Emissions annulées, invités décommandés... Les accusations qui visent Roman Polanski embarrassent le cinéma français
Le milieu du 7e art français est régulièrement soupçonné de trop protéger le réalisateur multi-récompensé, toujours poursuivi par la justice américaine, alors que son dernier film "J'accuse" sort mercredi.
La situation de Roman Polanski, qui nie une nouvelle accusation de viol, embarrasse le cinéma français. Un contexte qui entache la promotion de son dernier film "J'accuse" qui sort dans les salles mercredi 13 novembre. Depuis la publication vendredi du témoignage de la photographe Valentine Monnier, qui dit avoir été "rouée de coups" et violée par Roman Polanski en 1975 à l'âge de dix-huit ans, le milieu du cinéma est resté plutôt silencieux.
Un contraste marquant avec les nombreux messages de soutien adressés la semaine dernière à Adèle Haenel. L'actrice, par ailleurs l'une des seules figures du 7e Art à avoir apporté son soutien à Valentine Monnier, avait quant à elle accusé le réalisateur Christophe Ruggia d'attouchements et de harcèlement sexuel quand elle était adolescente.
L'accusation de Valentine Monnier, la première portée par une Française, s'ajoute à celles d'autres femmes ces dernières années, toutes niées par le réalisateur.
Un film difficile à promouvoir
A deux jours de la sortie de J'accuse, le film de Polanski sur l'Affaire Dreyfus, Grand prix du jury à la Mostra de Venise, la gêne est palpable. Jean Dujardin, l'acteur principal, a annulé sa venue au 20H de TF1 dimanche. France 5 n'a pas non plus diffusée ce lundi l'émission C à vous, enregistrée avec Louis Garrel.
France Inter a annoncé qu'Emmanuelle Seigner, l'épouse de Polanski et à l'affiche de J'accuse, s'était aussi décommandée de l'émission Boomerang prévue mardi, tandis que l'émission Popopop enregistrée avec Louis Garrel, autre acteur du film, n'a pas été diffusée lundi. L'émission d'Antoine de Caunes ayant été enregistrée en avance, France Inter a jugé impossible de la diffuser puisque "la question de cette nouvelle accusation n'était pas posée", a expliqué sur l'antenne la directrice de la radio publique Laurence Bloch. Pour autant, France Inter, partenaire du film, continuera à en faire la promotion, a-t-elle précisé, ajoutant que les "auditeurs sont adultes".
Par contre France Inter avait diffusé l'émission On aura tout vu entièrement consacré au film J'accuse, le samedi 31 octobre, avant la publication des accusations dans Le Parisien de Valentine Monnier à l'encontre de Polanski.
L'ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs), dont fait partie le cinéaste de 86 ans, a indiqué que "s'ils devaient trancher sur le statut de Roman Polanski, ils le feraient avec l'accord des cinéastes membres". Mais aucun conseil d'administration n'est prévu pour l'instant. Roman Polanski est aussi membre de l'Association pour la promotion du cinéma (APC), qui chapeaute l'Académie des César. Sollicité par l'AFP, son président, Alain Terzian, n'a pas répondu.
De nombreux soutiens en France depuis 1978
Le réalisateur franco-polonais, oscarisé pour Le Pianiste et récompensé par plusieurs César et une Palme d'or, a toujours trouvé des soutiens en France depuis qu'il a fui les Etats-Unis en 1978, sous le coup de poursuites pour relations sexuelles illégales avec une mineure. Mais il fait face à une indignation grandissante des féministes. En 2017, elles avaient manifesté en France contre une rétrospective qui lui était consacrée à la Cinémathèque. La même année, il avait renoncé à présider les César.
Polanski avait cependant été soutenu par ces institutions. Alain Terzian avait justifié son choix comme "indiscutable" alors qu'aux États-Unis, l'Académie des Oscars avait décidé d'exclure le cinéaste.
Dans sa tribune dans Le Parisien, Valentine Monnier dénonce l'attitude d'un "inconditionnel cénacle d'intellectuels et d'artistes persistant à (...) soutenir" Roman Polanski malgré "de nombreuses autres accusations de viol" et le mouvement #MeToo. La photographe s'est en outre interrogée sur les aides publiques perçues par le réalisateur. Le ministère de la Culture Franck Riester a confirmé à l'AFP avoir reçu une lettre de la photographe à ce sujet, transmise par le cabinet de Brigitte Macron. Les services de Franck Riester l'ont fait suivre au Centre national du cinéma (CNC) et à France Télévisions, le film étant coproduit par France 2 et France 3.
Séparer l'artiste de l'oeuvre
Catherine Deneuve, qui avait tourné avec lui dans Répulsion, n'a jamais cessé de soutenir le réalisateur, comme elle l'a fait à nouveau avant la Mostra, où la sélection de J'accuse avait indigné les féministes.
Le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, avait aussi estimé en 2017 que "c'est une affaire qu'il faut bien connaître pour pouvoir en parler". "Ça fait 40 ans (...) Le pardon est nécessaire dans la société", a observé récemment le réalisateur Costa-Gavras, président de la Cinémathèque française.
Cet été, le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, a plaidé pour "faire une distinction très claire entre l'homme et l'artiste". Mais la présidente du jury Lucrecia Martel avait affirmé être "très gênée" par la sélection du film. Pour l'universitaire Iris Brey, spécialiste de la représentation du genre au cinéma, "séparer l'artiste de l'oeuvre, c'est une question qu'on ne réserve qu'aux hommes".
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