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Niels Schneider à l'affiche du film "Avant l'effondrement" : "Il y a une envie de radicalité dans les premiers films qui me plaît"

Tristan est un homme déboussolé dans le film "Avant l'effondrement" que co-réalisent Alice Zeniter et Benoît Volnais. Niels Schneider, qui l'incarne, revient avec nous sur son personnage et la singularité de cette nouvelle expérience cinématographique où s'invite la crise climatique.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6 min
Tristan, incarné par Niels Schneider, dans "Avant l'effondrement"  réalisé par Alice Zeniter et Benoît Volnais. (PYRAMIDE FILMS)

Niels Schneider interprète le directeur de campagne d'une candidate écologiste aux législatives dans le premier film du duo formé par l'écrivaine Alice Zeniter et Benoît Volnais, Avant l'effondrement. La vie du jeune homme, qui vit sous la menace d'une maladie génétique, est remise en cause par une lettre anonyme contenant un test de grossesse positif. Nous avons rencontré l'acteur franco-canadien. Entretien. 

Franceinfo Culture : Tristan, que vous incarnez dans "Avant l'effondrement", est très tourmenté par ce test de grossesse anonyme avec la mention "enceinte" qu'il reçoit. Comment avez-vous abordé ce personnage dont la tête est agitée par une tempête ?

Niels Schneider : Ce sont vraiment les préoccupations de Tristan, très contemporaines, qui m'ont intéressé dans ce film. Comment envisager l'avenir ? Comment réussir à affronter le présent ? C'est un personnage qui m'a tout de suite plu parce qu'il n'était pas du tout générique, dans le sens où il n'y a rien de manichéen chez lui. Son rapport à sa famille, à l'amour, au futur et à son travail est très particulier. 

Tristan n'a jamais envisagé d'avoir des enfants à cause de la menace de cette maladie génétique qui pèse sur lui. Comment avez-vous travaillé cette dimension de votre personnage ? 

En comprenant ses motivations. Quel monde laisse-t-on à nos enfants ? C'est la double question qui traverse le film. Ce vase communicant entre l'effondrement intime et celui, potentiel, du monde est intéressant. 

La mise en scène, qui rappelle beaucoup le théâtre, notamment dans cet échange avec Fanny (Ariane Labed), où l'on découvre les motivations de Tristan, a-t-elle facilité l'introspection dans laquelle il se retrouve plongé ? Le dialogue intérieur que vous auriez pu avoir tout seul devient une discussion, quelque chose de plus tangible... 

Je me préoccupe assez peu, pendant que je tourne, de la mise en scène. J'essaie de comprendre les choses de la manière la plus organique possible. La mise en scène est théâtrale parce que ce sont de longues phrases et parce que le personnage verbalise absolument tout. Sans filtre. Grâce à sa parole, on a l'impression d'être le témoin de son cerveau totalement détraqué (sourire). J'ai trouvé cela très amusant. Ce type de personnages est rare. Le plus souvent, l'on garde les choses pour soi. Chez Tristan, rien n'est gardé : on assiste vraiment à la déliquescence de son cerveau.  

Le récit se situe, en partie, dans un Paris caniculaire. Cette chaleur, qui apparaît presque comme un personnage du film, a-t-elle renforcé l'inconfort de Tristan ?

En tout cas, c'est une altérité, un adversaire... On s'en rend compte chaque été : le climat devient de plus en plus hostile. Je pense que cela participe à la folie du personnage (rires). Pendant le tournage, on en a rajouté au maquillage évidemment. Cela prenait un temps fou à chaque fois. Il y avait toute une échelle de transpiration et on vérifiait chaque fois le niveau : 2, 3 ou 5 ?  Mais tout ça se calme dans la deuxième partie bretonne. 

Sur la question écologique, tout le monde a évidemment un avis. Pensez-vous qu'il faut en avoir un ou qu'il suffit tout simplement de faire ce qu'il faut pour préserver la planète ?

Les gens ont des opinions un peu sur tout aujourd'hui. Sauf que l'écologie, ce n'est pas une question d'opinion mais une question factuelle. Le rapport du Giec [Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies],  c'est scientifique : ce n'est pas une opinion. Je sais, parce que j'écoute les experts qui sont tous d'accord pour dire que si on continue comme on le fait actuellement, ça mènera à la destruction de la planète. 

En revenant sur les personnages que vous avez campés durant cette dernière décennie, on se rend compte que vous avez presque tout joué : espion...

C'est trop triste ce que vous dites...

Mais il y a vraiment une variété de personnages dans votre filmographie. Incursion politique avec Avant l'effondrement, vétéran dans Sentinelle Sud – rôle rare dans le cinéma français , journaliste, gangster récemment dans Apaches. Y a-t-il un personnage auquel vous pensez depuis des années et que vous auriez envie d'incarner ?

Non, parce que quand je lis un scénario, je ne me pose pas la question en ces termes. Je pense plutôt à ma capacité à comprendre une personne, un personnage. Je pourrais jouer pendant trente ans des journalistes sans avoir l'impression de me répéter parce que chaque journaliste est différent. Vous êtes journaliste et vous ne ressemblez pas du tout à Paul Marchand [qu'il incarne dans Sympathie pour le diable]. Ni au journaliste que je verrai après vous. Je ne vois vraiment pas les choses de cette manière-là. En revanche, la tonalité d'un personnage m'interpelle. Par exemple, j'aimerais bien jouer un rôle qui a plus de légèreté, jouer sur l'ironie...Je suis très heureux de jouer des rôles dramatiques mais je suis curieux : j'aimerais bien explorer aussi un ton plus léger. 

Vous disiez qu'après "Les Amours imaginaires" de Xavier Dolan (2010), on vous proposait des personnages très angéliques. Cela a dû changer depuis...

J'ai plutôt dit que c'était des rôles de pervers à la gueule d'ange, un peu à la Tadzio de Visconti (Mort à Venise). 

Et ça va mieux maintenant...

Oui, parce qu'on vieillit. J'ai toujours su qu'on ne me proposerait plus ces rôles à partir de 30 ans.  

Vous avez démarré votre carrière de comédien par le théâtre. Avez-vous envie d'y retourner  après toutes ces années au cinéma ? 

Je pense que je reviendrai un jour au théâtre. J'en suis convaincu. Après, il faut que tous les éléments soient réunis. Cela veut dire travailler avec un grand metteur en scène, sur un grand texte. Le théâtre prend beaucoup de temps et je traque tellement sur scène que j'ai besoin d'être vraiment en confiance avec le texte et avec un grand metteur en scène.

"Avant l'effondrement" est un premier film. En quoi l'atmosphère est-elle singulière sur ce type de projet ? 

Il y a forcément une ambiance particulière sur un premier film. Alice a beaucoup d'expérience au théâtre et Benoît est cinéphile, il était très préparé. J'aime bien jouer dans les premiers films parce qu'on met toute une vie avant de faire son premier film. Après ça, on met un ou deux ans pour faire le deuxième ou le troisième. C'est toujours un geste très fort. Il y a une envie de cinéma, une envie même de radicalité dans les premiers films qui me plaît. C'est souvent des films qui sont parfois imparfaits mais je les trouve plus forts. Les 2e, 3e et 4e films sont souvent des déclinaisons et je n'y retrouve pas le côté diamant brut du premier.  

Vous évoquez souvent cette touche française dans le cinéma. Vous l'avez récemment fait à propos de la série "Totems" où vous incarnez un espion. Comment définiriez-vous cette fameuse touche ?

Je l'ai évoquée en parlant de Totems parce qu'il y a dans le ton quelque chose qui rappelle tout de suite le cinéma américain ou même dans Diamant noir [pour lequel Niels Schneider a décroché le César du meilleur espoir masculin en 2017]. J'ai fait beaucoup de films de genre et les Français n'en font pas beaucoup. La touche française, c'est justement le rapport au sentiment et à l'intime, c'est de creuser l'intimité et l'individu sans souci d'efficacité narrative. Dans la tradition du cinéma français, il y a un côté très littéraire et on retrouve cette dimension littéraire et intime dans Avant l'effondrement. 

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