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"J'accuse" : un grand film sur l'affaire Dreyfus qui sort dans un climat de polémique liée à la nouvelle accusation de viol contre Roman Polanski

Roman Polanski revient sur l’affaire Dreyfus avec Jean Dujardin et Louis Garrel dans un grand film. Une sortie fortement perturbée par une nouvelle accusation de viol.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Photo extraite du film "J'accuse" de Roman Polanski avec Jean Dujardin et Louis Garrel, en salles le 13 novembre.  (Gaumont Distribution)

Une quarantaine de féministes ont bloqué une avant-première de J'accuse, qui devait se dérouler mardi 12 novembre au cinéma Le Champo, dans le 5e arrondissement de Paris. Depuis vendredi Roman Polanski est accusé par une actrice, Valentine Monnier, de l'avoir violée en 1975, alors qu'elle avait 18 ans. Si la femme s'est tue pendant près de quarante ans, d'où la prescription des faits, elle est sortie de son silence à cause de la thématique brandie par le cinéaste, l'injustice. C'est dans ce contexte que cinéaste franco-polonais sort son film sur l’affaire Dreyfus, Prix du jury à la Mostra de Venise.

Plutôt qu’une reconstitution frontale, Polanski s’est attaché au processus qui devait conduire à la réhabilitation du capitaine français, sous l’impulsion du lieutenant-colonel Georges Picquart interprété avec brio par Jean Dujardin.

Sur les pas de Georges Méliès

5 janvier 1895 : le capitaine d’artillerie Alfred Dreyfus (Louis Garrel) est dégradé, pour "intelligence avec l’ennemi" dans la Cour Morlan de l'École militaire à Paris devant 4 000 soldats et 20 000 civils rassemblés. Il est emprisonné à l’Île du Diable en Nouvelle-Calédonie à perpétuité, au terme d’un procès militaire qui a divisé la France. Fraîchement nommé à la tête du Service des Renseignements, le lieutenant-colonel Georges Picquart découvre que les pièces à conviction accusant Dreyfus sont un montage. Il n’aura de cesse alors de s’opposer à sa hiérarchie pour monter un second procès visant à réhabiliter le capitaine déchu.

Etonnant de voir Roman Polanski marcher sur les pas de Georges Méliès, dreyfusard convaincu, qui réalisa une Affaire Dreyfus, en 1899, à l’occasion du procès en réhabilitation du capitaine. Car c’est cet angle que choisit judicieusement Polanski, en adaptant le livre de Robert Harris, D., pour aboder le plus grand scandale de la fin du XIXe siècle en France, qui a déjà donné plus d’un film.

Des comédiens extraordinaires

Roman Polanski ne réalise pas un film procès pour autant, même si les assises militaires prennent une place indispensable dans un film à la reconstitution très minutieuse dans le moindre détail. Il s’agit plutôt d’une enquête et à travers elle, du portrait de cet oublié de l’Histoire qu’est le lieutenant-colonel Georges Picquart, cheville ouvrière de cette réhabilitation, à laquelle un très sobre Jean Dujardin offre sans doute sa prestation la plus aboutie à ce jour, dans un rôle dramatique dont il est peu coutumier. Il est entouré d’une foule de comédiens extraordinaires. Louis Garrel au premier chef, qui campe un Alfred Dreyfus tout en intériorité, Grégory Gadebois, qui crève l’écran en un commandant Henry convaincu du bien-fondé de l’armée, et que dire de Didier Sandre, peut-être notre meilleur comédien actuel, un des nombreux acteurs du Français dans le film.

Jean Dujardin dans "J'accuse" de Roman Polanski. (Copyright Gaumont)

Roman Polanski joue du classicisme dont il sait extraire toute la puissance narrative, dans ce récit abouti du processus de réhabilitation d’Alfred Dreyfus. Il est d’autant plus puissant qu’il ne fait pas le portrait complaisant de Picquart, antisémite convaincu par culture, comme s’était souvent le cas dans les familles françaises. Le lieutenant-colonel ne se bat pas pour Dreyfus, mais pour ne pas entacher l’armée d’une erreur judiciaire. Le dernier échange entre les deux gradés est de ce point de vue éloquent. Comme l’est l’ensemble de ce film qui décrypte à travers l’affaire Dreyfus une société, celle du XIXe siècle, dont les soubresauts antisémites résonnent malheureusement encore aujourd’hui. Indispensable.

L'affiche de "J'accuse" de Roman Polanski. (GAUMONT DISTRIBUTION)

La fiche

Genre : Drame historique
Réalisateur : Roman Polanski
Acteurs : Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Grégory Gadebois, Hervé Pierre, Wladimir Yordanoff, Didier Sandre, Melvil Poupaud, Denis Podalydès, Eric Ruf, Mathieu Amalric, Laurent Stocker, Viencent Perrez
Durée : 2h04 

Pays : France / pologne / Grande-Bretagne
Sortie : 13 novembre 2019
Distributeur : Gaumont Distribution

Synopsis
 : Pendant les 12 années qu’elle dura, l’Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier.
Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXe siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées.
A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.

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