Affaire Depardieu : "Qu'un président de la République vole à ce point à la défense de Gérard Depardieu, ça me choque", dénonce l'avocate Michelle Dayan

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Article rédigé par franceinfo
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"La présomption d'innocence ne doit pas servir de prétexte à ne pas écouter des femmes qui se disent victimes de violences", estime Michelle Dayan, présidente de l'association Lawyers For Women, jeudi 21 décembre sur franceinfo.

"Il y a surtout une chasse à la femme dans les propos de Gérard Depardieu et pas une chasse à l'homme", a répliqué jeudi 21 décembre sur franceinfo Michelle Dayan, avocate et présidente de l'association Lawyers For Women, qui lutte contre les violences faites aux femmes. Lors de son intervention télévisée mercredi soir, Emmanuel Macron s'est présenté comme un "admirateur" de l'acteur Gérard Depardieu accusé de viol et a dénoncé "une chasse à l'homme" contre lui.

"Les mots sont utilisés à dessein pour parler aux hommes, aux hommes virils", assure l'avocate. Des propos obscènes à l’égard des femmes, lors d’un voyage en Corée du Nord, diffusés dans le magazine "Complément d’Enquête", font polémique depuis quelques jours. Des proches ont pris la défense de l'acteur, mais "qu'un président de la République vole à ce point à la défense de Gérard Depardieu, ça me choque", a déclaré Michelle Dayan.

franceinfo : l'expression "chasse à l'homme" vous heurte ?

Michelle Dayan : Je ne peux pas imaginer qu'un président de la République, et en particulier Emmanuel Macron, ne choisisse pas ses mots "chasse à l'homme". Il y a surtout une chasse à la femme, en tout cas dans les propos de Gérard Depardieu, et pas une chasse à l'homme. Les mots sont utilisés à dessein pour parler aux hommes, aux hommes virils, et il y en a encore beaucoup, et des femmes aussi, qui vous disent que finalement ces propos, ce n'est pas si grave, que c'est drôle, que finalement Gégé, il est comme ça. C'est une façon de raconter quelque chose de notre société.

Emmanuel Macron parle de la présomption d'innocence. Il estime que c'est d'abord à la justice de se prononcer avant, éventuellement, de retirer la Légion d'honneur de Gérard Depardieu. En tant qu'avocate, vous êtes sensible à cet argument ?

En tant qu'avocate et citoyenne française, je suis extrêmement attachée à la présomption d'innocence qui est une valeur cardinale de notre État de droit. Mais la présomption d'innocence ne doit pas servir de prétexte à ne pas écouter des femmes qui se disent victimes de violences. Elle ne doit pas s'opposer à ce que j'appelle un crédit de véracité de celle qui parle. Je crois que c'est important, c'est une valeur trop importante pour la dévoyer ainsi. D'autant qu'en l'occurrence, si l'on parle notamment de cette caméra cachée dans l'émission "Complément d'enquête", il n'y a pas de sujet de présomption d'innocence parce que, hélas ou pas, il n'y a pas véritablement d'infractions pénales. Il n'y a pas de contexte non plus, parce que c'est assez clair, ce qui est dit.

"Je suis un admirateur de Gérard Depardieu. Je le dis en tant que président de la République et en tant que citoyen, il rend fière la France", a déclaré Emmanuel Macron. Ce sont des paroles difficiles à entendre pour vous ?

On va revenir à l'origine de ce deuxième quinquennat : la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause nationale. Sauf que les violences faites aux femmes, elles commencent là, elles ne commencent pas dans les commissariats. Elles ne commencent pas dans les tribunaux correctionnels. Elles commencent à cet endroit-là, elles commencent dans l'image qu'on a de la femme. Lorsqu'on réduit la femme non pas à son corps, mais à ses organes génitaux comme le fait Gérard Depardieu, que l'homme ait besoin d'exprimer une libido débordante en se moquant éperdument du consentement de la femme, elle commence là, la lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous accusez à demi-mot le président de la République de participer à une sorte de continuum entre les mots et les agressions ?

Moi je n’accuse personne et pas particulièrement le président de la République. En revanche, la violence commence dans les propos de Gérard Depardieu et elle commence dans ceux qui volent à son soutien comme il y a quelques années de nombreux intellectuels ont volé au soutien de Dominique Strauss Khan, sans accorder une seconde une crédibilité, une véracité à la parole d'une femme de chambre. Qu'un président de la République, il a certainement ses raisons car il ne fait rien par hasard, vole à ce point à la défense de Gérard Depardieu, ça me choque.

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