Michel Houellebecq et le cinéma : une passion originelle

La sortie mercredi de "Dans la peau de Blanche Houellebecq" donne un coup de projecteur sur les liens qu’entretient Michel Houellebecq avec le cinéma.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Michel Houellebecq sur le plateau de "Dans la peau de Blanche Houellebecq" de Guillaume Nicloux (2024). (BAC FILMS)

Très visuel dans son écriture, capteur de l’air du temps, Michel Houellebecq est parfois identifié, à tort ou à raison, à un Balzac contemporain. Repéré dans une vingtaine de films, comme acteur, réalisateur ou scénariste, tenterait-il de vérifier l’adage selon lequel le cinéma est né de la rencontre du roman et de la peinture sur une table de montage ?

Venant du cinéma, avant d’être écrivain, Michel Houellebecq est visiblement un amoureux du 7e art, qui le lui rend bien. Et sa participation à Dans la peau de Blanche Houellebecq, film de Guillaume Nicloux sorti mercredi 13 mars, est un acte de plus dans cette relation entre l'écrivain et le cinéma. 

Les racines de la passion cinéma

Après Alain Robbe-Grillet, Michel Houellebecq est sans doute l’écrivain qui entretient le plus de liens avec le cinéma, comme auteur, scénariste, réalisateur et acteur. Leurs univers n’ont rien à voir, mais le rapport qu’ils entretiennent entre le romanesque et le cinéma les rapprochent. Un autre point leur est commun : leur intérêt pour le fantastique. Robbe-Grillet avec ses films L’année dernière à Marienbad (1961) ou Je t’aime, je t’aime (1968), et Houellebecq avec sa vénération pour l’auteur américain Howard Philips Lovecraft, auquel il consacra un excellent essai, son premier livre publié.

Réalisateur de trois courts-métrages et d’un long, acteur dans onze films, scénariste dans bien d’autres, Michel Houellebecq introduit régulièrement le cinéma dans ses romans : sorties, rendez-vous, affiches, projection, références filmiques… ponctuent de loin en loin son œuvre. Conscient que l’écriture romanesque et cinématographique sont différentes, il a réalisé sa propre adaptation de son roman La Possibilité d’une île au cinéma. Avec Benoît Magimel, projeté au Festival de Cannes en 2008, le film a été éreinté par la critique.

Réalisateur avant d'être écrivain


Mais la première incursion de Michel Houellebecq dans le cinéma remonte à 1978, avec la réalisation du court métrage (30 mn) Cristal de souffrance, écrit, mis en scène et avec Michel Houellebecq, difficile à voir aujourd’hui. Le romancier est donc réalisateur avant d’être romancier. Après ce premier essai au cinéma, l’adaptation de son premier roman Extension du domaine de la lutte (1994) par Philippe Harel voit le jour en 1999. Michel Houellebecq est d’ores et déjà un phénomène littéraire, et voir son roman vivre à l’écran, cinq ans après sa publication, fut sans doute une consécration pour le cinéphile qu’il est.

Mais c’est sa collaboration avec Guillaume Nicloux, réalisateur de L’Enlèvement de Michel Houellebecq diffusé sur Arte en 2014, qui révèle le romancier comme acteur. Film d’humeur sur l'époque, autour de l’enlèvement au petit pied de l’écrivain qui se retrouve chez un couple de retraités, il capte une atmosphère et un air du temps propres à ceux que l’on perçoit dans ses romans.

Une "gueule" de cinéma


Le film de Philippe Harel révèle une silhouette et une "gueule" comme le cinéma les aime. À la fois reconnaissable, transparente et très particulière, l’aura d’écrivain de Michel Houellebecq n’y est pas non plus pour rien, alors qu’il est devenu une personnalité médiatique très demandée. C'est alors que l’écrivain tient le premier rôle de Near Death Experience (2014) de Gustave Kerven et Benoît Delépine, où il est un employé qui, après un burn-out, lâche prise et s’enfuit à la montagne à vélo.

Par ailleurs musicien, Michel Houellebecq est au côté d’Iggy Pop dans le documentaire dédié à la rock star, Rester vivant – Méthode. Il fait ensuite une apparition dans Saint-Amour (2016) toujours réalisé par Kerven et Delépine, où jouent Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde et Vincent Lacoste. Il retrouve en 2019 Guillaume Nicloux qui réalise Thalasso, où Houellebecq donne la réplique à Gérard Depardieux, tous deux jouant leur propre rôle. Le film fait suite à L’Enlèvement de Michel Houellebecq, et s’apparente à la chronique balnéaire des deux phénomènes médiatiques qui se rebellent contre le régime sec de l’établissement.

Des réalisateurs fidèles 


Les réalisateurs sont fidèles à Michel Houellebecq, comme Gustave Kerven et Benoît Delépine, qui lui donnent le rôle d’un client suicidaire dans Effacez l’historique, où il croise Blanche Gardin avant de la retrouver aujourd'hui dans Dans la peau de Blanche Houellebecq. Au fil de ses apparitions, l’écrivain ne deviendrait-il pas un caméo de luxe, invité à faire "coucou" comme s’il faisait partie du décor de ses réalisateurs fidèles ? Mais l’écrivain ne se laisse pas enfermer. Identifié à son image "décalée", Houellebecq joue là où on ne l’attend pas, comme dans Rumba, la vie (2022), une comédie de Franck Dubosc, où il est médecin. La même année, son roman Les Particules élémentaires (1998) est adapté pour la télévision, mais il n'y participe pas, que cela soit comme scénariste/adaptateur ou acteur.

Mais il est vraiment là où on l'attend dans le nouveau film de Guillaume Nicloux, qui le met une troisième fois en scène dans Dans la peau de Blanche Houellebecq. Le réalisateur retrouve Michel Houellebecq dans un imbroglio de situations à la fois banales et improbables, où il joue encore son propre rôle. Étonnant de voir cette identification de l’écrivain à l’acteur, entre solitude de l’écriture et exhibition au cinéma, dans l’interprétation de "lui-même", écrivain, alors qu’il aspirait, à l’origine, être cinéaste. Son nom apparaît même dans les titres des films où il joue. Houellebecq est devenu un personnage de fiction. Une pirouette du destin qui vaudrait bien un roman. 

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