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Une monographie de FLORE en librairie : une artiste à la photographie mélancolique et marquée par le passé

FLORE est une photographe à part. Parfois les adjectifs de littéraire et picturale sont associés à ses images. Dans cet ouvrage mêlant entretien avec Christian Caujolle, journaliste et photographe, et archives personnelles, le lecteur pénètre dans cet univers teinté de voyages, de souvenirs et de poésie.
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
LE SINGE D'ÉMILIE PASCAL.. Extrait de l'ouvrage "FLORE, Conversation avec Christian Caujolle" ((c) FLORE, courtesy galerie Clémentine de la Féronnière)

FLORE est photographe, une artiste qui a exposé dans le monde entier, sur les cimaises de nombreuses galeries et dans les foires d'art. Elle fut en 2020 lauréate du Prix Nadar. À l'occasion d'une rétrospective de son œuvre à la Villa Tamaris de la Seyne-sur-Mer, un ouvrage revient sur sa carrière. Elle s'entretient en toute liberté avec Christian Caujolle, spécialiste de la photographie à qui l'on doit de très belles rencontres, avec entre autres, Raymond Depardon et Paolo Roversi.

FLORE a dit un jour : "Le monde est aujourd'hui très petit, on peut voyager dans le monde facilement. Par contre voyager dans le temps, c'est mystérieux. La photographie permet de voyager dans le temps et de faire des images qui auraient pu être prises dans un temps antérieur.".

Photographie extraite de "L’odeur de la nuit était celle du jasmin" Ouvrage dedié à une Indochine mythifiée ((c) FLORE, courtesy galerie Clémentine de la Féronnière)

La photographie, une histoire de famille

Pour FLORE, la photo est une histoire de famille. Sa mère était une artiste pour qui aucun médium n'était interdit. Sauf la photographie. Sa fille en fera sa passion. Du côté du paternel, elle l'accompagne à huit ans dans son labo amateur dans une salle de classe. Premier tirage, première magie du développement. Et elle se souvient du papier sur lequel se dévoilent les contours d'un cliché qui apparaît aux yeux d'une enfant. Quand son père quitte la famille, c'est une blessure, mais la photographie demeure. "Quand tout s'est effondré, j’ai dû conserver ça comme lien". Ses grands-parents vivaient en Indochine (actuellement le Cambodge, le Laos et le Vietnam), nous allons voir qu’eux aussi imprègnent son œuvre.

Mon premier tirage était une branche de cerisier. Je l'ai encore. Et on retrouve le même motif, vingt-cinq ans après, dans ma série "jardin secret" (...) D'une certaine manière, je n'ai pas tellement avancé.

FLORE

FLORE Conversation avec Christian Caujolle

Extrait de : L'odeur de la nuit etait le jasmin. Voyage au temps de Marguerite Duras ((c) FLORE, courtesy galerie Clémentine de la Féronnière)

Voyage en Durassie

Dans son œuvre, une auteure compte particulièrement. Flore est partie en quête de Marguerite Duras et la fréquente depuis longtemps. Ses grands-parents vivaient au Vietnam et elle a été nourrie par le récit de cette époque éloignée au temps et au monde. L'Indochine de Duras prend forme devant l'objectif de Flore. Paysages des rizières du Sud de la Cochinchine, bâtisses coloniales qui semblent abandonnées ou gravées dans le passé, jardins envahis par la brume du mystère. Mais ce ne sont pas des témoignages documentaires, ni des repérages du monde réel de Duras. FLORE cherche et offre des clichés qui racontent sa propre lecture de la romancière. Dans ces paysages, elle capte la moiteur, les senteurs, les mystères de la nuit et des rivières. Ce sont des fictions comme la littérature de Duras est une fiction. On parcourt la série dédiée à Duras comme on lirait un de ces romans. Dans cet entretien, elle dit : "Parfois, les gens me demandent pourquoi je travaille autour de Marguerite Duras. C'est simplement parce que cela me permet de la fréquenter (...). Elle, sa folie, son œuvre et cette liberté qu'elle avait."

Il me semble que ce qui est intéressant dans mon travail (...) autour de Marguerite Duras, ce ne sont pas tant les lieux dans lesquels les photos ont été faites (...) que de se servir de la photographie comme moyen de traverser le temps.

FLORE

FLORE, conversation avec Christian Caujolle

Maroc. Photographie extraites de MAROC, UN TEMPS SUSPENDU ((c) FLORE, courtesy galerie Clémentine de la Féronnière)

Tirages argentiques virés au thé et cirés

Le soin apporté aux tirages par FLORE et Adrian Claret (son compagnon et studio manager) est sa "marque de fabrique". Christian Caujolle parle "d'objets savants" en évoquant ces photographies. Feuilleter ce livre donne la sensation de parcourir une œuvre cohérente et à la fois diverse dans sa forme. Noir et blanc, couleur, Polaroid, chlorobromure ou héliogravure, chaque image a son grain, son teint. FLORE parle de "couleurs fausses". Les lumières du Maroc ou les rives du Mekong prennent une forme vaporeuse qui entraîne vers la mélancolie du souvenir. Cette inventivité des choix de tirages n'est pas une gratuité esthétique mais une écriture du récit.

Je pense que le tirage parle surtout de ce que l'on est malgré soi.

FLORE

Conversation avec Christian Caujolle

Couverture de FLORE. Conversation avec Christian Caujolle. Edition Maison CF ((c) FLORE, courtesy galerie Clémentine de la Féronnière)

"FLORE Conversation avec Christian Caujolle". Édition Maison CF. Ces conversations ont eu lieu à Paris et à Phnom Penh entre septembre et décembre 2022. 

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