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Nouveau modèle économique, peurs sur la pratique sportive des jeunes, le cri d'alarme du président du Montpellier Volley UC

Alors que le secteur du sport est largement impacté par la crise sanitaire du coronavirus, le handball, le basket et le volley sont les disciplines, parmi les sports collectifs professionnels, les plus touchées économiquement. Ces sports n’ont en effet pas ou très peu de droits télévisés ce qui, avec le huis clos, les prive de toutes recettes. Pour Jean-Charles Caylar, le président du Montpellier Volley UC, ce modèle économique est à repenser.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
  (LOIC VENANCE / AFP)

Le comité directeur de la Ligue nationale de volley a décidé de maintenir les championnats de Ligue A masculine et féminine, ainsi que la Ligue B masculine. Cette décision, de poursuivre les championnats à huis clos, a-t-elle été dure à prendre ?  
Jean-Charles Caylar : “Il est difficile de dire si c'était une bonne décision ou non. Au niveau de la Ligue A masculine (AM), il y a eu des discussions entre les présidents de clubs. Une grande majorité aurait voulu reporter en décembre les matchs et essayer tant que possible de ne pas jouer à huis clos. Car le huis clos pose des problématiques économiques pour tout le monde. Maintenant, on espère recevoir des aides de l’Etat prochainement, car notre espérance de vie dans ces conditions-là est limitée.

Mais comme dans chaque crise, il y a du bon à en tirer. Ainsi, on essaye de réfléchir à ce que l'on peut proposer et modifier dans notre organisation, à comment on peut apporter des prestations et des services différents à nos partenaires de ceux auxquels ils étaient habitués, comme les hospitalités et visibilités pendant les matchs.”  

30 000 euros de pertes par match à huis clos

Quelle est la situation économique de votre club, le Montpellier Volley UC ?  
JCC :  “Nous avons quelques réserves. Nous sommes dans une situation saine financièrement à l'issu des saisons précédentes. Mais pour chaque match joué à huis clos, on perd 30 000 euros en moyenne. A ce rythme-là, nous ne pourrons pas tenir longtemps, sinon je vais mettre la clé sous la porte. On a la capacité de tenir quelques matchs. Mais si la situation perdure au-delà de décembre, il faudra bien revoir les décisions prises.” 

Que demandez-vous au gouvernement ? De quelles aides avez-vous besoin ?  
JCC : “Ce que je souhaiterais, dans cette période de huis clos, c'est de bénéficier des exonérations des cotisations sociales patronales. Cela n’équilibrerait pas les pertes qu'on subit, mais cela permettrait de les adoucir quand même. Il nous faudrait aussi une aide sur les pertes de recettes billetterie, pour que les clubs survivent. Par ailleurs, ces aides ne peuvent se concevoir que si on considère que la période de huis clos est limitée.” 

Quelle est votre plus grande crainte pour les semaines et mois qui arrivent ?  
JCC : “Ma plus grande crainte est que la situation sanitaire ne s'améliore pas, que le confinement et le huis clos soient prolongés. Nos amis du football et du rugby peuvent bénéficier des droits télévisés, bien que pour le rugby ce soit insuffisant, mais nous, en volley, nous n’avons aucun droit télé. Une situation que je déplore depuis quelques années. C'est un vrai problème pour notre discipline.

Et même sans parler de droit télé, il n’y a aucun accès à l’image, ni pour nos partenaires ni pour nos supporters, c’est terrible. Simplement être retransmis, même sans droits télé, cela nous permettrait à nous, les clubs, de travailler différemment et de continuer à enregistrer des partenaires, des adhérents et des abonnés. Aujourd’hui, c'est dramatique pour nous, on devient totalement anonymes. En tant que président de club, ma réflexion se porte sur comment sortir de cet anonymat, et maintenir le lien avec nos partenaires, adhérents et abonnés.” 

Image d'illustration.  (YORICK JANSENS / BELGA MAG)

"Que les gens puissent avoir accès aux images"

Vous étudiez donc de nouveau modèle économique pour le volley ?  
JCC :
“Oui, c'est un vrai sujet, qui sera d’ailleurs porté dans la prochaine mandature du comité directeur de la ligue nationale, puisque nous avons des élections de prévues en décembre. Je me battrai au niveau de mon club pour remédier à cela. Il est impensable qu’au 21e siècle, un sport professionnel évolue sans que les images ne soient accessibles au plus grand nombre. Je ne réclame pas forcément des droits télévisés en contrepartie, mais au moins que les gens qui se passionnent pour notre sport puissent avoir accès aux images. Aujourd’hui, on est vraiment pénalisé par rapport au handball ou au basket, par rapport à tous ces sports de salle. On est les plus mal lotis. C’est une vraie problématique et ça va être un sujet pour les mois et années à venir.” 

Si le sport professionnel est très touché par la crise, le sport amateur l’est encore plus. Êtes-vous inquiet pour lui ?  
JCC : “Je suis très inquiet pour le sport amateur. Je ne comprends pas qu'on ait arrêté le sport amateur… Les enfants ont besoin de faire du sport, pour leur santé. L’activité physique permet d'avoir une vie sociale également. Je crains vraiment les effets négatifs liés à l'arrêt du sport sur les enfants et les adolescents. Si les clubs et associations sportives perdent une grande partie de leur effectif à l'issue de la crise, je crains que ça ait d'autres conséquences néfastes sur notre société de demain, avec des enfants qui se sont écartés du sport. Je souhaiterais qu'il y ait un effort qui soit fait de la part du gouvernement pour venir en aide au sport amateur, et surtout de laisser les enfants pratiquer.”   

Les Français ont appris à faire du sport autrement pendant cette crise sanitaire, à faire des activités individuelles et individualisées, notamment à la maison. Vous avez peur qu’il y ait une perte d’habitude et que les Français, notamment les enfants et adolescents, s’éloignent durablement des clubs et associations sportifs ? 
JCC : “Oui, absolument. Le sport en club, quel que soit le sport que l'on pratique, c'est une école de la vie, où on apprend à se mesurer aux autres et à partager avec les autres. C'est vraiment un terreau pour fabriquer les citoyens et les adultes de demain. Les gens qui vont pratiquer du sport tout seul, individuellement, vont se désocialiser et à un moment donné, la société en général en payera les pots cassés. Au même titre que la culture, le sport a une place très importante dans notre société. J'espère donc que très rapidement le gouvernement va permettre la pratique du sport encadré. C'est assez incompréhensible que le sport soit autorisé à l'école mais pas au sein des clubs. On ne comprend pas bien.” 

Justement le ministère chargé des Sports souhaite que les mineurs puissent pratiquer, en plus des cours d'EPS, dans le cadre de temps périscolaires. Il réfléchit ainsi à un moyen d’inclure les éducateurs issus du mouvement sportif pour soutenir les loisirs périscolaires. Êtes-vous favorable à un tel projet ? 
JCC : “Oui, je serai volontaire. J’estime que notre mission en tant que club sportif, en dehors du sport professionnel et amateur, est aussi d'avoir un rôle citoyen à jouer dans le tissu social. Et si on a l'opportunité de mettre à disposition des entraîneurs ou éducateurs du club pour aller dans les établissements scolaires et permettre aux enfants de faire du sport, on le fera bien évidemment, très volontiers.” 

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