Mort de Christo : "C'était profondément une œuvre politique", affirme le directeur du Centre Pompidou qui consacre une exposition au maître de l'empaquetage
"L'art est ainsi fait qu’il survit à ceux qui l'ont réalisé", rappelle Bernard Blistène qui espère voir un jour se réaliser le rêve du plasticien d'emballer l'Arc de Triomphe comme cela était prévu.
Hasard du calendrier, le Centre Pompidou consacre une exposition à Christo du 1er juillet au 19 octobre, alors que le maître de l’empaquetage vient de mourir à New York à l’âge de 84 ans. Bernard Blistène, directeur du Centre Pompidou, a salué lundi 1er juin sur franceinfo l’"œuvre profondément politique et engagée" de l’artiste d’origine bulgare et naturalisé américain. Il espère réaliser le rêve de Christo datant de 1962, celui d’emballer l’Arc de Triomphe, un projet reporté à cause de l’épidémie de coronavirus.
franceinfo : Christo a-t-il participé à cette exposition ?
Pleinement. Il était venu me voir. Nous avions discuté longuement du projet. Il y tenait par-dessus tout. Paris, c'était d'abord sa ville, celle où il avait trouvé la liberté. Paris, c'était le lieu où il avait rencontré Jeanne-Claude. Comme vous le savez, Christo et Jeanne-Claude ne faisaient qu’un. Nous avons travaillé également, bien sûr, sur l'empaquetage de l'Arc de Triomphe que nous avons dû reporter. Et je ne peux qu'espérer que tout cela se réalise. Je le souhaite ardemment. Christo disait toujours que ces projets devaient continuer. Il y a autour de lui une équipe extraordinaire. Sa famille. C'est un clan et ces gens-là mettront tout en œuvre bien évidemment, pour que ce rêve qu'ils avaient émis en 1962 soit une réalité.
Comment Christo et Jeanne-Claude travaillaient-ils ensemble ?
Je crois qu’ils rêvaient ensemble. Lui était la main et elle était, non pas les jambes, mais la personne par qui tout cela trouvait le moyen d'exister. L’aspect juridique, l’aspect technique qui fait que tous ces projets insensés, ces projets absolument démesurés devenaient réalités.
Des années et des années de conception pour quelques jours de visibilité seulement. Cela a été le cas du Pont-Neuf...
Oui, bien évidemment, sur les 50 projets dont il a rêvé, je crois que vingt et quelques ont été réalisés. Il disait que finalement, ce n'était pas loin du taux que les architectes eux-mêmes pouvaient espérer.
Christo se considérait non pas comme architecte, mais comme un architecte du paysage.
Bernard Blistène, directeur du Centre Pompidouà franceinfo
Paris, c'était autre chose. Paris, 84-85, c'était évidemment pour lui un rêve. Ce lieu mythique qu'était le Pont-Neuf. On connaît l'histoire, la polémique, les soutiens des uns et des autres et l'incroyable impact pendant deux semaines que cet empaquetage a pu avoir. Quiconque qui a franchi le Pont-Neuf depuis lors a le souvenir de ce que Christo a réalisé. Comment voulez-vous qu'une œuvre qui métamorphose à ce point le paysage et l'architecture puisse plaire à tout le monde ? Mais Christo ne cherchait pas nécessairement à plaire.
Il ne souhaitait pas non plus perturber les lieux sur lesquels il intervenait. C’était un art nomade ?
C’était probablement un rêve qui devenait parfois réalité. Mais c'était évidemment aussi l'inscription d'un travail dans le souvenir de ceux qui ont pu les voir. Et puis, c'était aussi très probablement toujours indécis pour dépasser le statut même de l'artiste et pour se confronter à d'autres réalités. C'était profondément une oeuvre politique. C'était profondément une œuvre engagée.
Quelle œuvre de Christo a votre préférence ?
Celle que nous ferons à Paris lorsque nous réaliserons, je l'espère, ce rêve de 1962, qui deviendrait réalité. L'art est ainsi fait qu’il survit à ceux qui l'ont réalisé et je veux être de ceux qui pensent que nous aurons à ce moment-là, ensemble, la possibilité de rendre hommage à Christo.
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