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"Ils commettent une erreur" : après les polémiques aux États-Unis, Woody Allen sort son film en France

Le réalisateur américain s'est confié à franceinfo au moment de la sortie de son film "Un jour de pluie à New York". 

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile - Édité par Thomas Pontillon
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Woody Allen en juillet 2019.  (ANDER GILLENEA / AFP)

C'est son 53e film à 83 ans. Le nouveau film de Woody Allen, Un jour de pluie à New York, sort en salles mercredi 18 septembre. Il s'agit d'une comédie romantique dans sa ville fétiche. Pourtant, le long métrage n'y sera pas diffusé car il ne sera pas distribué aux États-Unis. Depuis l'affaire Weinstein, l'Amérique se divise sur le cas Woody Allen, accusé par sa fille adoptive d'abus sexuels quand elle avait sept ans. Saisie, la justice a rendu un non-lieu et le vieil homme est persuadé que le temps lui donnera raison.

Il assure seul la promotion du film

Trois semaines avant la sortie de son film, il est descendu dans le même hôtel de luxe où il a ses habitudes. Un peu voûté, un peu dur d'oreille, mais l'œil toujours aussi vif et les réponses claires. Woody Allen est seul. Ses acteurs, Timothée Chalamet, Elle Fanning, Selena Gomez, ont refusé de faire la promotion du film, comme s'ils avaient découvert les questions sur le passé du réalisateur au moment du tournage.

Souriant, il parle avec gourmandise de son personnage, Gatsby, un jeune flambeur, qui vient passer un week-end à New York avec sa petite amie qui doit interviewer un cinéaste star pour son journal étudiant. Ce couple charmant résistera-t-il à la Grande pomme ? Cette romance pluvieuse se savoure comme une friandise à Central Park, c'est du grand Woody Allen, qui dit tout son amour pour New York. "J'étais un gamin dans les années 1940, raconte le réalisateur. New York était magnifique, c'est toujours une ville géniale mais pas aussi bien qu'avant. Mes amis sont là, mon jazz band est là, mes docteurs sont là. Je vis à New York et ce serait vraiment dur d'en partir. Mais si je devais partir, aucun doute, ce serait pour vivre à Paris." 

Un film non diffusé aux États-Unis

Le cinéma est bien plus beau que la vie pour Woody Allen, qui se projette dans ses personnages : le jeune Gatsby et le réalisateur pétri de doutes, notamment après que le géant Amazon eut privé le film de sortie aux Etats-Unis. À 83 ans, il prend la vie comme elle est. "Ils commettent une erreur, je ne peux rien faire contre ça. Ce n'est pas une tragédie", tranche-t-il. 

Si le film plaît dans le monde entier, peut-être qu'ils se rendront compte que c'était fou de ne pas le montrer. Tôt ou tard, ils réaliseront leur erreur et montreront ce film.

Woody Allen

à franceinfo

"Dans toutes les comédies que je réalise, sans le faire exprès, il y a toujours une part de mélancolie chez mes personnages. Gatsby est un personnage qui arrive à New York, et qui pense être amoureux de la fille avec laquelle il débarque en ville. Et il découvre qu’en réalité, ce n’est pas le cas. Il s’aperçoit qu’il n’est vraiment pas bien avec elle, il est vraiment bien avec une autre fille. C’est un outsider, il est romantique, il est nostalgique, c’est quelqu’un qui n’est pas à l’aise parmi ses amis, il a été renvoyé de son école. Mais à la fin du film, ce personnage atteint quand même un certain degré de bonheur, parce qu’il trouve la bonne personne pour lui. Et il comprend un peu mieux sa mère, avec qui il ne s’est jamais bien entendu."

franceinfo : Ce personnage, c'est vous ?

"J’ai partagé certains de ses traits de caractère : j’ai voulu être un joueur, un parieur, j’ai été viré de mon école, j’aime moi aussi les pianos bars où l’on joue les vieilles chansons de Cole Porter ou Gershwin. J’aime également les jours de pluie à NY et j’ai effectivement une certaine nostalgie de cette ville. Si j’avais eu l’âge de mon comédien, Thimothy Chalamet, j’aurais joué ce rôle."

Le fait que votre personnage s’appelle Gatsby n’est pas un hasard... 

"Il s’appelle Gastby, parce que je voulais que l’on comprenne qu’il recherche ce que Fitzgerald appelait "l’ère du jazz", à New York. J’ai toujours pensé que les grandes années new-yorkaises étaient celles d’avant ma naissance, les années 20, les années 30… Moi j’étais un petit garçon dans les années 40 et j’en ai un souvenir merveilleux, de la ville. Elle a commencé à changer dans les années 50 et ça a continué ensuite. C’est toujours une ville formidable, mais pas autant qu’avant. La ville était plus jolie, plus romantique, plus excitante. On sortait plus tard, on allait au théâtre plus tard qu’aujourd’hui, il y avait plus de restaurants, il y avait aussi beaucoup de magasins, de boutiques. Aujourd’hui les gens achètent beaucoup en ligne, sur internet, alors on voit des magasins vides. Avant, il y avait aussi ces gros taxis jaunes, alors qu’aujourd’hui il y a Uber et des vélos partout. Ce n’est plus du tout la même chose qu’avant."   

Si je n’habitais pas à New York, je vivrais à Paris

Woody Allen

à franceinfo

"Je vis à New York parce que j’ai grandi là-bas, tous mes amis sont là-bas, mon groupe de jazz est là-bas, mes médecins sont là-bas… Tout ce qui constitue ma vie est à New York, et j’aurais du mal à en partir. Mais si je n’habitais pas à New York, sans le moindre doute, je vivrais à Paris. Je ne vivrais jamais en Californie, ni à Chicago, ou Boston… Mais à Paris, oui, parce que Paris est la ville du monde qui se rapproche le plus de New York par sa frénésie, ses opportunités, l’inattendu. Il y a un tempo, un rythme à Paris qui est le même qu’à New York. C’est un rythme rapide, avec de la circulation, des choses qui se passent, vous sortez de votre maison, ou d’un hôtel, et vous pouvez aller partout à pied. Et partout où vous allez, les gens discutent, ils font des choses. Il y a une vitalité qu’on ne retrouve pas à la campagne, ni dans les autres grandes villes américaines."  

L'interview de Woody Allen

Les "petits groupes de fanatiques" sur internet

"La plupart des usages d’internet, sont très positifs, très utiles. Mais un petit nombre de gens présents sur internet posent problème. Ils veulent censurer cette pièce, ou ce livre, ou ce film… et après, les universités, les producteurs de cinéma, ou de télévision, les éditeurs, en ont une peur excessive, disproportionnée. Ce sont eux qui nous font des ennuis, qui censurent des show télés, des livres, qui refusent d’enseigner certains sujets, parce qu’ils ont peur de ces petits groupes de fanatiques qui s’expriment sur internet. En ce qui me concerne personnellement, je pense que ces gens font une erreur, notamment en ne distribuant pas mon film aux Etats-Unis.

Mais quand on regarde ce qui s’est passé pendant le maccarthysme, les gens qui ont fait les listes noires sont devenus les méchants, et ceux qui étaient blacklistés sont les héros. C’est ainsi que l’histoire se réévalue, à travers la vérité, plutôt qu’à travers les folies qui prennent le dessus à telle ou telle époque. Voilà comment je vois les choses pour mon cas personnel."   

franceinfo : Pouvez-vous nous dire un mot de votre prochain film ?  

Il est déjà fini. Je peux simplement vous dire qu’il s’agit d’Américains qui débarquent à Saint-Sébastien, en Espagne, et là-bas il leur arrive une aventure. C’est une aventure romantique, et une comédie j’espère, car je ne suis jamais sûr. Il est toujours possible que les spectateurs ne s'amusent pas autant que moi, mais quand on le fait, on se dit toujours que ça va être génial.

La vie est tragique, décevante... Le cinéma, c'est beau !

Woody Allen

à franceinfo

Pour le réalisateur, le cinéma est infiniment supérieur à la vie : "De très loin, de très très loin ! Il n’y a absolument aucune comparaison. La vie est tragique, décevante, malheureuse, triste, terrifiante, déroutante…  alors que le cinéma, c’est beau ! Je préfèrerais largement vivre dans un film de Fred Astaire  que dans la vraie vie. Sans hésiter. Si vous me dites que c’est possible, j’échange immédiatement."

L'interview de Woody Allen

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