Affaire Depardieu : la parole est à la défense
Samedi, l'humoriste Gad Elmaleh et l'animateur Arthur ont manifesté leur soutien à l'acteur.
Touche pas à mon Gégé. Depuis l'annonce de son départ pour Néchin, en Belgique, en raison d'une fiscalité française qu'il estime trop lourde, et de la restitution de son passeport français, Gérard Depardieu a fait l'objet de vives critiques. Mais l'acteur peut compter sur de nombreux soutiens, dont les rangs grossissent de jour en jour. Samedi 22 décembre, ce sont l'humoriste Gad Elmaleh et l'animateur Arthur qui se sont manifestés en sa faveur.
Francetv info appelle la défense à la barre et détaille les arguments sur lesquels elle s'appuie.
Le respect pour le mythe : "Tout le monde l'aime"
Sur ce point, (presque) tout le monde s'accorde. Même les critiques les plus virulentes, émanant notamment de l'aile gauche de la classe politique, gouvernement en tête, n'osent pas s'aventurer à remettre en question l'aura de Gérard Depardieu. "C'est une grande star. Tout le monde l'aime, comme artiste", a commencé le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lorsqu'il a affirmé dès le 13 décembre que le comportement de l'acteur ("se mettre juste de l'autre côté de la frontière") était "assez minable".
Attaqué en retour par le comédien, auteur d'une lettre ouverte incendiaire dans Le Journal du Dimanche, le Premier ministre a appris qu'être chef du gouvernement ne donnait pas le droit de s'en prendre à "notre Gégé national". "Qui êtes-vous pour me juger ainsi, je vous le demande M. Ayrault, Premier ministre de M. Hollande, je vous le demande, qui êtes-vous ?" a alors lancé l'acteur parmi les mieux payés du cinéma hexagonal. "Paris a son obélisque, la France doit respecter son Obélix", a renchéri le député UMP Edouard Courtial. Depardieu, c'est le patrimoine. La consigne : on n'abîme les monuments.
Le respect pour l'artiste : "Un grand talent"
Comment, dès lors, déplorer le choix fiscal de Gérard Depardieu sans égratigner le mythe ? Invité à réagir sur ce point vendredi sur Europe 1, François Hollande a trouvé la parade. Il n'a guère prononcé son nom. Interrogé sur l'exil fiscal, il a évoqué la situation d'"un certain nombre de catégories qui ont pourtant grand talent et grande réussite." Soit "un numéro d'équilibriste", entre "le blâme et la cajolerie", note Le Lab d'Europe 1.
L'immunité conférée à Gérard Depardieu pour son talent s'est aussi exprimée au sein de la communauté du spectacle. Ainsi, quand l'acteur Philippe Torreton a signé mardi une tribune à charge dans le journal Libération, il est aussitôt renvoyé dans les cordes. Gad Elmaleh en perd son humour sur Twitter, samedi :
Philippe Torreton.C'est pas en tapant sur les grands qu'on rentre dans leur cour.Je comprends ton mal de notoriété.mais tu es si petit...
— Gad Elmaleh (@gadelmaleh) December 22, 2012
L'animateur Arthur, sur un ton moins virulent, tweete également :
Week-end de Noel à Londres, ici tout le monde connait G.Depardieu personne ne connait P.Torreton. Un peu Comme en France...
— Arthur (@Arthur_Officiel) Décembre 22, 2012
"Quand on attaque Depardieu, il faut avoir une filmographie solide", a souligné de son côté le comédien Fabrice Lucchini à Sud Ouest.fr. "C'est suicidaire de se confronter à un monument de cinéma, a-t-il poursuivi, avant de lâcher : Depardieu, c'est un ami. Et je ne juge pas mes amis." La grande famille du cinéma...
L'indulgence pour le personnage : "C'est un homme vacillant"
C'est le stratégie de défense adoptée par Catherine Deneuve. La prestigieuse comédienne a interpellé Philippe Torreton : "C’est un homme vacillant que vous attaquez. Il ne donne en pâture que lui-même, une fuite en avant sans doute, des désirs matériels qui ne seront jamais assouvis et toutes ses activités qui doivent noyer son chagrin", a-t-elle écrit, vendredi, dans Libération.
Eludant la question fiscale, Catherine Deneuve a défendu un homme qu'elle présente dans la tourmente : "Ma colère est née de vos jugements à l’emporte-pièce : 'son pinard', 'ses douze téléphones'", a-t-elle cité, demandant le respect pour un Gérard Depardieu à l'image déjà écornée par ses dernières frasques. Et de défendre "l'acteur immense", face à "la vindicte salissante".
Pour certain, ce procès fait à l'acteur apparaît disproportionné à l'égard des précédentes polémiques sur l'exil fiscal. Sur i-Télé vendredi, le numéro 2 du Front national, Louis Aliot, a ainsi noté que "Depardieu [avait] pris pour tout le monde, alors que pour Yannick Noah, il y a eu grand silence." Persécution ?
L'argument historique : "On cherche à recréer quelque chose qui s'apparente à 1789"
L'argument, signé Catherine Deneuve ("qu'auriez-vous fait en 1789 ? Mon corps en tremble encore !" a écrit l'actrice dans sa lettre à Torreton), a été repris par Laurence Parisot, la patronne du Medef, reçue vendredi matin sur le plateau d'Europe 1. "En ce moment, on est en train de dire : 'Vous, M. Gérard Depardieu, vous êtes indigne d'être Français, vous M. le cadre dirigeant vous l'êtes également'. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ça veut dire qu'on est en train de recréer un climat de guerre civile ?" s'inquiète-t-elle, invoquant l'histoire.
Interpellé sur Twitter par un journaliste du Monde, elle a précisé vendredi matin le sens de cette analogie.
@jbchastand Ce n'est pas 1789 en tant que tel, mais 1789 qui allait conduire à 1792, puis à "la République n'a pas besoin de savants". 1/2
— Laurence Parisot (@LaurenceParisot) December 21, 2012
L'empathie pour l'exilé : "Comprenez-vous sa décision ?" "Oui"
"Vous savez que Gérard Depardieu a quitté la France pour la Belgique où il paiera moins d'impôts, comprenez-vous sa décision ?" A cette question, posée par l'institut de sondage Ifop pour Le Figaro, 40% des Français ont répondu "oui". Si 35% des personnes interrogées se disent "choquées" par le motif financier de ce déménagement, ils sont aussi 54% à trouver "compréhensible" que les plus fortunés quittent le pays, une idée surtout répandue chez les sympathisants de droite, les plus jeunes et les foyers disposant de plus de 2 300 euros par mois de revenus, indique Le Figaro.
"Ces chiffres montrent une forme de solidarité des classes moyennes supérieures avec les plus riches pour protester contre une fiscalité jugée insupportable", analyse pour le quotidien Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop.
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