La photographe germano-américaine Evelyn Hofer expose son New York à Guingamp
Contemporaine de William Klein et de Robert Frank, la photographe Evelyn Hofer s'installe durant l'après guerre à New York : une ville qu'elle immortalisera par d'innombrables portraits. 55 de ses clichés pris entre 1950 et 1970 sont exposés jusque mi-octobre à Guingamp, en Bretagne.
Trois femmes noires souriantes sortant d'une église pentecôtiste à Harlem, un policier blanc en tenue d'hiver posant dans la 59e rue devant une immense publicité pour une boisson avec le slogan "Enjoy life" ("profiter de la vie"), ou encore un jeune homme noir sur sa bicyclette fixant l'objectif avec le Queensboro Bridge en toile de fond : voilà le genre de photos exposées au Centre d’Art GwinZegal de Guingamp. Au total, ce sont 55 oeuvres de la photographe germano-américaine Evelyn Hofer (1922-2009), réalisées entre les années 1950 et 1970, qui sont dévoilées au public jusqu’au 16 octobre 2022.
"Une photographe qu'on n'a pas vue en France, c'est important de la faire découvrir !", s'exclame Jérôme Sother, co-directeur du Centre d'Art Gwin Zegal, en présentant cette artiste méconnue, très exigeante techniquement et "précurseure en matière d'utilisation de la couleur".
Fidèle à la chambre photographique
Comme ses contemporains William Klein et de Robert Frank, elle travaille pendant un temps, à ses débuts, pour l'univers de la mode, notamment pour les magazines Harper's Bazaar et Vogue. "Mais le monde de la mode ne l'intéressait pas trop", note Jérôme Sother.
Techniquement, quand Klein et Frank font le choix de l'appareil Leica, beaucoup plus maniable pour saisir les foules ou les visages à la volée, Evelyn Hofer reste fidèle à la chambre photographique. Travailler ainsi, "ça prend du temps. Il faut ouvrir sa valise, monter son trépied, faire votre composition... Cette lenteur, elle devait l'aimer", considère le co-directeur de Gwin Zegal. "Elle a photographié jusqu'en 1997 et jusqu'à la fin, elle a travaillé à la chambre", souligne-t-il.
Autre énorme différence : contrairement au Leica, impossible de prendre des photos à la sauvette avec la chambre. Chaque photo est négociée et "exige une vraie relation avec le modèle (...) C'est l'époque de la lutte pour les droits civiques. Elle va dans le Bronx, à Harlem, une femme blanche dans ces quartiers, je ne sais pas si c'était très habituel", s'interroge Jérôme Sother.
"Un New York à l'échelle humaine"
Sans renoncer pour autant au noir et blanc, elle introduit rapidement la couleur, "réservée jusqu'alors à la publicité ou à la mode et exclue du champ des arts". Elle le fait bien avant William Eggleston, né en 1939 et considéré comme précurseur en matière d'introduction de la couleur dans le domaine artistique, ou avant Stephen Shore, né en 1947 et jouissant de la même réputation.
Ce qu'elle montre, "ce n'est pas la carte postale de New York, mais la ville des petits commerces, des petites gens, c'est un New York à l'échelle humaine.(...) Elle photographie les gens simples, pas le monde des banquiers. Il y a une grande dignité dans tous les modèles", commente Jérôme Sother. "Sa force réside plutôt dans les portraits mais quand elle photographie des natures mortes ou des vues architecturales, elle le fait comme elle le ferait pour des humains, avec la même attention", insiste-t-il.
Photographe globe-trotteuse
Avec sa famille, Evelyn Hofer quitte l'Allemagne lors de la montée du nazisme. D'abord pour la Suisse, où elle apprend la photographie, puis l'Espagne. L'arrivée au pouvoir de Franco pousse la famille cette fois de l'autre côté de l'Atlantique, au Mexique. Quelques années plus tard, à 24 ans, elle part seule s'installer à New York où elle passera la plus grande partie de sa vie. Souvent, dans le cadre de commandes, elle a aussi parcouru le Liban, Istanbul, Dublin ou le Pays Basque des deux côtés de la frontière.
Evelyn Hofer a également saisi de nombreux artistes : Sonia Delaunay, Richard Lindner, Andy Warhol (1963), Balthus (1989). Ou parfois, tout simplement, leur cadre de vie ou une évocation comme avec Frida Kahlo, Diego Rivera ou Marlene Dietrich.
New York, jusqu'au 16 octobre 2022 au centre d’art GwinZegal de Guingamp, rue Auguste-Pavie. Du mercredi au dimanche, de 14 heures à 18h30. Entrée gratuite.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.