"Aux Beaux Carrés, travaux in situ" : l'artiste Daniel Buren revisite, avec légèreté et tout en couleurs, les espaces du Bon Marché
Daniel Buren est le neuvième artiste invité dans le cadre de la carte blanche de janvier que propose Le Bon Marché en hommage à son "mois du blanc", lancé en janvier 1872 par Aristide et Marguerite Boucicaut, fondateurs du Grand magasin.
Depuis 2016, Le Bon Marché met à l’honneur l’art contemporain en invitant des artistes d’envergure internationale comme Ai Weiwei, Joana Vasconcelos, Prune Nourry ou Subodh Gupta.
Célèbre pour ses bandes verticales alternativement blanches et colorées, l’artiste français reconnu sur la scène internationale explore la notion de travail in situ, une pratique artistique qui conçoit l’œuvre en fonction du site qui l’accueille et qui tend à le transformer.
Depuis ses débuts dans les années 1960, Daniel Buren – qui a réalisé des milliers d’interventions dans le monde, entre peinture, sculpture et architecture – révèle les particularités des lieux dans lesquels il travaille. Les expositions dans les musées, les galeries ou les espaces atypiques, comme ici, Le Bon Marché, alternent avec les commandes publiques. Il s’est rendu célèbre en 1986 avec son intervention controversée, classée aujourd’hui monument historique, Les Deux Plateaux (œuvre communément appelée "les colonnes de Buren"), dans la cour d’honneur du Palais Royal.
Avec l'exposition Aux Beaux Carrés, travaux in situ, c'est une promenade basée sur un jeu de formes, de mouvements, de couleurs et de lumières qui s'exprime ici. Visite guidée.
Inhabituellement en deux actes, l'exposition joue avec le carré inspiré par les carreaux des verrières du Bon Marché. Ce jeu de formes, de mouvements, de couleurs et de lumières, à très grande échelle – qui débute avec l'acte I du 9 janvier au 18 février – enchantera les amateurs de formes géométriques.
"Nous avons proposé une carte blanche à Daniel Buren en deux temps, une nouveauté pour Le Bon Marché", a expliqué Frédéric Bodenes, directeur artistique et image, à l’origine de cette idée. Pour la première fois, le Grand magasin décline son exposition annuelle en deux mouvements.
Après le premier acte en janvier, l'artiste imaginera une suite, un second acte du 29 juin au 15 août lors duquel il proposera de nouvelles pièces autour du carré. Pour enrichir le propos, un catalogue avec un entretien, entre Daniel Buren et la conservatrice et historienne de l’art moderne et contemporain Anne Baldassari, contextualise l’exposition en revenant sur des œuvres de Daniel Buren.
Dès l’extérieur du magasin, le ton est donné : les huit vitrines de la rue de Sèvres accueillent des damiers colorés, composés toujours par des carrés d’une cinquantaine de centimètres, rétroéclairés depuis l’intérieur. Ces carrés sont le fil rouge de toute l'exposition.
Au cœur du magasin, sous les deux verrières, l'artiste a composé sous chacune d'elles une œuvre réalisée à partir de plus d’un millier de carrés translucides colorés d’une cinquantaine de centimètres de côté : ils sont blancs pour la plus grande verrière, transparents et roses pour la plus petite. Ils se déploient verticalement pour former un damier en trois dimensions. Au fil des déambulations dans les étages du magasin, le visiteur a une vision nouvelle de l'œuvre : on peut, ainsi, admirer les effets de profondeur, notamment depuis le dessous de l’œuvre et se sentir alors happé par cette dernière.
En tournant autour des deux œuvres centrales, le visiteur constate que cet ensemble coloré semble à la fois léger, mais aussi dense, tant le regard se perd dans les profondeurs de ces superpositions. Le polycarbonate, très léger, fin et rigide, sur lequel l’artiste a collé des films colorés, offre un jeu de transparences renforcé par le travail de Madjid Hakimi, concepteur lumière spécialiste des opéras avec qui Daniel Buren a collaboré pour la scénographie du ballet Daphnis et Chloé créé par Benjamin Millepied sur l'œuvre de Ravel, à l’Opéra Bastille en 2014.
Les garde-corps de l’escalator conçu par Andrée Putman sont revêtus des iconiques bandes alternées verticales de 8,7 cm, ici blanches et noires, utilisées depuis 1965 par Daniel Buren. Ils séparent les œuvres proposées sous les deux verrières. "L’outil visuel permet à la fois de signaler l’irruption du travail dans un lieu X, de rattacher ce travail à une logique de production en renvoyant à d’autres interventions similaires (...) et enfin à interagir avec le lieu lui-même, ses fonctions, ses usages, ses qualités", explique l'artiste en évoquant ces bandes régulières.
Dans l'espace d'exposition du deuxième étage, changement d'ambiance. Après les teintes pastel du rez-de-chaussée, place à la couleur : les carrés, pleins ou évidés, se déploient à travers deux cabanes éclatées, l’une jaune très solaire et l’autre bleue mer du sud.
"Dans ces cabanes de panneaux transparents et translucides, le public pourra déambuler au moyen de passages. Les portes des cabanes seront explosées hors de leurs positions initiales et se trouveront collées sur les murs réfléchissants", souligne Daniel Buren. Les cabanes sont installées dans un espace recouvert de miroirs. Ici, perte de repères assurée, le visiteur qui déambule entre elles peut croire parcourir un labyrinthe. Le lieu est idéal pour des photos insolites. Bluffant et amusant !
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