Luc Besson de retour à l'écran : une épopée de 40 ans de cinéma, d'argent et d'affaires judiciaires, avec des hauts et des bas
Revenons en janvier 2015, l’Académie des Césars décerne à Luc Besson une médaille d’or. Cette distinction inédite a pour vocation de remercier le cinéaste pour “sa contribution artistique et entrepreneuriale exceptionnelle depuis trois décennies”. L’Académie félicite ainsi le cinéaste pour l’ensemble de sa carrière et notamment pour la manière dont il “porte haut l’excellence du modèle français”.
Il faut dire qu’à cette époque Luc Besson vient tout juste de réaliser un film qui connaît une destinée et un succès mondial. En 2014, son long-métrage de science-fiction Lucy comptabilise à lui seul davantage d’entrées dans le monde que l’ensemble des films français sortis durant l’année. Avec Scarlett Johansson et Morgan Freeman dans les rôles principaux, ce sont plus de 56 millions de tickets qui sont vendus à l’internationale : un record pour une production française. Scénariste, réalisateur et producteur du film, Luc Besson connaît ainsi avec Lucy un succès inédit. Son apogée.
Mais cette reconnaissance du public et de la profession n’a pas toujours été au rendez-vous et est loin d’être acquise. Entre succès mondial, échecs critiques, déboires financiers et accusations de viols et d’agressions sexuelles : retour sur les quarante années d’une carrière en dents de scies et marquée par de nombreux scandales.
Des débuts fulgurants
En 1988, le troisième long métrage de Luc Besson est un véritable succès commercial. Le Grand Bleu – qui est encore aujourd’hui 37e au box-office français – dépasse les neuf millions de billets vendus en France. À seulement 28 ans, le cinéaste réalise le film qui attire durant l’année le plus de spectateurs dans les salles de cinéma de l’hexagone. S’il n’est pas acclamé par la critique et est même durement critiqué au Festival de Cannes où il est présenté hors compétition, Le Grand Bleu n’en devient pas moins un film générationnel qui permet au jeune réalisateur de se faire durablement un nom.
Plus grande réussite de Luc Besson au box-office français, ce film témoigne plus largement de l’engouement qui entoure le cinéaste au début de sa carrière. Après Le Dernier Combat (1983), un premier film presque sans dialogue, en noir et blanc, et au destin timide, Luc Besson connaît une décennie de succès auprès du public et de la profession. 2,9 millions d’entrées et 13 nominations aux Césars pour Subway (1985), premier film français à dépasser les 5 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis avec Nikita (1990), 7,7 millions d’entrées en France, 263 millions de dollars de recettes dans le monde et César du meilleur réalisateur pour Le Cinquième Élément : le cinéma de Luc Besson s’impose sans une ombre au tableau.
Un Hollywood à la française
Conjointement à ses activités de réalisateur et de scénariste, Luc Besson s’établit également en tant que producteur. En 1999, il fonde avec Pierre-Ange Le Pogam – qui incarnait le garde du corps de Monica Bellucci dans Subway – la société de production EuropaCorp. Avec cette société, qui a fait son entrée en bourse en 2007, Luc Besson produit de très grands succès commerciaux à l’instar des sagas Taxi et Taken ou du film Yamakasi.
Producteur de films à grands budgets, Luc Besson entend aussi faire de la France une terre de tournages et de studios. Imaginée en 2000 et largement portée par le réalisateur, La Cité du cinéma ouvre ainsi ses portes en septembre 2012. Ce pôle cinématographique implanté à Saint-Denis au nord-est de Paris est constitué de 15 000 mètres carrés de bureaux et de neuf plateaux de tournage. À travers cet espace, Luc Besson aspire à concurrencer les grands espaces de tournage en Europe, notamment la Cinecitta à Rome, et les Pinewoods studios à Londres.
Dans cet espace unique en France, Luc Besson installe une école qui a pour vocation de former gratuitement et sans conditions de diplômes des jeunes âgés de 18 à 25 ans aux métiers de scénariste et de réalisateur. Le cinéaste, qui n’est passé par aucune formation cinématographique, marque ainsi sa volonté de rendre le milieu du cinéma plus accessible et moins élitiste. L’école, qui a depuis discrètement fermé ses portes, a formé sept promotions de jeunes cinéastes.
Échecs cinématographiques et revers financiers
En tant que réalisateur, Luc Besson connaît après le grand succès de son film Le Cinquième Élément une série d’échecs. De 2005 à 2013, seuls les trois films d’animations qui constituent la saga d’Arthur et les Minimoys s’imposent sur le grand écran. Avec un budget de plus de 60 millions d’euros chacun – ce qui les place tous les trois parmi les 10 films français les plus coûteux –, même le nombre élevé de spectateurs ne parvient pas à en faire des succès commerciaux. Parallèlement, plusieurs films du réalisateur ne parviennent pas à atteindre le million d’entrées.
Si le film Lucy, qui sort en 2014, est pour Luc Besson un succès sans précédent à l’internationale, les deux dernières réalisations du cinéaste achèvent son empire. Malgré ses 4 millions d’entrées en France, le film Valérian et la Cité des mille planètes (2017) est un véritable échec commercial. Avec un budget de 197 millions d’euros (ce qui en fait le film européen le plus cher de l’histoire) auquel s’ajoutent des frais de promotions, le film est loin d’atteindre son seuil de rentabilité et affecte avec l’échec d’Anna (2019) durablement EuropaCorp et La Cité du Cinéma. Grandeur et décadence.
D’abord placée en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Bobigny en mai 2019, EuropaCorp est rachetée en 2020 par la société américaine Vine Alternative Invesments. Aujourd’hui, Luc Besson ne détient plus que 12,7% de la société de production et n'est plus à la tête des studios de Saint-Denis.
Un retour polémique
Quatre ans après l’échec d’Anna, Luc Besson signe ce mercredi son retour à l’écran avec le film Dogman. Le long-métrage a été présenté en compétition pour le Lion d’Or à la Mostra de Venise fin août, une première pour le réalisateur qui n’a jamais été en compétition dans les grands festivals internationaux à l’instar du festival vénitien ou encore du festival de Cannes. Une nomination prestigieuse qui a suscité – comme celle de Woody Allen et de Roman Polanski – de nombreuses indignations et diverses actions via des collages féministes en Italie mais aussi en France.
En effet, Luc Besson est visé comme les deux autres réalisateurs par des plaintes pour viols et violences sexuelles. En mai 2018, l’actrice belgo-néerlandaise Sand Van Roy porte plainte contre Luc Besson pour viol avant de porter plainte une seconde fois pour des faits de violences sexuelles qui auraient eu lieu de mars 2016 à mai 2018. Depuis, d'autres femmes ont rapporté des comportements similaires à Médiapart, qui dédie un grand dossier à l’affaire. Parmi ces femmes qui n’ont pas porté plainte : une ancienne employée et une ancienne stagiaire, une mannequin et deux anciennes étudiantes de l'École de la Cité.
Au mois de juin, la justice française a confirmé en appel un non-lieu pour les accusations de l'actrice Sand Van Roy en faveur de Luc Besson. Une enquête judiciaire pour les mêmes faits est cependant encore en cours en Belgique.
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