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Cannes 2019 : notre palmarès du 72e festival, coups de cœur et pronostics

Nous avons vu les vingt-et-un films de la compétition du 72e Festival de Cannes. À quelques heures du palmarès rendu samedi 25 mai à partir de 19h15, notre choix est fait. Voici de la Palme d'or au prix du scénario, en passant par les prix d'interprétation et de la mise en scène, les films qui pourraient se trouver au final.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Plein feu sur la Palme d'or du 72e Fesival de Cannes (LAURENT EMMANUEL / AFP)

La 72e édition du Festival de Cannes est considérée comme une des meilleures de ces dernières années par les festivaliers. Réunir sur une même affiche Pedro Almodovar, Jim Jarmusch, Quentin Tarantino, Ken Loach, Terrence Malick, les frères Dardenne, Xavier Dolan, Abdellatif Kechiche, Marco Bellochio et Bong Joon-Ho n'arrive pas tous les ans.

Si quatre réalisatrices étaient à leurs côtés, Mati Diop, Céline Sciama, Justine Triet et Jessica Hausner, leurs films étaient moins attendus et ont suscité moins de commentaires, mais elles pourraient bien bousculer tous les pronostics.

Au terme des douze jours de cette 72e compétition marathon et intense, voici un palmarès virtuel des principaux prix attendus, reflet de nos coups de cœur d’un Festival difficile à départager.

Palme d'or

Douleur et Gloire de Pedro Almodovar s’impose à nos yeux pour l’immense émotion que procure ce film magnifique. Histoire d’un réalisateur en crise, le sujet a déjà été traité (8/12 de Fellini) mais recèle l’originalité propre au réalisateur espagnol dans sa mise en scène et son image, en rassemblant nombre d’acteurs et de collaborateurs avec lesquels il a fidèlement travaillé. Antonio Banderas et Penélope Cruz en tête, mais aussi son compositeur attitré Alberto Iglesias, lauréat du prix Cannes Soundtrack vendredi soir, dont la musique participe grandement à l’émotion du film.

De plus, le passé cannois de Pedro Almodovar joue en sa faveur. Membre du jury, président du jury, six fois en compétition sans avoir remporté un prix, cette très belle œuvre est digne d’une Palme. Douleur et gloire arrive d’ailleurs en tête du tableau de la critique sur la Croisette. Mais critique et jury se sont rarement rejoints sur un palmarès cannois…

Grand Prix

Parasite du réalisateur coréen Bong Joon-Ho est notre préféré pour ce prix qui est le frère jumeau de la Palme d’or… à moins qu’il la décroche. Bong Joon-Ho brille dans ce film dont il a coécrit le scénario, d’après un roman de l’auteur japonais Hitochi Iwaaki. Le réalisateur passé plus d’une fois par Cannes, multi récompensé dans nombre de festivals, démontre encore son art de la narration, de la mise en scène (prix auquel il peut prétendre) et de sa direction d’acteurs. Son comédien fétiche Song Kang-Ho mériterait à ce titre le prix d’interprétation.

Quatre prix potentiels pour Parasite, donc. Mais la règle veut qu’une œuvre ne soit récompensée qu’une fois à Cannes. Cette moisson, toute virtuelle, augure que le film figurera au palmarès. Il est par ailleurs le long métrage le mieux reçu par la critique, avec le film d’Almodovar.

Prix du Jury

Difficile de prédire le prix coup de cœur du jury, où celui-ci exprime la sensibilité de ses membres autour d’un consensus. Il peut émaner du nom d’un metteur en scène que les jurés tiennent à valoriser, d’un sujet d’actualité, ou simplement d’une unanimité autour d’un film…

Plusieurs options s’offrent alors. Le Jeune Ahmed des frères Dardenne est envisageable pour son sujet sur la radicalisation islamiste chez les jeunes. Portrait de la jeune femme en feu, de Céline Sciama, reconnaîtrait l’originalité du propos autour de la création artistique et l’amour entre deux femmes au XVIIIe siècle. Mais ce prix, plus personnel, pourrait bien revenir à Marco Bellochio, vétéran du cinéma italien, dont Le Traitre met en scène le célèbre repenti de la mafia Tommaso Buscetta, ses aveux ayant entraîné l’assassinat du juge Falcone en 1992. D’une très belle facture, le film a enthousiasmé les critiques et ferait belle figure comme prix du Jury.

Caméra d’or

La caméra d’or est un des plus beau prix du Festival de Cannes, puisqu’il récompense le réalisateur d’un premier long métrage, toutes sélections confondues : Compétition, Un certain regard, Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique, débordant même jusqu’aux films Hors compétition. Il a par ailleurs son propre jury, présidé cette année par le réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh.

Un choix s’impose à nos yeux : Les Misérables de Ladj Ly qui a époustouflé la Croisette au lendemain de l’ouverture du festival. À moins qu’il remporte la Palme, ou le Grand prix ou encore le prix de la Mise en scène (ce que d’aucuns augurent). Le jeune réalisateur fait preuve d’une belle maîtrise dans son écriture, sa mise en scène, son rythme et sa direction d’acteurs. Il ne peut que se retrouver au palmarès. Un des chouchous de la critique également.

Meilleure actrice

Virginie Efira dans Sibyl part en bonne position pour le prix d’interprétation féminine. On lui préfèrera cependant Sara Forestier, dans Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin.

Elle interprète, aux côtés de Léa Seydoux et Roschdy Zem, une jeune paumée alcoolique soupçonnée de meurtre avec son amante. Enlaidie, froisée par le malaise existentiel et social qui l’habite, elle est bouleversante et sort vraiment du lot.

Meilleur acteur

Si par malheur, Douleur et Gloire d'Almodovar n'avait pas la Palme (bruit qui court sur la Croisette), Antonio Banderas serait en première ligne pour le prix d'Interprétation masculine. Sa présence à Cannes ce samedi, avant l'annonce du palmarès, est un signe annonciateur qui trompe rarement. Une récompense qui serait justifiée pour la sobriété de son jeu, comme alter ego du réalisateur, tout en diffusant une émotion palpable.

Les festivaliers parlent beaucoup de la prestation de Leonardo DiCaprio dans Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino. Cette solution aurait plusieurs avantages. D’abord, récompenser DiCaprio à Cannes aurait "de la gueule" et constituerait un véritable événement médiatique qui retomberait sur l’image du festival. Cela permettrait par ailleurs de donner un prix par acteur interposé à Once Upon a Time… in Hollywood, le film entrant difficilement dans une case du palmarès, comme demi-réussite. Enfin, cela rassurerait les Américains vis-à-vis du festival, les majors étant depuis des années quelque peu frileuses pour envoyer leurs films en compétition à Cannes.

Prix de la mise en scène

S’il ne revient pas à Parasite ou aux Misérables, Le Lac des oies sauvages mériterait ce prix de la mise en scène. Le réalisateur chinois Diao Yinan s’était déjà fait remarquer avec Black Coal en compétition en 2014. Il ne change pas son fusil d’épaule dans son nouveau film crépusculaire et atmosphérique, sans négliger l’action et l’émotion.

Bacurau des Brésiliens Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, est une autre option. Mélangeant sujet social, politique, environnemental et défense du patrimoine culturel, le duo de réalisateurs filme pratiquement toujours en extérieur, en magnifiant une région aride et perdue du Brésil au cœur du sujet. Sa construction éclatée dans sa première partie s’organise progressivement vers un climax digne du meilleur d'un Tarantino.

Prix du scénario

Bien accueilli par la critique cannoise, Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciama, mériterait le prix du scénario signé de sa réalisatrice, remarquée en 2007 à Un certain regard avec La Naissance des pieuvres. Original, puisqu’il ne s’agit pas d’une adaptation, le script l’est aussi dans son sujet sur la création, génératrice d’une passion amoureuse entre deux femmes. La surprise du palmarès ?

Les oubliés

Au premier rang des absents de notre sélection, Une vie cachée de Terrence Malick qui ne se renouvelle pas dans son dernier film, grief parmi d’autres maladresses (la langue du film, son prosélytisme et un sujet négligé au profit de l’esthétisme). Atlantique de Mati Diop, malgré une belle atmosphère, demeure trop obscur dans son écriture, mais prédit d’une réalisatrice prometteuse. Sorry We Missed You est un Ken Loach fidèle à lui-même, pertinent mais trop pesant.

Little Joe de l’Autrichienne Jessica Hausner reste le film le moins aimé de cette 72e compétition. Il est pourtant passionnant. Dans l’originalité de son sujet sur les manipulations génétiques, et ses choix de mise en scène, aux superbes cadrages et harmonies colorées. À réhabiliter, mais difficile à caser dans le palmarès. Les Siffleurs du Roumain Corneliu Porumboiu est moins convaincant. Polar bien écrit, il est empesé par une mise en abîme du cinéma dans le film, avec ses références lourdes mal articulées.

Le Jeune Ahmed des frères Dardenne ne crée pas l’adhésion, malgré les qualités coutumières du duo belge : pertinence du propos, sobriété et efficacité. Manque l’émotion si sensible de leurs précédents films. Frankie de l’Américain Ira Sachs est, lui, hors course, avec son énième digression tchékhovienne, malgré la présence d’Isabelle Huppert et d’une belle distribution autour d’elle.

Matthias et Maxime de Xavier Dolan semble également hors sujet, par le manque de renouvellement du cinéaste. Mektoub My love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche est trop radical ou pas assez pour figurer au palmarès. Dans la lignée coutumière du Palestinien Elia Suleiman, It Must Be Heaven reste dans le sillage de Buster Keaton, Jacques Tati et Pierre Etaix. Une réussite enjouée mais mineure. Enfin Sibyl, de Justine Tiret, est intéressant avec une Virginie Efira convaincante. Mais le film est alourdi d’une autre mise en abîme du cinéma (comme Les Siffleurs) vue par le prisme de la psychanalyse.

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