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A la FIAC, les artistes africains sont de plus en plus présents

Les artistes africains, depuis trois ou quatre ans, arrivent à la FIAC. Mais ils ne veulent pas être rangés dans des cases nationales ou ethnographiques.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
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A gauche :  Amoako Boafo Monica, 2019 - A droite : Romuald Hazoumè, "Roulette béninoise" (A gauche : Courtesy of the Artist (Amoako Boafo) and Mariane Ibrahim - A droite © Romuald Hazoumè, ADAGP, 2009)

L'art africain s'invite chaque année un peu plus à la Foire internationale d'art contemporain (FIAC) de Paris, avec ses questions sur l'immigration, l'environnement, la mondialisation des échanges, en dialogue avec l'art américain et européen.

Pour la première fois, une galerie d'Afrique sub-saharienne fait son entrée à la FIAC : Cécile Fakhoury, après avoir ouvert des galeries en 2012 à Abidjan et 2018 à Dakar, et avoir participé à des foires spécialisées africaines, y "voit une suite logique des choses. Une participation au même titre que les autres, sans avoir le label Afrique", insiste-t-elle auprès de l'AFP.

Les galeries Selma Feriani (Tunis), Magnin-A -avec des artistes africains historiques comme les photographes maliens Seydou Keita et Malick Sidibé-, Mariane Ibrahim (Chicago) avec l'artiste ghanéen Amoako Boafo, Imane Farès (Paris), Templon (Paris)... La création contemporaine africaine est à l'honneur dans diverses galeries.

Ouattara Watts "Africa United", 2018  (courtesy of the artist and Galerie Cécile Fakhoury – Abidjan)

Une vague depuis trois ou quatre ans

"La vague africaine est arrivée depuis trois ou quatre ans", analyse Imane Farès, directrice énergique de la galerie éponyme, qui oeuvre "par passion et par choix" depuis dix ans à faire connaître les artistes d'Afrique et du Moyen-Orient.

Pour les exposants comme pour les artistes, ces derniers ne sont pas à ranger dans des cases nationales ou ethnographiques, mais ils engagent un dialogue entre générations et continents, notamment avec la culture afro-américaine et antillaise. Ainsi la galerie Fakhoury expose l'Ivoirien Ouattara Watts, célébrité qui a travaillé depuis trente ans à New York. "Un artiste à la lisière de plein de mondes, très incarné en Afrique mais recourant aux nouvelles technologies", souligne Cécile Fakhoury.

Anne-Claudie Coric, directrice de Templon, confirme "l'arrivée depuis trois quatre ans des artistes africains sur la scène internationale, en commençant par la photo. Les artistes africains viennent beaucoup en Europe, connaissent les foires, des musées se créent en Afrique. Tout cela participe d'une dynamique".

Emeka Ogboh, "Sufferhead Original (Paris Edition) #4 - Fragments du monument à la gloire de l’expansion coloniale française"  (© Emeka Ogboh, Courtesy de l'artiste et Galerie Imane Farès, Paris)

La question d'un monde globalisé

Cette galerie parisienne réputée expose une œuvre d'Omar Ba, maître sénégalais d'une peinture narrative foisonnante. "Son travail est une vraie réflexion politique sur la place de l'Afrique aujourd'hui. La problématique n'est plus celle de l'époque post-coloniale, mais du monde globalisé où les enjeux ne sont plus seulement politiques mais économiques et environnementaux". Des enjeux que "l'extrême jeunesse du continent n'est pas équipée pour comprendre". Le tableau d'Omar Ba exprime une identité divisée : un homme africain en costume cravate, caché dans un arbre à plumes, ancré dans la terre et jonglant avec des mappemondes dorées.

Cold Shower, fine oeuvre de broderie de Billie Zangewa, du Malawi, aussi chez Templon, est une réflexion sur la place des femmes africaines, montrant une femme qui prend une douche. "Billie sait ce que veut dire être artiste, mère, à la maison. Elle a renoncé à la peinture pour faire de la broderie. Elle travaille de longues semaines, telle Pénélope sur sa tapisserie", souligne Anne-Claudie Coric.

Chez Imane Fares est proposé un solo-show de l'artiste nigérian Emeka Ogboh d'Ogbo. Il a retravaillé une photo de la gare routière de Lagos comme un kaléidoscope, un vitrail abstrait. Une bande-son surimpose les bruits de klaxon avec des chants religieux. Une des oeuvres magistrales de cette 46e FIAC.

Romuald Hazoumè, "Zo Cooter"  (© Romuald Hazoumè, ADAGP, 2019)

Chéri Samba et Romuald Hazoumé chez Magnin-A

Dans ses photographies très colorées, imitant les pubs, dont l'une est exposée sur la façade du Grand Palais, Ogboh revisite notamment des lieux rappelant la colonisation à Paris : y plastronnent de jeunes Africains portant des tee-shirts où des phrases slogans restituent le débat autour de l'immigration en France : "c'est une ruée sauvage", "c'est pas nous qui allons en Afrique", etc...

Un duo d'artistes, le Béninois Romuald Hazoumè et Chéri Samba, de République démocratique du Congo, à la galerie Magnin-A, évoque le fléau des trafics, en se basant sur celui que font de jeunes Béninois, les "Kapayoman", pour aller voler du pétrole au Nigeria voisin.

Pour Cécile Fakhoury, "l'esthétique de ces artistes n'est pas toujours hyper-claire. Il y a certes les symboliques chères à l'Afrique, l'ancestralité chez certains, mais cela va bien au-delà. Ils ont une lecture du monde, voyageant, pas forcément physiquement mais par internet. C'est une ambiguïté que j'aime bien".

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