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Festival d'Annecy 2023 : la cinéaste iranienne Sepideh Farsi évoque "la résistance" au cœur de "La Sirène", son premier film d'animation

"Cela fait plus de 40 ans" que la résistance aux mollahs "continue", estime la réalisatrice dissidente iranienne Sepideh Farsi, qui rend hommage dans "La Sirène" à la résilience de son peuple via un autre "chapitre important" de son histoire, la guerre Iran-Irak.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Sepideh Farsi présente "La Sirene", lors d'une conférence de presse à la Berlinale, le 17 février 2023. (MONIKA SKOLIMOWSKA / DPA / MaxPPP)

En compétition au festival d'Annecy et en salles le 28 juin, La Sirène, le premier film d'animation de la cinéaste iranienne Sepideh Farsi suit, entre onirisme et réalisme, Omid, un adolescent de 14 ans resté avec son grand-père à Abadan, capitale de l'industrie iranienne du pétrole assiégée par l'armée irakienne en 1980. Repérant un "lenj" (bateau traditionnel du sud du pays) dont il va faire son arche, le garçon va tenter d'évacuer les habitants de sa ville, résistant à leur manière à l'envahisseur, comme aux nouvelles normes imposées par les mollahs au pouvoir depuis la révolution de 1979.

"Plus grande guerre, après celle du Vietnam, de la deuxième moitié du XXe siècle", la guerre Iran-Irak (1980-1988) "est un chapitre important de l'histoire de l'Iran et aussi dans ma vie", explique celle qui, née à Téhéran en 1965, avait pratiquement l'âge d'Omid quand le conflit a éclaté. "C'est vraiment un tournant dans la vie de tous les Iraniens", se remémore-t-elle lors d'une rencontre organisée en mai avec l'AFP dans sa résidence parisienne.

"Le régime a toujours monopolisé le narratif de cette guerre"

"Le siège d'Abadan m'a longtemps fascinée", ajoute Sepideh Farsi, emmenée par son père dans cette ville cosmopolite lorsqu'elle était "toute petite". "C'est extraordinaire que des gens, des civils, aient décidé de rester pour résister à un ennemi, pratiquement les mains vides", pendant huit mois. "C'est un peu ce qu'on vit avec les Ukrainiens d'une autre manière".

Or, "le régime (des mollahs) a toujours monopolisé le narratif de cette guerre", lors de laquelle il a utilisé "l'ennemi étranger pour vraiment nettoyer la société de toute dissidence et opposition". "C'est important aussi de donner" la version du peuple, des yeux notamment "d'un garçon frêle (interprété par une femme, Mina Kavani) qui n'est pas le superhéros", ou encore d'Elaheh, une artiste inspirée de diverses divas iraniennes privées du droit de chanter en public.

Cinéaste autodidacte de l'intime, la réalisatrice du documentaire Téhéran sans autorisation et du film Red Rose a "tout de suite pensé" que l'animation serait l'art le plus adapté à son projet, mûri depuis 8 ans et concrétisé avec l'aide du dessinateur Zaven Najjar et du scénariste Javad Djavahery. Difficile, de fait, de reconstituer en prise de vues réelles le "puzzle" d'une ville totalement détruite pendant la guerre et où elle n'a plus le droit de mettre les pieds depuis 2009 en raison de son "passif avec le régime". Avant de venir étudier les mathématiques en France en 1984, Sepideh Farsi a notamment été arrêtée à l'âge de 16 ans pour avoir caché une dissidente de 19 ans, retrouvée chez elle puis exécutée.

Un régime qui "tue ses enfants" et "viole sa jeunesse"

Dans une tribune publiée en janvier dans Le Monde, elle appelait l'Occident à ne plus s'adresser aux dirigeants du régime iranien, qui "tue ses enfants" et "viole sa jeunesse" pour "mater la révolte", depuis la mort en septembre de Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique.

Dans La Sirène, une jeune femme retire son foulard pour soigner un blessé, suscitant la crainte d'Omid. Une scène imaginée bien avant les événements auxquels elle fait écho. "Les cheveux deviennent une arme qui peut faire paniquer, c'est ce qu'il se passe aujourd'hui en Iran. Les femmes résistent en retirant le foulard, (...) en dansant contre des balles réelles". "C'est un hasard touchant qu'on ait écrit ça". Cela montre qu'il "y a une continuité dans cette résistance", qui s'est manifestée par vagues successives depuis 1979 face à "un régime monstrueux". Sa chute "prend du temps" mais la répression actuelle montre qu'"il est aux abois", croit la cinéaste.

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