Coupe du monde 2022 : Karim Boudiaf, itinéraire inattendu d'un international qatarien né en France
Sur les immenses affiches qui ornent les immeubles de Doha et qui mettent en avant la sélection nationale, Karim Boudiaf occupe une place privilégiée, aux côtés de la star locale, Almoez Ali. Rien ne prédestinait pourtant le milieu de terrain de 32 ans à devenir un pilier des Al-Annabi (les Bordeaux). Boudiaf, international qatarien depuis sept ans, va voir le rêve d'un pays se concrétiser, dimanche 20 novembre, avec le début de la Coupe du monde et le match d'ouverture auquel il va participer, entre le Qatar et l'Équateur.
>>> A lire aussi : Qatar-Equateur, un duel indécis au programme du jour
Né à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), celui qui a grandi à Gennevilliers, en région parisienne, a connu un de ces parcours que seul le football professionnel hors d’Europe peut offrir. Un départ en 2010 de France, où il joue dans l’équipe réserve de Nancy, pour rejoindre à 19 ans le club de Lekhwiya, qui végète en deuxième division qatarienne. Le petit émirat du Golfe n’a pas encore reçu l’attribution - toujours contestée aujourd’hui - du Mondial 2022.
Karim Boudiaf fait cependant confiance à l’entraîneur de Lekhwiya, un certain Djamel Belmadi, futur sélectionneur de l’Algérie. Il ne le regrettera pas. D’abord, parce que "le salaire est très intéressant", comme il l'explique à L’Est Républicain en 2012. En parcourant les 4 700 kilomètres qui séparent Nancy de Doha, Karim Boudiaf passe de 500 euros mensuels en Lorraine à 10 000 euros par mois au Qatar. Sa mère, Marocaine et femme de ménage, et son père, Algérien et ouvrier chez Renault, sont mis à l’abri financièrement.
Des compétitions en Australie, au Brésil, aux États-Unis...
Le pari sportif est aussi payant. Quelques mois après son arrivée au Qatar, l’émirat reçoit l’attribution de la Coupe du monde 2022. En 2013, Karim Boudiaf est naturalisé et après cinq ans de résidence à Doha, il dispute sa première sélection avec les Al-Annabi en décembre 2014, avec en ligne de mire le Mondial huit ans après. Comme dans les autres sports, le Qatar pratique une politique de naturalisation agressive.
Avec la sélection, dont il va devenir dimanche le quatrième joueur le plus capé de l’histoire (109e sélection contre l’Équateur), Karim Boudiaf va vivre des expériences qu’il n’aurait certainement pas connues en restant en France. Une Coupe d’Asie en 2015 en Australie. Une autre en 2019 aux Émirats arabes unis, alors que le Qatar subit à l’époque un blocus de la part de ses voisins du Golfe.
"Quand nous étions arrivés quelques jours avant le début de la compétition, nous avions compris que nous n’étions pas les bienvenus, expliquait Karim Boudiaf à L’Équipe en 2019. Cette hostilité, nous l’avons ressentie pendant toute la Coupe d’Asie, et notamment quand des supporters des Émirats nous ont jeté des chaussures lors de la demi-finale. Un lancer de chaussures, c’est une grosse insulte dans les pays arabes."
"Je me vois habiter ici après ma carrière"
Dans ce contexte hostile, le Qatar remporte la compétition contre toute attente. Six mois plus tard, direction le Brésil, berceau du football, pour y disputer la Copa América où le Qatar est invité. Deux ans plus tard, Karim Boudiaf profite d’une nouvelle étrangeté du football international pour disputer la Gold Cup aux États-Unis. Le Qatar est éliminé en demi-finale par le pays hôte, après avoir confirmé ses progrès lors des deux compétitions du continent américain.
Désormais, le milieu d’origine française va disputer la plus belle compétition de football au monde, dans le pays qui l’a adopté et qu’il a adopté. "Mon choix d’aller au Qatar a pu sembler bizarre au départ mais, depuis près de dix ans, je me dis tous les jours que j’ai bien fait. Je me vois habiter ici après ma carrière", assurait Karim Boudiaf à L’Est Républicain en 2019. Mais avant de penser à la retraite, le gamin de Gennevilliers va jouer une Coupe du monde. Un rêve qui semblait inaccessible, finalement devenu réalité.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.