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Entretien. Marion Rousse : "Notre plus gros objectif, c’est que ce Tour existe toujours dans 100 ans", confie la directrice du Tour de France Femmes 2023

Depuis Clermont-Ferrand, ville départ, Marion Rousse, directrice de la course, a fait le point avant le lancement de la deuxième édition.
Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Marion Rousse lors de la présentation du tracé de l'édition 2023, le 10 juillet 2023. (MAXPPP)

Alors que le Tour de France Hommes touche à sa fin, le Tour Femmes va s'élancer dimanche 23 juillet de Clermont-Ferrand (Auvergne-Rhône-Alpes) pour sa deuxième édition. A deux jours du départ, Marion Rousse, directrice du Tour de France Femmes, fait le point pour franceinfo: sport sur les favorites pour cette année, les nouveautés, ainsi que sur les évolutions déjà observées en un an.

franceinfo: sport : Après une édition 2022 réussie, quelles sont les ambitions pour l'édition 2023 ?

Marion Rousse : De rester sur la même lancée. La première édition a été une réussite, autant sur le plan sportif que sur la perception qu'a eu le grand public. La grande force du Tour de France est qu'il s'agit de la seule course au monde où des gens, qui ne sont pas passionnés et qui ne suivent pas du vélo tout au long de l'année, vont quand même regarder leur télé en juillet. Les audiences étaient très bonnes et nous avons vu beaucoup de monde sur le bord des routes. Cette ambiance et cette magie, que crée seulement le Tour de France, on les a retrouvées à travers le Tour Femmes.

"Dès la première édition, le public n'a pas fait la distinction entre les hommes et les femmes, et finalement, le Tour de France dure maintenant quatre semaines, et ça, c'est génial." 

Marion Rousse, directrice du Tour de France Femmes

à franceinfo: sport

On a donc envie de garder tout ce qui a fait la réussite de l'événement, évidemment le côté sportif, mais aussi tout les à-côtés : la caravane, le village départ, l'accessibilité des coureuses, le spectacle à ciel ouvert et gratuit, et apporter de la joie. Notre plus gros objectif est, que dans 100 ans, le Tour de France Femmes existe toujours. Et surtout garder autant de médiatisation autour de l'événement. 

Quels sont toutefois les points à améliorer ?

On peut toujours s'améliorer, mais la base est solide. On va s'élancer pour la deuxième édition avec la même envie, sans aller trop vite. Beaucoup nous demandent quelles sont les évolutions, mais nous devons évoluer au même rythme que le cyclisme féminin. Sinon, on va se planter et répéter ce qu'il s'est passé avec les précédentes éditions du Tour de France Femmes avant nous. Il faut y aller petit à petit. Il faut se faire accepter par le grand public, comme c'était le cas l'an dernier. 

L'an passé, les coureuses ont conclu le Tour à la Planche des Belles Filles. Cette année, elles passeront par un autre lieu mythique du Tour, le Tourmalet. Est-ce une manière d'ancrer le Tour Femmes dans l'histoire, et faire des ponts avec l'édition masculine ?

Absolument, ce sont des passerelles. Après le sommet du Ballon d'Alsace l'an dernier, on voulait ancrer encore un peu plus cette année le Tour de France Femmes dans l'histoire en allant dans des sommets mythiques, et le Tourmalet en fait évidemment partie. C'est une volonté de notre part et, à contrario, l'an passé, les filles sont arrivées au Markstein (Vosges), cette année ce sont les hommes qui y viennent. Il y a donc vraiment des passerelles entre les deux et on se sert de l'un et l'autre. On aime bien les petits clins d'œil, comme le contre-la-montre à Pau, pour le dernier jour. 

L'an passé, la course a été serrée tout du long, avant que la lauréate Annemiek van Vleuten n'écrase tout sur les dernières étapes de montagne. Est-ce difficile de gérer un parcours, afin de proposer un tracé équilibré, tout en gardant du suspense ?

Oui, vous pouvez faire le plus beau des parcours, c'est aux athlètes d'en faire ce qu'ils veulent. Si on met une étape de 150 km de plat, tu sais qu'elle va se finir au sprint. Il faut leur donner les moyens d'en faire ce qu'ils et elles veulent, mais que les difficultés soient bien placées, car les mettre au début ne servirait à rien pour ton final. Quand tu traces ton parcours, ce qui est important, c'est d'avoir pratiqué le vélo pour t'en rendre compte et savoir quelle difficulté va peser ou non.

Ce qui manquerait peut-être encore, c'est une victoire française, que nous n'avons pas eue l'an passé...

Nous, on signe tout de suite (sourire). Nous avons évidemment ce côté chauvin, chez les hommes comme chez les femmes, où on a envie de voir des Français et des Françaises peser sur la course et gagner des étapes. Mais nous n'avons pas à rougir du niveau qu'ont nos Françaises actuellement. Juliette Labous est passée à quelques secondes du podium l'an passé. Cette année, on pourrait la voir monter sur le podium final, en tout cas le chrono l'avantage. Il y a Évita Muzic, qui pourrait aussi aller jouer sa carte, et aller chercher des victoires d'étapes. Même si elles ne seront pas forcément en jaune à l'arrivée, je pense qu'elles nous réserveront de belles performances.

Et parmi les autres têtes d'affiche, quelles sont les favorites ?

Il y aura déjà Annemiek van Vleuten, qui va défendre son titre. Si l'an passé, elle était la grandissime favorite, cette année, elle l'est au même titre que Demi Vollering par exemple. Cette dernière est, pour moi, la fille qui a encore passé un cap cette année. Elle a fait une saison des classiques impressionnante, elle a terminé 2e de la Vuelta à quelques secondes de van Vleuten à cause d'un arrêt pipi. Elle sera d'ailleurs entourée de l'équipe la plus forte du peloton, la SD Worx.

Derrière ces deux filles qui sortent du lot, il y a le collectif de la Trek-Segafredo avec Elisa Longo Borghini, la FDJ Suez avec Marta Cavalli, Évita Muzic, Cecilie Uttrup Ludwig, et Katarzyna Niewiadoma (Canyon-SRAM) qui a fini sur le podium l'an passé. Il y a ainsi plusieurs prétendantes à la victoire.

La question d'augmenter le nombre d'étapes du Tour Femmes est régulièrement évoquée. Est-ce vraiment une option envisagée à moyen ou long terme ?

Encore une fois, il ne faut pas brûler les étapes. Mais on ne se ferme pas la porte pour autant. Ce n'est pas quelque chose qu'on envisage dans l'immédiat, car il faut déjà s'installer dans le paysage du cyclisme en général, que le Tour de France soit la course de référence et qu'elle soit autant attendue que celle des hommes, avant de parler de la suite.

"Et c'est aussi un système économique : si d'emblée tu fais quelque chose de démesuré, tu vas perdre de l'argent, donc l'année suivante, ton épreuve n'existera plus. Il faut donc avancer avec prudence."

Marion Rousse, directrice du Tour de France Femmes

à franceinfo: sport

Avez-vous senti un engouement plus important cette année pour accueillir le Tour chez les maires ?

C'est marrant car maintenant, quand ils postulent pour des étapes du Tour, ils postulent souvent pour les deux courses. Lors de la première édition, il a fallu aller chercher les villes. Cette année, beaucoup nous ont envoyé leur candidature, car le Tour Femmes a plu. On parle de toi dans 190 pays dans le monde, ce qui est exceptionnel. L'engouement a donc été rapide. Même des partenaires qui ne nous avaient pas suivis la première année, ont changé d'avis cette année. 

Une des nouveautés de cette édition est que les équipes passent de six à sept coureuses, mais que le nombre d'équipes est par conséquent réduit. N'est-ce pas un risque de voir davantage les grandes équipes dominer ?

On est passé de six à sept pour avoir moins d'équipes au départ. Le cyclisme féminin a certes évolué, mais pas dans sa globalité. Autrement dit, les équipes du World Tour ont bien évolué mais les équipes continentales un peu moins. Elles avaient par conséquent moins le niveau pour performer et se battre face aux équipes World Tour. Et c'est normal, cela va mettre du temps à arriver.

On a donc pris ce parti, qu'en mettant sept coureuses au lieu de six dans chaque grande formation, on aurait des courses un peu plus contrôlées mais aussi plus de prétendantes différentes à des victoires d'étapes. Des filles qui se mettaient un peu trop dans le rouge, des chutes... C'est tout cela qui nous a fait prendre cette décision, avec l'accord de l'UCI évidemment. On a ainsi le même nombre de coureuses, mais avec des équipes qui ont l'habitude de courir au plus haut niveau.

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