Polémique sur les jeux télé : "Une émission se met en danger de mort si elle triche"
Après le cas "Intervilles" et les accusations dont se défend l'animateur Christophe Dechavanne, le débat autour de la triche dans les jeux télé a été relancé. Franceinfo a interrogé Jean-Michel Salomon, président de la Société des auteurs de jeux.
Souffler une réponse à un candidat, faire un discret signe de la main pour indiquer la bonne réponse à un autre... Depuis l'annonce, en septembre, d'une affaire de triche à "Interville", dans une émission de 1997, les soupçons de petits arrangements dans les émissions de télé refont surface.
Qu'elle vienne de la production, des candidats ou du public, la triche peut prendre différentes formes. Mais comment est-elle encadrée ? Eléments de réponse avec Jean-Michel Salomon, créateur de "Tout le monde veut prendre sa place", "Slam" ou encore "Le Quatrième Duel" et président de la Société des auteurs de jeux.
Franceinfo : Lors de la création, est-ce que le risque de triche est un élément pris en compte ?
Jean-Michel Salomon : Non, quand on crée, ce n'est pas du tout quelque chose que l'on a en tête. On crée les règles et la triche peut exister a posteriori parce qu'on ne respecte pas ces règles. En revanche, la production a un rôle car elle fait en sorte que le jeu se déroule bien et que la triche ne soit pas possible. Par exemple, elle vérifie que les candidats ne puissent pas voir sur l'écran de leur voisin, qu'il n'y ait pas de reflet. Elle peut s'assurer, dans un jeu de questions, que les candidats ne rencontrent jamais la production pour éviter tout risque de fuite.
Mais à la télé, les cas de triche sont marginaux. Lors de l'enregistrement, un candidat est entouré d'une quinzaine de caméras qui vont le filmer en permanence. Il y a des assistants sur le plateau, des scripts, des personnes en régie qui surveillent. Si on voit de la triche à l'écran, on avertit immédiatement l'animateur dans son oreillette et il arrête le jeu. Au Royaume-Uni, il y a eu un cas de fraude majeure lors d'une émission "Qui veut gagner des millions". Un candidat avait fait venir un complice dans le public qui l'aidait, mais il a été découvert grâce aux caméras [son gain à été annulé par la suite, note Le Parisien].
Et puis, même si certains fomentent des stratégies avant de venir, ça ne pourrait pas marcher. Aux "Z'Amours" par exemple, même si un couple se met d'accord pour répondre toujours ensemble au même numéro de réponse, ils ne peuvent pas anticiper un changement d'ordre des questions. La plupart du temps, lorsque les candidats arrivent sur un plateau, ils ne connaissent pas la disposition des pupitres, ils ne savent pas où ils seront situés. Si vous trichez, il faut être très naïf pour croire que cela va passer.
Parfois, ce sont les animateurs qui aident les candidats, comme Christophe Dechavanne l'a affirmé lors de la "Roue de la fortune".
Dechavanne qui conseille les candidats, vous trouvez ça de la triche ? Si son acte avait défavorisé un autre candidat, ça aurait été de la triche, mais là ce n'était pas le cas. Aucun candidat ne s'est plaint. Si Christophe Dechavanne se dit que cette personne mérite, qu'elle doit avoir un petit coup de pouce pour gagner sa voiture, c'est de son fait, c'est lui le chef d'orchestre du jeu. C'est comme Nagui, c'est à lui de décider s'il accepte ou pas une faute d'orthographe dans une réponse et dans quelle mesure elle est équitable aux autres.
Jacques Martin, dans "L'Ecole des fans", c'était le premier à tricher. Tous les enfants chantaient, les autres donnaient une note et à la fin il déclarait tout le monde vainqueur. Est-ce que c'était de la triche ? Faire gagner quelqu'un, mais sans le faire au détriment d'un autre, pour moi ce n'est pas de la triche. Les Français sont toujours un peu sceptiques là-dessus, ils pensent que la triche est partout mais aucun producteur ne peut favoriser ça. Aucune émission ne dira qu'elle triche et elle se met en danger de mort si elle le fait.
Existe-t-il en France des règles qui encadrent les risques de triche ?
En France, ce sont les règles du jeu qui délimitent ce qui est du jeu, et donc de la triche. Aux Etats-Unis, il y a des inspecteurs qui veillent durant les émissions, qui surveillent que le conducteur de l'émission est bien respecté. Peut-être qu'on pourrait créer une "charte" qui garantirait le respect des règles, mais vous imaginez des émissions qui n'auraient pas de charte ? L'image que ça induirait. C'est compliqué.
Après, je pense que certaines personnes confondent la triche et certains choix de production. Il faut aussi raconter une histoire. Dans "Pékin Express", j'imagine bien que si un candidat est très fatigué et qu'il n'est pas en tête, on peut le transporter en voiture si ça ne défavorise pas les autres. On ne va pas le laisser sur la route et ça n'a pas d'incidence sur les gagnants. Les soupçons de triche sont largement fantasmés.
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