Euro de volley: France - Italie, un quart pour régler la note des JO de Rio 2016
"C'est forcément un match spécial car j'ai joué avec certains pendant 3-4 ans, et contre certains avec qui on se déteste." Earvin Ngapeth n'a pas la langue dans sa poche, et un match contre l'Italie ne le laisse jamais de marbre. Quelques saisons passées de l'autre côté des Alpes, et l'habitude de croiser cette sélection dans toutes les grandes compétitions, ont forgé une histoire particulière entre ces deux équipes. Une rivalité qui, à chaque duel, écrit un peu plus sa légende.
Le 16 août 2016, le N.9 français, le regard noir, souffle sa déception: "C’est 'relou' parce qu’on est dans un gros groupe, que les Italiens ne jouent pas le jeu avant et parce que c’est fini. On va rentrer au village, c’est fini." Quelques minutes avant, la France vient d'être battue par le Brésil (3-1), un revers synonyme d'élimination aux Jeux Olympiques 2016. C'était il y a trois ans. Presque quatre. Mais la cicatrice est toujours là, au moins chez certains comme Ngapeth, qui dit "garder ça dans un coin de ma tête". Ce n'est pas le cas du libéro Jenia Grebennikov, qui évolue à Trente, a joué avec pratiquement tous les Italiens en club, et a même été coaché par l'actuel sélectionneur transalpin: "Cet épisode de Rio, je ne m'en souvenais même plus", avoue celui qui connaît certainement le mieux les adversaires du jour. Mais il reconnait que s'il doit évoquer une rivalité, aujourd'hui, c'est avec cette équipe.
A l'époque, venue au Brésil pour ramener l'or, la France en était repartie dès les poules, à cause de l'Italie. Cette même équipe que les Français retrouvent ce mardi, dans leur Euro, pour une place en demi-finales de l'Euro.
Une défaite volontaire en forme de pied de nez
Retour en 2016. Le contexte était simple: battue d'entrée par l'Italie (3-0), la France avait dû batailler pour espérer passer en quarts. Lors de la dernière journée, l'Italie, assurée de finir 1re qualifiée, affrontait le Canada avant un explosif Brésil-France. Les Canadiens, battus (3-0) par les Français et (3-1) par les Brésiliens, devaient réaliser l'exploit de vaincre les Transalpins pour poursuivre leur route. Avec l'aide d'Italiens très passifs, ils l'ont fait. L'Italie s'est même permis de placer Antonov, pointu de métier, au poste de réceptionneur-attaquant. Comme si le PSG faisait jouer Neymar en défense. "Si j'avais été Italien, j'aurais fait la même chose", pondère aujourd'hui Jenia Grebennikov. Cette défaite a une certaine logique tactique: le vaincu de Brésil-France sera éliminé, soit un candidat au titre hors du coup pour la Squadra.
Les Brésiliens s'imposent ensuite (3-1), dans une ambiance indescriptible, au sein du mythique Maracanazinho, à l'ombre du stade de football du Maracana. Dans les coursives, dans le bruit de la liesse sud-américaine, les Bleus sont au plus mal. Les larmes coulaient. Antonin Rouzier, attaquant de grand talent, qui avait repris son destin international pour vivre ce rêve olympique, ne parvenait pas à s'exprimer, lui qui avait laissé son nouveau-né pour préparer ce rendez-vous. Un mois après, il annonçait la fin de sa carrière internationale, trop marqué par "la grosse désillusion aux JO de Rio".
Le contentieux entre Italiens et Français avait pris un tournant un an avant, lors de l'Euro 2015. Les deux équipes s'affrontent à Turin. L'Italie mène (2-0) et se dirige vers une victoire tranquille, en forme de qualification directe pour les quarts et qui enverrait en même temps les Bleus en barrage. D'un coup, la Team Yavbou se lâche, harangue la foule, se met à danser à chaque point inscrit, s'amusant, rigolant. L'attitude fait exploser les Transalpins, qui s'inclinent finalement (15-13) dans le tie break. Une victoire qui a scellé la dynamique de ce collectif, couronné champion d'Europe quelques jours après. Mais aussi cristallisé les rancœurs italiennes.
Un contentieux toujours à solder
Ce match à Rio a laissé des traces dans l'esprit des Français. "On s'est promis qu'un jour, on leur rendrait la pareille", annonce Earvin Ngapeth dans L'Equipe. "On n'oublie pas. Un jour, on aura leur destin entre nos mains. Je ne sais pas quand, mais ça arrivera." Ce mardi, la France a son destin en mains, en même temps que celui de l'Italie: "Les battre pour aller en demies, chez nous, ce serait un double impact", espère le réceptionneur-attaquant: une qualif pour eux, une élimination pour l'autre. Reste que les Italiens ont déjà leur ticket pour les JO de Tokyo, pas les Français, et que cet Euro n'offrira aucun billet pour le Japon...
Pour pimenter un peu plus cette rencontre, il y a la grande connaissance entre les deux équipes. Comme en football lors du Mondial 1998, bon nombre de joueurs de l'équipe de France jouent ou ont joué en Italie.Sur les 14 joueurs présents à cet Euro, seulement trois n'ont jamais évolué en Italie: Thibault Rossard, Antoine Brizard et Daryl Bultor. Jenia Grebennikov, l'insatiable libéro, évolue à Trente aux côtés du passeur international italien Simone Giannelli. Trévor Clévenot évolue à Milan, Barthélémy Chinenyeze arrive à Vibo Valentia, Stéphen Boyer à Vérone et Jean Patry va découvrir Latina. Avant de changer de crèmerie, Ngapeth a fait les beaux jours du championnat italien, avec deux saisons à Piemonte Volley, puis quatre à Modène pour conquérir deux Ligues des Champions. Le passeur et capitaine Benjamin Toniutti a passé quelques mois à Ravenne, le géant Kevin Le Roux une saison à Piacenza puis une à Modène, Nicolas Le Goff est passé par Latina, Kévin Tillie par Ravenne et Modène, Julien Lyneel par Porto Robur Costa.
Les hommes se connaissent. La rivalité est au sommet. Quatre ans après avoir éliminé l'Italie, chez elle, lors de l'Euro 2015 que la France allait conquérir quelques jours après, les hommes de Laurent Tillie, qui a lui aussi joué en Italie, n'ont pas l'intention d'être à leur tour sortis à domicile. La victoire (3-1) voici six jours, dans le dernier match de poule, était un match sans enjeu. Ce soir, c'est une nouvelle page de leur rivalité qui va s'écrire.
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