Tribune de soutien à Gérard Depardieu : "Il y a une génération qui ne comprend toujours pas cette évolution sociétale", pointe la vice-présidente de MeToo Media

Une tribune, signée par une cinquantaine d'artistes, prend la défense de l'acteur accusé d'agressions sexuelles et de viol. Murielle Reus, vice-présidente de MeToo Media, a critiqué cette prise de position, mardi sur franceinfo.
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Gerard Depardieu, à Marseille, le 18 février 2018. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

"Il y a une génération qui ne comprend toujours pas cette évolution sociétale", a réagi Murielle Reus, vice-présidente de MeToo Media, une association qui lutte contre les violences sexuelles au sein des médias, mardi 26 décembre sur franceinfo. Une tribune, signée par une cinquantaine d'artistes et publiée mardi dans le Figaro, dénonce le "lynchage" ciblant Gérard Depardieu. La militante féministe constate que "cette tribune n'est pas signée par la nouvelle génération". Parmi les signataires de cette tribune, les acteurs Pierre Richard, Nathalie Baye, Carla Bruni ou les réalisateurs Bertrand Blier, Nadine Trintignant et Francis Veber.

Emmanuel Macron a également soutenu sur France 5 l'acteur français pourtant accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles et de viol. "À chaque fois qu'il s'exprime sur ces sujets-là", le président de la République "se place du côté des puissants", fait-elle remarquer. Selon Murielle Reus, "il y a une spécificité française" et "une forme de respect de cette puissance qu'incarnent certains hommes".

Franceinfo : Comment avez-vous réagi après avoir lu la tribune ?

Murielle Reus, vice-présidente de MeToo Media : On est face à une évolution sociétale très forte sur les violences sexuelles et sexistes, un peu à l'instar de ce qui s'est passé sur les violences conjugales et sur les féminicides. Il y a une génération qui ne comprend toujours pas cette évolution sociétale. Je constate que cette tribune n'est pas signée par la nouvelle génération. On a reçu énormément de soutien aux victimes et énormément de soutien de cette génération aujourd'hui, qui a parfaitement intégré cette évolution sociétale et qui ne comprend pas qu'on puisse encore défendre un homme qui tient des propos pareils. Des propos totalement inconcevables, irrespectueux et même passibles de sanctions pénales s'il devait être jugé en France.

Les signataires disent qu'il y a un mépris de la présomption d'innocence.

Je ne vois pas ce qui autorise les signataires de cette tribune à dire cela. Ce que je constate, c'est qu'il n'y a pas un mot pour les treize femmes victimes qui ont témoigné dans Complément d'enquête et qui ont témoigné devant la justice. Ce Complément d'enquête a été produit par France Télévisions. On ne peut pas accuser France Télévisions de faire n'importe quoi. Les séquences qui sont accusées d'avoir été détournées ont été validées par huissier. Qu'est-ce qu'il faut faire de plus ?

Ces propos sont dits face caméra, par un homme qui a parfaitement conscience qu'il est filmé en permanence. Il est d'ailleurs parti en Corée du Nord pour cette raison. Je ne comprends pas les mots qui sont utilisés dans cette tribune. Je comprends qu'on puisse défendre les talents de comédien de Gérard Depardieu, que nous ne remettons absolument pas en cause.

Ce que l'on remet en cause, c'est sa posture, ce sont ses propos et c'est son déni pour les victimes.

Murielle Reus, vice-présidente de MeToo Media

Une tribune publiée après le soutien affiché d'Emmanuel Macron, qui a lui aussi mis en avant la présomption d'innocence...

Emmanuel Macron, à chaque fois qu'il s'exprime sur ces sujets-là, après avoir proclamé grande cause nationale durant deux mandatures la lutte contre les violences faites aux femmes, il se place du côté des puissants. C'est quand même très intéressant comme posture. On ne peut pas vouloir défendre une posture d'écoute et de progrès sociétal et en même temps se placer systématiquement du côté des puissants, quand ces puissants agressent des femmes ou tiennent des propos inconcevables.

Est-ce qu'il y a une spécificité française ?

Oui, il y a une spécificité française. On est en relation avec des gens à peu près partout dans le monde où ces questions-là sont traitées. Au Canada, ces questions-là ne se posent pas non plus. Il y a en France un respect de la puissance, ce que l'on a du mal à comprendre, de cette forme d'autorité d'hommes puissants sur des femmes qui le sont moins.

Depardieu ne s'est pas attaqué à des comédiennes très connues sur les tournages. C'est pour ça qu'elles disent qu'elles n'ont rien à lui reprocher. En revanche, quand on interroge des techniciens, toutes les équipes de tournage ou quand elles viennent nous parler, on constate qu'elles sont en situation d'infériorité sur les tournages, comme PPDA avec de jeunes journalistes ou des jeunes autrices. Il y a comme une forme de respect de cette haute autorité, de cette puissance qu'incarnent certains hommes.

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