"Dogman", puissant drame humain signé Matteo Garrone
Méfiez-vous de l'eau qui dort ! Marcello, propriétaire de l'enseigne "Dogman" a l'air si affable et doux. Pas très effrayant, avec son poids plume. Il est même gentil, franchement, et pas qu'avec ses chiens. Dans sa banlieue pauvre en bord de mer, Marcello rêve de ses virées en mer avec sa fille Alida à explorer les fonds marins. Et alors, oui, c’est pour se les offrir qu’il accepte de temps à autre d’être complice des larcins (et autres méfaits de taille) de Simoncino, ancien taulard qui terrorise le quartier. Pas plus. Seulement un jour, la jeune brute l’entraîne dans une affaire qui va avoir pour conséquence de l’exclure définitivement du quartier où il avait sa place et son rang. Marcello, le doux agneau, va changer de visage...
Qui est bestial ?
Avec "Dogman", Matteo Garrone revient, dix ans après "Gomorra", à un milieu empreint de criminalité. Mais ce film n’a rien du polar ni du film de gangsters. C’est un drame, humain, qui aborde la question des choix que l'on fait et de leurs conséquences. Qu’est ce qui explique qu’un homme aussi calme, discret et bienveillant que Marcello trahisse ses proches pour un criminel de bas étage ? Garrone ausculte le fonctionnement humain dans ses extrêmes, allant jusqu’à filmer la violence la plus "bestiale". Et la confronte, plan sur plan, au comportement des animaux de Marcello, à la sensation même d’apaisement qu’ils procurent."Dogman" est un film puissant, profond, et brillamment réalisé. Il y a du Quentin Tarantino dans la brutalité exposée. Mais aussi beaucoup de poésie. Dans une précédente vie, Garrone a été peintre. Les plans de "Dogman" sont des tableaux : non pour leur beauté plastique, même si la photographie est à souligner, conçue comme des clichés de Martin Parr, mais parce qu’ils sont d’une expressivité rare.
Les paysages, d’abord, description de ce presque village aux airs de station balnéaire abandonnée ou d’un décor de western déserté : les bâtiments sont en ruine, le gris domine et pourtant une vraie vie existe. L’atmosphère de "Gomorra" n’est pas si éloignée.
Portraits saisissants
Les portraits ensuite : celui de Marcello, magnifique Marcello Fonte, visage doux et cassé à la fois, inséparable de sa voix nasillarde. Celui de Simoncino (le "petit" Simon, puissant Edoardo Pesce) mine balafrée et patibulaire, corps écrasant.Et que dire des commerçants voisins de Marcello, visages aussi rassurants que ceux d’un usurier ou d’un mafieux ? Leur moralité revendiquée, leur respect des codes de bonne conduite sortent tout droit d’ailleurs de la criminalité qu’ils sont censés dénoncer… Le portrait des chiens enfin, comme des tableaux de genre du XIXe siècle français ou anglais. De ces scènes émane la tendresse, teinte d’humour, du réalisateur. Comme un clin d'oeil, en ces temps incertains.
LA FICHE
Réalisateur : Matteo Garrone
Pays : Italie
Acteurs : Adamo Dionisi, Edoardo Pesce, Marcello Fonte
Sortie : 11 juillet 2018
Synopsis : Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce...
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