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Damas : des colombes en céramique dans le centre ville pour symboliser les années de guerre en Syrie

L'exposition a été pensée par une  enseignante à l'école des Beaux-Arts de Damas. 

Article rédigé par franceinfo Culture
France Télévisions - Rédaction Culture
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Installation artistique utilisant des colombes en céramique dans une ruelle du vieux Damas, dans le cadre d'une exposition intitulée "Il était une fois..." (LOUAI BESHARA / AFP)

Un beau matin, les habitants du vieux Damas ont vu à leur réveil quelque 15.000 colombes en céramique suspendues au détour des ruelles étroites de leur quartier, dans le cadre d'une exposition racontant les années de guerre en Syrie.

À l'initiative de cette installation d'art contemporain intitulée Il était une fois... une fenêtre, Bouthaina Al-Ali, enseignante à l'école des Beaux-Arts de Damas qui a invité plusieurs de ses élèves dans son projet.

"Je rêvais de décorer le centre de ma ville et de suspendre les colombes dans un endroit bondé pour que les gens les voient tous les jours, mais la guerre a tout changé et j'ai dû attendre tout ce temps pour accomplir mon rêve," raconte à l'AFP Bouthaina Al-Ali,  48 ans.

Installation artistique utilisant des colombes en céramique dans une ruelle du vieux Damas, dans le cadre d'une exposition intitulée "Il était une fois..." (LOUAI BESHARA / AFP)

Transformer la vieille ville

Malgré les difficultés, Bouthaina Al-Ali, qui a perdu deux membres de sa famille dans le conflit, a pu mener à bien son projet. "J'ai finalement proposé à mes élèves de prendre les colombes et de les suspendre comme ils veulent," a expliqué la quadragénaire, dans l'espoir que cela les encourage à développer leur imagination malgré leurs "souffrances".

Seize étudiants ont accroché des colombes blanches dans les cours de deux maisons traditionnelles, dont une galerie, dans le vieux Damas, ainsi que dans des ruelles étroites menant aux quartiers voisins. Les diverses oeuvres d'art présentées dans cette exposition ont "la tristesse" pour "dénominateur commun", selon Bouthaina Al-Ali.

Un évènement qui a transformé la vieille ville en endroit féérique, se félicite Samer Kozah, propriétaire d'une salle d'exposition accueillant aussi des oeuvres. Cette exposition "présentée en extérieur permet aux gens de passer d'une histoire à une autre", dit-il. 

A Damas, installation d'art contemporain "Il était une fois... une fenêtre", ménée par une professeur d'art plastique et seize étudiants de l'école des Beaux-Arts (LOUAI BESHARA / AFP)

"Ces colombes, c'est nous"

Avec son oeuvre Disparition permanente, Hammoud Radwan, 24 ans, expose des photos de ses amis contraints de quitter le pays à cause de la guerre, qui a causé la mort de 500.000 personnes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, une ONG. "Ces visages ne sont plus en Syrie et les colombes volant à leurs côtés expriment la dispersion," dit-il, montrant les photos. "En espérant que d'autres visages ne viendront pas s'ajouter", poursuit le jeune homme.

Dans une ruelle étroite, des assiettes attachées à des colombes suspendues s'entrechoquent, au-dessus d'une table en bois, parabole de l'épisode biblique de la Cène, dernier repas du Christ avant sa crucifixion.

"Ces colombes, c'est nous, elles représentent nos rêves, nos ambitions, nos droits, désacralisés", ajoute-t-il. "La table (vide) représente la nôtre et les assiettes vides ressemblent aux nôtres", explique son créateur, l'étudiant en arts Pierre Hamati, dans un pays où environ 60% de la population souffre d'insécurité alimentaire.

Dans le cadre du projet "Il était une fois... une fenêtre " oeuvre du  jeune artiste syrien Pierre Hamati (LOUAI BESHARA / AFP)

300 colombes porteuses d'espoir

Dans une autre oeuvre, 300 colombes sortent d'une maison abandonnée, "semblable aux maisons de certains Syriens", selon l'artiste Zeina Taatouh. Les colombes portent des messages écrits par des enfants, qui y racontent leurs rêves et leurs ambitions. Dans l'oeuvre de Ranim Al-Lahham et Hassan Al-Maghout, les colombes sont enfermées dans des cages.

Dans le cadre du projet "Il était une fois, une fenêtre... " oeuvre de Ranim Al-Lahham et Hassan Al-Maghout, (LOUAI BESHARA / AFP)

Quant à Gulnar Sraikhi, elle a choisi de suspendre les oiseaux par leurs pattes, exprimant "l'impuissance", du nom de son oeuvre. "Je n'imaginais pas la colombe voler, j'ai pensé la pendre par les pattes, comme nous face à la douleur et la fatigue, contre lesquelles nous ne pouvons rien", a déclaré la jeune femme à l'AFP.

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