Reportage "Ce n’est pas un baiser, c’est une agression !" : à Madrid, des milliers de femmes défilent contre Luis Rubiales, le patron du foot espagnol

Il refuse toujours de démissionner : Luis Rubiales s'accroche à son poste de président de la fédération de football espagnole, malgré les pressions. Lundi soir, dans les rues de la capitale espagnole, des femmes de tous âges ont dénoncé ce type de comportements machistes "présents ici comme ailleurs".
Article rédigé par Mathieu de Taillac, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des manifestantes protestent contre la non-démission de Luis Rubiales, qui a embrassé de force Jenni Hermoso après la victoire de l'Espagne en Coupe du monde. (ANA BELTRAN / ANADOLU AGENCY)

C'est un feuilleton qui n'en finit pas en Espagne. Plutôt que de démissionner immédiatement face à la polémique provoquée par le baiser forcé qu'il a infligé à l'attaquante Jenni Hermoso, le président de la fédération espagnole Luis Rubiales s'accroche à son siège. Suspension par la FIFA, vote en sa défaveur des présidents régionaux, démission des 23 championnes du monde, grève de la faim de la mère du sélectionneur... et désormais un nouvel épisode : une manifestation, lundi 28 août, à Madrid, en soutien à Jenni Hermoso.

>> Affaire Luis Rubiales : ce qui attend le président de la Fédération espagnole de football dans les prochains jours, après avoir embrassé de force Jenni Hermoso

Dans les rues madrilènes, lundi 28 août, les drapeaux violet, la couleur du féminisme, étaient de sortie. Des slogans aussi : "Ce n’est pas un baiser, c’est une agression !". Il y a avait surtout de la détermination, et des femmes en grande majorité, mais pas uniquement. Il y avait des supportrices et des antifoot, des manifestantes de toutes les causes et des nouvelles venues, des retraitées et des étudiantes, comme Lucia, 21 ans. "C’est vrai que l’Espagne, en particulier avec ce gouvernement, a beaucoup avancé, et la mobilisation sociale aussi. Mais le machisme reste présent ici comme ailleurs", constate l'étudiante.

"La réponse sociale est de plus en plus forte parce que les gens sont de plus en plus conscients du problème. Nous continuerons à nous mobiliser jusqu’à ce que ces pratiques disparaissent."

Lucia, étudiante

à franceinfo

Un peu plus loin, Ana porte le maillot de l’attaquante. Pour l'informaticienne de 39 ans, l’affaire est révélatrice de comment sont traitées les joueuses de football. "En Espagne, le football féminin a toujours été en dessous du masculin en ce qui concerne les droits, les budgets, les salaires. La professionnalisation vient d’être une réalité. Ces comportements de Rubiales, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase." 

Une victoire gâchée

Les supportrices n’acceptent tout simplement pas qu’on leur vole leur victoire. Elles refusent aussi ces agressions gratuites aux yeux de tous. "C’est le plus haut représentant du football espagnol, donc il devrait se comporter avec une certaine éducation, c’est une faute d’éducation, c’est une agression, juge cette ingénieure agronome de 38 ans. Et puis, c'est la représentation de l’Espagne. C’est le Mondial, c’est un événement important."

"Au meilleur moment du football féminin espagnol, on ne parle plus que de ce Monsieur, et pas de la victoire. Il ne veut pas démissionner, alors on doit montrer notre désaccord."

Ana, informaticienne de 39 ans

à franceinfo

L'étau se resserre pourtant contre le patron du foot espagnol. Déjà suspendu 90 jours par la Fifa, il a été lâché hier par les présidents des fédérations régionales, qui réclament sa démission. Il risque aussi d’être suspendu sine die par le Conseil supérieur des sports, qui dépend du gouvernement espagnol, et il risque enfin de faire face à un procès au pénal. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour agression sexuelle

Finalement, Luis Rubiales ne peut plus compter que sur sa mère, et les Espagnols ne savent pas s'il faut en rire ou en pleurer. Elle s’est enfermée dans une église à Motril, la commune d’origine de la famille, dans le sud de l’Espagne, et a commencé une grève de la faim. Elle parle d’une chasse à l’homme contre son fils et exige à Jenni Hermoso de dire la vérité, ce qui dans son esprit ne peut vouloir dire que d’innocenter son fils.

"Nous voulons que les femmes soient exactement comme des hommes"

Dans les rues de la capitale espagnole, autre âge, autre regard : Raquel, 80 ans, a connu le machisme institutionnel du franquisme et les vagues successives du féminisme. Elle est venue à la manifestation par solidarité, "pour être avec la dame. C’est pour tous les sportifs. Nous voulons que les femmes soient exactement comme les hommes. Des personnes, et puis c’est tout."

L’égalité des droits et le respect, voilà ce pour quoi ont marché des milliers de femmes lundi soir à Madrid. Des revendications simples, que le football a encore aujourd’hui, et même dans l’Espagne de toutes les conquêtes féministes, du mal à entendre.

Le reportage de Mathieu de Taillac à Madrid

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