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Tour de France 2023 : scandinave, progressiste et novatrice… Découvrez Uno-X, la seule nouvelle équipe de cette édition

Parmi les huit coureurs de la formation norvégienne, seul son leader Alexander Kristoff a déjà de l'expérience sur le Tour.
Article rédigé par Théo Gicquel - De notre envoyé spécial à Bilbao
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Alexander Kristoff (au milieu) entouré des coureurs de Uno-X, le 29 juin 2023. (AFP)

L’histoire a pris forme un soir de l'année 2017, quelque part dans le froid norvégien au nord d’Oslo. A cette époque, le cyclisme scandinave ne soupçonne pas encore Jonas Vingegaard, ne sait pas que Mads Pedersen va être champion du monde, et se raccroche aux exploits d’Alexander Kristoff, trois étapes remportées sur le Tour. Jens Haugland, PDG d’Uno-X, une chaîne de stations-service norvégienne, et immense fan de cyclisme, décide alors de s’associer à deux clubs locaux, Lillehammer et Ringerike, pour fonder une équipe uniquement scandinave, sur le modèle des Basques d’Euskaltel.

Il s’assure un associé indispensable à ses côtés, l’ancien vainqueur d’étape sur le Tour 2008, Kurt Asle Arvesen, et l’histoire est lancée. Six ans plus tard, Uno-X a bien grandi, et sera la seule équipe à découvrir le Tour de France, samedi. Voici ce qu’il faut savoir sur un petit nouveau assez particulier.

Un organigramme atypique et fidèle

Là où généralement, il faut démarcher et négocier avec un sponsor pour lancer une équipe, Uno-X a bouleversé le modèle d’entrée. Jens Haugland, le PDG du sponsor, en sera également le manager. Un cas presque unique, tant sponsoring et sportif sont normalement bien distincts. "C'est assez unique, ce n'est pas moi ou Jens qui cherchions des partenaires pour monter l'équipe. Jens est le PDG de la compagnie, c'est très spécial dans le vélo, peu d'équipes se sont construites comme ça", se souvient Arvesen.

Grand fan de cyclisme, Haugland se lance dans l’aventure d'équipe, lui qui sponsorise déjà la fédération, des courses et des clubs en Norvège. "La philosophie est orientée sur le long terme, je ne veux pas prendre de raccourcis. Même si nous devenons grands, je veux continuer à agir comme si nous étions petits. Nous avons le même management, le même personnel et les mêmes leaders depuis 2016, et j'en suis très fier", se félicite-t-il, décontracté et jovial lors de l’entretien. Au départ de ce Tour, on retrouve deux coureurs présents à la création : Torstein Traeen et Jonas Abrahamsen. "Cela illustre ce qu'on est capable d'atteindre lorsqu'on est patient dans le sport de haut niveau", poursuit Haugland.

Un choix strict de coureurs pour développer le cyclisme scandinave

Dès le départ, le choix est clair et ne déviera plus : l’équipe sera uniquement composée de coureurs norvégiens et danois, là où l'entreprise Uno-X est implantée. "Nous voulons créer une équipe pour notre population. La pensée était clairement d'essayer d'emprunter la voie du modèle sportif norvégien et de le transposer au cyclisme", dévoile le manager.

Avec 19 Norvégiens et 8 Danois, Uno-X, qui ne comptait que 11 coureurs en 2017, a su faire fructifier son vivier pour le transformer en résultats. Pas de Vingegaard, d’Asgreen ou de Pedersen, mais beaucoup de jeunes prometteurs, avec la moitié de l’effectif en dessous de 25 ans. "Nous voulions être un vent d'air frais, avec une approche différente des choses", ajoute Jens Haugland.

Avec leur maillot jaune et rouge bardé de la croix scandinave du sponsor, les Uno-X ont fait leur trou dans les divisions inférieures, et notamment à domicile. "Le soutien est massif en Scandinavie, l'intérêt est écrasant pour être honnête. Ici, c'est tout pour le Tour de France, plus que la Coupe du monde ou les Jeux olympiques. Beaucoup de jeunes vont se mettre au vélo", ajoute Haugland, qui prend d’autres sports en exemple. "Regardez Casper Ruud à Roland-Garros, tout le monde s'est soudainement mis au tennis en Norvège ! Pareil pour Jakob Ingebrigsten et l'athlétisme."

Revers de la médaille, cette limitation géographique ralentit le développement, mais aucun ne regrette ce choix. "Nous avons un vivier de coureurs qui n'est pas si grand comparé à d'autres équipes qui peuvent recruter mondialement, mais nous croyons en cette méthode", précise Kurt Asle Arvesen.

Une vision progressiste du cyclisme

Là où Uno-X se démarque également, c’est dans sa conception du cyclisme. Alors que beaucoup d’équipes, même historiques, n’ont pas encore investi réellement dans une équipe féminine, Uno-X dispose déjà de la sienne, créée en 2022. "En tant qu'acteur responsable du sport, cela me semble normal d'avoir une équipe féminine professionnelle, qui va disputer le Tour de France féminin. Je pense que nous sommes empreints de notre propre culture, et j'aimerais la transposer au monde sportif", résume le jeune manager de 39 ans.

"Nous sommes marqués par le fait que nous venons d'une partie du monde considérée progressiste. Nous payons les femmes autant que les hommes, si une coureuse tombe enceinte, je ne vais pas raccourcir le contrat mais plutôt faire en sorte de le prolonger."

Jens Haugland

Manager d'Uno-X

Autre particularité : la présence d’une équipe de développement, alors que l'équipe première est encore très jeune. "J'ai besoin de créer une entité où les jeunes peuvent évoluer, et je pense que nous avons trouvé un bon modèle pour les coureurs danois et norvégiens, poursuit-il. Tu ne peux pas te contenter uniquement du sommet, tu dois aussi t'assurer que les racines sont bien entretenues."

Une stratégie non centrée sur les résultats

Enfin, et c’est presque un comble pour une équipe pro : les têtes pensantes affirment que l’équipe ne fait pas des résultats son principal objectif, alors qu'elle vise le World Tour d’ici 2026. "Nous n'avons pas orienté notre stratégie sur les résultats, car nous pensons qu’ils viendront si nous avons une stratégie de long terme. Nous nous battons pour une licence World Tour et les points UCI, et c'est un vrai challenge avec notre philosophie", indique le manager.

Il pousse la philosophie d’équipe jusque dans la stratégie en course. "Nous voulons être connus pour une manière de courir spéciale : nous voulons être respectés pour ne pas chercher à tout prix les échappées publicitaires. J'aime dire que nous n'avons pas de règles dans l'équipe, nous avons seulement des valeurs."

Le leader d'Uno X Alexander Kristoff, ici pendant la présentation des équipes le 29 juin, visera une cinquième victoire sur le Tour de France. (THOMAS SAMSON / AFP)

Au sein même de l’équipe, cette mentalité est désormais bien intégrée. "La première année de l'équipe, notre but principal était d'avoir beaucoup de likes sur Facebook. C'est un peu pareil aujourd'hui : nous sommes plus gros, mais nous ne ressentons pas du tout de pression", souligne son directeur sportif. "Je ne suis pas le type de manager qui va crier et dire : 'Mais qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui ? Tu as tout foutu en l'air !' Nous voulons nous réveiller chaque matin sur le Tour en nous disant que c'est une nouvelle opportunité", complète le manager.

Tous novices sur le Tour en dehors du leader Alexander Kristoff, les coureurs épousent le discours général. "Il y a une excellente atmosphère dans l'équipe et tout le monde va donner 100% pour chacun", affirme Jonas Abrahamsen, suivi par Tobias Johannessen. "Nous faisons tout avec l’équipe pour rendre la course la plus divertissante possible. C’est une superbe équipe pour laquelle rouler." Les Uno-X seront peut-être connus de tous les suiveurs dans trois semaines. De quoi permettre à l'équipe de changer de dimension ?

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