été un enfant caché pendant l'Occupation ? A la fin des années 1950, cet élève brillant intègre l'Ecole normale supérieure. Au cours de la décennie suivante, il est une des figures "mao" en vue du journal d'extrême gauche La Cause du peuple.
Son itinéraire va bifurquer, rappelle Le Monde, sous l'influence de Raymond Aron. André Glucksmann choisit de travailler comme assistant auprès de ce philosophe et sociologue de droite, à une époque où la gauche domine la vie intellectuelle. Dans les années 1970, le "nouveau philosophe" réconcilie les deux vieux adversaires Sartre et Aron. Les deux anciens condisciples de Normale Sup iront de concert à l'Elysée réclamer à Valéry Giscard d'Estaing que la France accueille des boat-people vietnamiens.
De l'extrême gauche à l'atlantisme
André Glucksmann se mue alors, sous l'œil des caméras, en inlassable dénonciateur. Dans les années 1990, il s'insurge contre les crimes génocidaires commis en Bosnie, pendant la guerre de Yougoslavie. Il participe aussi bien à de grandes manifestations qu'à des rassemblements confidentiels pour alerter l'opinion sur les guerres menées par Vladimir Poutine en Tchétchénie et sur l'horreur vécue par les habitants de la capitale, Grozny, rasée sous les bombes.
Au fil des ans, il passe de la gauche à l'atlantisme. En 2003, il soutient l'intervention américaine en Irak, comme en témoigne cette tribune au Monde. Il est favorable aux raids français en Libye, qui se concluent par la mort de Kadhafi, à l'initiative de Nicolas Sarkozy qu'il a d'ailleurs soutenu à la présidentielle de 2007. Il se prononce également en faveur d'une intervention française en Syrie contre le régime de Bachar Al-Assad.
Une œuvre moins connue que son auteur
Ses indignations perpétuelles ont souvent fait oublier son œuvre. En parallèle de ses combats, André Glucksmann continuait à écrire en philosophe, comme en témoigne la parution, en 2009, des Deux chemins de la philosophie, comparaison entre Socrate et Heidegger. Si la majorité de ses ouvrages dénoncent le totalitarisme soviétique, il raconte aussi, dans un livre autobiographique, Une rage d'enfant (2006), ses jeunes années marquées par l'Occupation et la menace nazie.
Son fils, Raphaël Glucksmann, lui a rendu hommage sur Facebook, mardi : "Mon premier et meilleur ami n'est plus. J'ai eu la chance incroyable de connaître, rire, débattre, voyager, jouer, tout faire et ne rien faire du tout avec un homme aussi bon et aussi génial. Voilà, mon père est mort hier soir."
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