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"Nous allons continuer à écrire l'histoire du cinéma africain", affirme le délégué général du Fespaco qui se tiendra au Burkina Faso en proie à une crise sécuritaire

La 28e édition du plus grand rendez-vous cinématographique du continent africain se tiendra du 25 février au 4 mars à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Avec Alex Moussa Sawadogo, le délégué général du Fespaco, Franceinfo Culture revient sur les particularités de cette édition, le poids des contraintes sécuritaires et les évolutions du Festival.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
Lé délégué général du Fespaco, Alex Moussa Sawadogo, s'exprime lors d'une conférence de presse le 19 juillet 2022, à Ouagadougou, au Burkina Faso. (FESPACO)

La sélection de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) compte 170 œuvres en compétition, réparties dans onze catégories, parmi lesquelles la fiction long métrage, le court métrage, le documentaire, les séries télé, les films d'écoles et les films d'animation. Dans la catégorie fiction, quinze longs métrages sont en lice pour l'Etalon d'or du Yennenga. Alex Moussa Sawadogo, délégué général du Fespaco, nous parle du Festival qui se tiendra de 25 au 4 mars 2023 à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, un pays victime du terrorisme comme ses voisins sahéliens. Il qualifié déjà cette édition d'"anthologique". Entretien.

Franceinfo Culture : Comment s'est déroulée la sélection de cette 28e édition du Fespaco ? 

Alex Moussa Sawadogo : Depuis mon arrivée à la délégation générale, le Fespaco dispose d'un comité de sélection dont les membres ont de l'expérience dans la programmation et la sélection des films. Ils viennent également de différents endroits du continent. Ils ont l'avantage, les uns et les autres, d'être en contact avec les créateurs qui œuvrent dans chacune des régions du continent. Ce qui nous permet d'aller chercher des films et de ne pas seulement nous contenter de ce qui est soumis au Fespaco. Les membres du comité de sélection participent aussi à de grands festivals comme Cannes ou Berlin, ils nous ramènent ainsi des œuvres qu'ils y ont découverts. Au Fespaco, nous ne voulons plus attendre que les œuvres nous parviennent. Nous sommes allés les chercher partout en Afrique et dans le monde. 

Le Sahel souffre du terrorisme et le Burkina Faso n'est pas épargné. Comment organise-t-on un évènement qui réunit des milliers de festivaliers quand la sécurité devient un élément aussi contraignant ?

Les autorités burkinabè et nous-mêmes sommes évidemment conscients de la situation. Si nous avons décidé d'organiser cette édition, c'est que nous en avons tenu compte dans notre façon de faire et dans notre programmation. Une certitude : il n'y aura pas de Fespaco au rabais. La sécurité est un élément dont on tient compte dans l'organisation pratique des déplacements et des projections. Par ailleurs, les autorités nous ont confirmé que la question sécuritaire sera prise en compte dans toutes les décisions durant le Fespaco. Pour elles, la sécurité doit être garantie quand on accueille 10 000 personnes à Ouagadougou. Depuis sa création, le Fespaco n'a jamais été annulé. Ce qui montre que le peuple burkinabè est capable de surmonter tout type de difficultés. Avec le Fespaco, nous allons continuer à écrire l'histoire du cinéma africain.

Quelles sont les innovations de la 28e édition du Fespaco ?

En 2021, nous avons lancé un ensemble d'initiatives afin d'avoir un festival adapté à son époque, qui tient compte du public, des nouvelles générations et des apprenants, entre autres les futurs cinéastes. Pour cette édition, nous allons donner de la visibilité à toutes ces innovations. Nous avons aussi mis en place, cette année, un marché de coproduction, le Yennenga Coproduction. C'est une activité qui manquait aux ateliers Yennenga [lancés en 2021]. Elle va permettre aux porteurs de projets qui ont des longs metrages, parfois depuis très longtemps dans leurs tiroirs, de rencontrer les producteurs que nous avons invités. En Afrique, le financement des films reste encore un défi pour les cinéastes.  

Le Togo avait été annoncé comme pays invité, mais ce sera finalement le Mali. Est-ce que ce choix, qui semble politique, se justifie sur le plan artistique ?

Le Mali, comme le Burkina Faso, a réussi à inscrire le cinéma dans son histoire. Deux cinéastes maliens ont remporté l'Etalon d'or [Souleymane Cissé, qui l'a remporté deux fois et Cheick Oumar Sissoko]. Par ailleurs, nous partageons la même frontière et nous vivons actuellement la même situation sécuritaire. Avec le thème que nous avons choisi cette année [Cinémas d'Afrique et culture de la paix], il était important que ces pays se retrouvent à Ouagadougou pour échanger sur la contribution des acteurs du cinéma au retour de la sécurité et de la cohésion sociale. La crise est politique mais aussi artistique parce que nombre de comédiens, producteurs et réalisateurs en souffrent. Dans des situations de crise politique, identitaire et sécuritaire, comment en tant que créateurs, réalisateurs pourraient-on trouver des solutions pour pouvoir continuer à créer ? Comment créer ensemble des œuvres qui vont contribuer au retour de la paix ? Comment lancer des dispositifs communs afin que les artistes des deux pays puissent en profiter ? Nous allons essayer de trouver ensemble les réponses à ces questions. 

Y aura-t-il autant de festivaliers qu'en 2021 au Fespaco ? 

En 2021, près de 10 000 personnes se sont accréditées pour le Fespaco. A quelques jours de la nouvelle édition, nous devrions dépasser ce chiffre. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, nous sommes débordés par les demandes d'accréditation. En plus des festivaliers habituels, nous sommes contents d'accueillir des professionnels de la diaspora et du monde arabe où se déroulent des festivals qui s'intéressent au cinéma africain. Cela montre que les amis du Fespaco sont prêts à venir lui témoigner leur soutien et contribuer, avec le Burkina Faso, au retour de la paix. C'est un Fespaco anthologique parce que le Burkina Faso démontre qu'il va réunir, dans les conditions actuelles, des milliers d'acteurs de l'industrie cinématographique qui seront sous les projecteurs des médias provenant du monde entier. Une preuve que les Burkinabè restent debout et créatifs. 

Ouagadougou et Paris ont des relations politiques tendues depuis plusieurs semaines. Mais la France est un important bailleur de fonds du cinéma africain par le biais de la coproduction. Le Fespaco et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sont des partenaires. La situation diplomatique a-t-elle une incidence sur cette relation ? 

Pas du tout ! Nous les gens du cinéma, nous aimons le cinéma et ne parlons que cinéma. La France compte énormément quand il s'agit de coproduction avec l'Afrique, notamment pour les pays francophones. Nous avons des partenariats avec le CNC, Unifrance, TV5 monde, Canal Plus... Les partenaires français classiques du Fespaco sont toujours à nos côtés.

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