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A Ornans, le musée Courbet se penche sur "le sens profond du blanc" selon le peintre Jean Ricardon

A Ornans, le musée Gustave Courbet rend hommage à un autre enfant du pays, le peintre Jean Ricardon, artiste absolu qui avait renoncé à la couleur, faisant du blanc sa signature. A découvrir jusqu'au 26 mars 2023.
Article rédigé par Sophie Granel
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'apparition du blanc dans l'oeuvre de Jean Ricardon, à ses débuts dans ces paysages enneigés du Jura. (E. Debief / France 3 Franche-Comté)

Des paysages enneigés de son Jura natal à l'abstraction immaculée de ses dernières œuvres. C'est à un voyage à travers le travail singulier et sans concession de Jean Ricardon que nous invite le musée Gustave Courbet d'Ornans. Resté dans l'ombre des Mondrian et des Malevitch auxquels on compare souvent son œuvre, cet artiste passionné mais de nature réservée, a consacré toute sa vie à l'exploration du blanc comme "matériau-matière".

Expo Jean Ricardon à Ornans
Expo Jean Ricardon à Ornans Expo Jean Ricardon à Ornans (France 3 Franche-Comté / C. Ziri / E. Debief / C. Theodore)

Un talent précoce né dans la noirceur de la guerre. Jean Ricardon n'a que 14 ans lorsque son père, peintre et décorateur à Morez dans le Jura, l'inscrit à l'école de peinture décorative de Reims. Nous sommes en 1938, la guerre menace et face au risque de mobilisation des hommes adultes, l'adolescent doit être capable de prendre les rênes de l'entreprise familiale. En 1939, il décroche le titre de Meilleur ouvrier de France ce qui fait de lui l'un des plus jeunes lauréats de l'histoire du concours. Après les Beaux-Arts à Paris et plusieurs prix prestigieux (Prix Paul Chenavard en 1947, 2e place du Prix de Rome en 1948, Prix Rocheron en 1951), Jean Ricardon prend une décision radicale. A la fin des années 40, il renonce à la couleur pour le noir et surtout, le blanc avec lequel il entretiendra une relation quasi amoureuse jusqu'à la fin de ses jours.

Je détruisais la couleur mais j'ajoutais un matériau juste que je choisissais. C'est une équivalence.

Jean Ricardon

lors d'une rétrospective en 2001 au Musée des Beaux-arts de Besançon

En 2001, lors d'une rétrospective qui lui est consacrée au Musée des Beaux-arts de Besançon, Jean Ricardon revient sur ce choix radical qui a conditionné toute son œuvre : "Comme j'étais limité à l'étude d'un matériau qui pourrait être suffisant, à ce moment là, la couleur n'avait plus tellement de sens", expliquait-il à l'époque. "Le matériau devait la suppléer. Je faisais un troc, si vous voulez." Un troc, une équivalence qui lui vaut l'admiration de ses contemporains au premier rang desquels le peintre et critique d'art Michel Seuphor qui le qualifie d'"homme à la discipline sévère et nerveuse" et qui invente à son propos l'expression "le sens profond du blanc", titre de l'exposition au musée Courbet.

L'un des 47 vitraux imaginés par Jean Ricardon pour l'abbaye d'Acey  dans le Jura. (BRINGARD DENIS / HEMIS.FR)

Parmi les œuvres exposées, beaucoup de toiles, mais aussi des dessins préparatoires et des maquettes qui rappellent l'un des plus grands projets menés à bien par Jean Ricardon : la création en 1991 de 47 vitraux pour l'abbaye d'Acey dans le Jura. Pierre-Alain Parot , le maître verrier qui a travaillé en collaboration avec l'artiste, se souvient d'un moment de "pure respiration et d'ouverture" avec l'artiste.

Des œuvres "en dialogue" avec d'autres artistes

Autre temps fort de cette exposition, le dialogue artistique instauré par le musée avec les oeuvres d'autres peintres. Ainsi Jean Ricardon, théoricien du blanc, cotoie-t-il Pierre Soulages, grand maître du noir. Jean Degottex, Aurelie Nemours ou encore François Morellet, figures majeures de l'abstraction sont également présents dans l'expo. Mais la rencontre artistique la plus émouvante est sûrement celle que le musée a mise en scène avec le maître des lieux, Gustave Courbet.

L'oeuvre inachevée de Jean Ricardon (à droite) répond à "L'enterrement à Ornans"  (au fond à gauche) de Gustave Courbet. (Musée départemental Gustave Courbet)

A sa mort, en 2018 à l'âge de 94 ans, Pierre Ricardon travaillait sur une toile en hommage à L'enterrement à Ornans de Gustave Courbet. "C'est une oeuvre assez extraordinaire, une oeuvre ultime dans la carrière de Jean Ricardon", explique Benjamin Foudral, conservateur au musée Courbet. "Il fait la synthèse de toutes les réflexions qu'il a eues tout au long de sa carrière dans cette confrontation à Gustave Courbet". L'œuvre de 6 mètres de long (les mêmes dimensions que l'original), a été retrouvée inachevée dans l'atelier de l'artiste. On peut y voir les corrections, les "ratures" de l'artiste dans son processus créatif. Une dernière leçon posthume du maître du blanc.

"Jean Ricardon (1924-2018), le sens profond du blanc" au musée Gustave Courbet à Ornans jusqu'au 26 mars 2023. 

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