Face à l'urgence climatique, l'artiste béninois Romuald Hazoumé regrette "le manque de courage" des dirigeants de la planète
Connu pour ses oeuvres réalisées en matériaux de récupération, l'artiste béninois dénonce "l'hypocrisie" et "le déni" des dirigeants mondiaux alors que l'urgence climatique frappe déjà l'Afrique.
L'urgence climatique "est déjà une réalité en Afrique", assure l'artiste béninois Romuald Hazoumé. Connu mondialement pour ses masques réalisés à partir de bidons d'essence récupérés, il dénonce "l'hypocrisie" des dirigeants de la planète et regrette leur "manque de courage".
"Nos dirigeants ont le courage de prendre le pouvoir, mais ils n'ont pas le courage d'affronter les réalités", affirme l'artiste âgé de 59 ans à l'AFP, à l'approche de la COP26, qui se déroule à Glasgow (Écosse) à partir de dimanche. Il décrit les hommes et femmes politiques qui minimisent ou nient le réchauffement climatique comme "absolument irresponsables" et dans le "déni".
La montée des eaux est une réalité en Afrique
"En Afrique, il ne peut pas y avoir cette même hypocrisie, cette mauvaise foi, car la réalité (du réchauffement climatique) est déjà là", dit-il depuis le jardin luxuriant de sa maison de Cotonou, la capitale économique du Bénin. A quelques mètres de chez lui s'étend sur des kilomètres la plage de Fidjrossé, la "route des pêches", où la montée des eaux s'observe depuis plusieurs années.
"Le degré de température de l'eau et de l'air augmente. Quand on regarde sur nos côtes, on a plein d'algues qui ne s'échouaient pas avant ou d'autres au contraire qui sont grillées et qui ne résistent plus à cette chaleur", avance-t-il. "Au Bénin, nous sommes un pays d'eau et, chaque année, il y a des dégâts liés aux inondations (...) on ne peut pas continuer à aller droit dans le mur", souligne l'artiste.
Les pays du continent africain sont particulièrement vulnérables au changement climatique qui a contribué en 2020 à aggraver l'insécurité alimentaire, la pauvreté et les déplacement de population, selon un rapport de l'ONU publié mardi. Si rien ne change, jusqu'à 118 millions de personnes extrêmement pauvres seront d'ici 2030 exposées à la sécheresse, aux inondations et aux chaleurs extrêmes sur le continent, selon ce même rapport.
Il dénonce les gros pollueurs et garde espoir
"Ça va nous revenir à la gueule", insiste Romuald Hazoumé. "Avec la montée des eaux, il y a des îles et des pays qui vont disparaître. Il y a des populations qui vont être effacées de la Terre". "On n'a pas le choix, ça sera une question de survie", lance-t-il.
D'habitude très critique envers les gouvernants, Romuald Hazoumé, qui utilise depuis les années 1980 les déchets comme matériaux de récupération, dit garder espoir. Il salue par exemple la gestion faite depuis cinq ans des déchets dans les grandes villes béninoises. "Les routes sont nettoyées chaque nuit et il n'y a plus d'ordures qui bouchent les caniveaux, cela me donne espoir", dit-il. "Nous pouvons y arriver, il faut de la volonté, les pays africains peuvent y arriver, et ne pas se positionner toujours comme des victimes".
Il y a cinq ans, l'artiste a participé à la COP22 qui se déroulait à Marrakech au Maroc : "J'étais tellement en colère quand je voyais ce qu'il se passait, les gros pollueurs qui donnaient des leçons à des petits pays", se souvient-il. "Combien d'usines avons-nous dans nos petits pays ? Les vrais pollueurs, on les connaît", insiste-t-il en citant "les grandes industries comme la Chine".
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