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Vingt ans après les faits, une série documentaire exceptionnelle sur l'affaire d'Outreau diffusée sur France 2

Douze enfants victimes d’agressions sexuelles, quatre adultes reconnus coupables et treize personnes innocentées après trois ans de prison : l’affaire d’Outreau est l'un des plus grands fiascos judiciaires de ces dernières décennies. France 2 revient sur ce dossier qui a ébranlé la justice française dans une série en quatre épisodes diffusée les 17 et 24 janvier.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
"L'Affaire d'Outreau", série diffusée les 17 et 24 janvier 2023 à 21h10 sur France 2. (France 2 / A. Vernet)

L'affaire de viols d'enfants d'Outreau, qui avait abouti à de longues incarcérations pour des innocents, est reconstituée dans un docufiction diffusé à partir de mardi sur France 2, qui sollicite nombre d'acteurs de cette catastrophe judiciaire. En quatre épisodes de 50 minutes, L'Affaire d'Outreau retrace les faits, 20 ans plus tard. Principalement avec des acteurs ressemblant beaucoup aux hommes et aux femmes entraînées dans ce fiasco des juges.

Sur dix-sept accusés jugés en première instance en 2004, originaires d'Outreau (Pas-de-Calais) et de ses environs, la justice ne retiendra finalement que quatre coupables de viols à l'issue du procès en appel en 2005.

Doc "L'Affaire d'Outreau" sur France 2
Doc "L'Affaire d'Outreau" sur France 2 Doc "L'Affaire d'Outreau" sur France 2 (FTR)

Par quel engrenage une affaire d'inceste a-t-elle pris ces proportions? Comment l'ont vécue ceux qui ont été écroués avant de même comprendre pourquoi on les mettait en cause ? Le documentaire tente de répondre à ces questions.

Avec ce dossier où sont évoqués de soi-disant tournages de films pédocriminels et zoophiles, et le meurtre d'une enfant qui n'a jamais existé, "on peut faire quelque chose de spectaculaire, expliquait lors de la projection à la presse le coréalisateur Olivier Ayache-Vidal. L'enjeu, c'était de rester digne, de rester sobre. Surtout pas de pathos, ne pas s'apitoyer"

"Affaire du siècle"

Il a assez peu recours aux archives. Et l'un des grands personnages de ce procès, l'actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, avocat de la défense à l'époque, ne fait par exemple qu'une apparition furtive. Le ministre fait partie de ceux qui ont refusé de s'exprimer ou n'ont pas été sollicités, tout comme deux magistrats de Boulogne-sur-Mer au rôle déterminant : le juge d'instruction Fabrice Burgaud et le procureur Gérald Lesigne.

Le premier, âgé de la trentaine à l'époque de l'instruction (2001-2003), est aujourd'hui affecté à la Cour de cassation. "Monsieur Burgaud pensait tenir l'affaire du siècle, pensait tenir un réseau pédophile international. (...) Ce dossier l'obsédait", constate une avocate de la défense, Fabienne Roy-Nansion, pour expliquer son obstination.

"L'affaire d'Outreau, c'est l'affaire de Myriam Badaoui [une mère coupable de viols qui accuse une vingtaine de personnes] qui dit, qui accuse et que l'on croit", ajoute un de ses confrères, Julien Delarue.

Sidération

Le documentaire donne longuement la parole à trois autres magistrats, deux policiers dont un belge, huit avocats, deux journalistes de télévision, et surtout quatre acquittés. Ces derniers décrivent leur sidération d'être accusés de viols sur enfants. Aussi bien Dominique Wiel, prêtre ouvrier qui habitait le quartier où se sont déroulés les faits, que Thierry Dausque, qui connaissait le couple au centre de ces accusations, ou Daniel Legrand fils et Alain Marécaux, traînés dans cette affaire sans connaître aucun des protagonistes.

Autre témoin pour France 2 : l'un des enfants de Myriam Badaoui, Jonathan Delay, six ans à l'époque. Il détaille sa vision sur cette affaire où se succèdent les interrogatoires, et son amertume, à la fin, de passer pour un "menteur" parce qu'il n'a pas contredit les accusations lancées par sa mère. "La question que je me suis posée très tôt, c'est : pourquoi vingt ans plus tard aller solliciter ces gens, qu'est-ce qu'on allait leur apporter ?, a fait valoir la co-autrice du film, Agnès Pizzini. Ils nous donnent beaucoup et il fallait qu'ils trouvent leur compte".

Certains pleurent face à la caméra, pas encore remis des mois d'incarcération. Mais tous donnent leurs conseils, en plateau, aux acteurs qui les incarnent, ou confient un goût de vivre retrouvé. "L'avocat général, je ne sais pas pourquoi, je l'aimais bien. J'aurais même pu discuter avec, aller boire un coup avec", avoue Thierry Dausque en repensant à son procès en appel, où son innocence a enfin été reconnue.

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