"Trois souvenirs de ma jeunesse" pour les inconditionnels de Desplechin
Un nouveau film d'Arnaud Desplechin est toujours un événement. Habitué de Cannes, l'enfant prodige des années 90 revient cette fois à la Quinzaine des Réalisateurs avec "Trois souvenirs de ma jeunesse", une sorte de prélude à l'un de ses premiers succès, "Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)" sorti en 1996. Le rôle principal de Paul Dédalus est toujours tenu par Mathieu Amalric, l'alter ego de Desplechin, mais aussi pour sa période ado et post ado par le tout jeune Quentin Dolmaire.
Un amour désespéré
Paul (Quentin Dolmaire) vit depuis son enfance à Roubaix. Etudiant et chercheur en anthropologie, il multiplie les périodes d'absences. Il est pourtant et surtout fou d'Esther (émouvante Lou Roy-Lecollinet), une diva de cour d'école, courtisée par tous les garçons et acceptant de (trop) nombreuses propositions.Paul sait que cette jeune fille qu'il aime tant couche avec tous ses amis et son cousin ! Cela ne l'empêche pas de lui écrire de magnifiques lettres enflammées quand il est en mission dans les anciennes républiques soviétiques d'Asie Centrale. Cela n'empêche pas Esther de comprendre qu'on ne rencontre pas deux fois un amour comme celui-ci dans une vie. Et rien de tout cela n'empêche les deux amants de partir sur des routes différentes. Paul gardant en lui intacts la colère aussi bien que l'amour.
L'ombre de Truffaut
Le film commence comme un thriller d'espionnage, entraînant le spectateur sur une fausse piste qu'il aurait aimer explorer davantage, puis continue autour de l'histoire d'amour de Paul Dédalus adolescent (Quentin Dolmaire) et d'Esther. La filiation entre Desplechin et Truffaut aussi bien qu'entre Doisnel et Dédalus est quasi transparente. Le même regard attendri mais sans complaisance sur son alter ego et ses faiblesses, la même tentation de filmer en abyme cette autre version de soi-même que se choisit le cinéaste, Léaud pour Truffaut, Amalric pour Desplechin, et au final une confusion autour d'un monstre tricéphale aux personnalités emmêlées.
Pas facile
Le jeune Quentin Dolmaire, à mi-chemin entre Jean-Pierre Léaud et Charles Denner s'en tire plutôt très bien. Il n'était pourtant pas évident pour un tout jeune comédien de trouver sa place dans cette histoire : il devait interpréter le rôle d'Amalric jeune qui est lui-même un avatar de Desplechin se rêvant Truffaut ! Jeune acteur à suivre.
Trop long
Avec un peu plus de deux heures de projection, "Trois souvenirs de ma jeunesse" est trop long. Truffaut, puisque son ombre plane au dessus du film, en aurait facilement tiré trois ou quatre scénarios, pour des films enlevés et rythmés d'une heure et demie. Plusieurs histoires dans l'histoire (le voyage en URSS, la relation avec la professeur d'université béninoise...) auraient mérité d'être développées ou même de faire l'objet d'un récit isolé. En résumé, très applaudi à la projection cannoise, le dernier Desplechin laisse un petit goût d'inachevé, même s'il contentera sans aucun doute les fidèles du cinéaste, qui sont nombreux.
"Trois souvenirs de ma jeunesse"
D'Arnaud Desplechin
2h03
Avec Mathieu Amalric, Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet
Sortie nationale le 20 mai 2015
Synopsis : Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent… Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».
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