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ENTRETIEN. Antonin Rouzier : "J'aurais pu finir sur un titre olympique avec l'équipe de France de volley"

A 35 ans, Antonin Rouzier évoque son dernier défi au Plessis-Robinson, sa reconversion, et il revient sur le titre olympique décroché par des joueurs qu'il connaît bien.

Article rédigé par Simon Bardet, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Antonin Rouzier aux Jeux olympiques de Rio, en 2016, face aux Brésiliens Lucas et Lucarelli. (JULIEN CROSNIER / DPPI MEDIA)

Après dix ans de vadrouille dans le monde entier (Pologne, Italie, Turquie, Russie, Japon, Qatar) et une pige à Paris l'an dernier, Antonin Rouzier a décidé de poser ses valises au Plessis-Robinson pour les deux prochaines saisons. Le pointu tricolore, qui a regardé à la télévision le sacre olympique des Bleus à Tokyo cet été, s'apprête à vivre son dernier défi (le Plessis-Robinson débute son championnat contre Nice, samedi) avant de donner une autre direction à sa carrière. Son double mètre bien calé dans un fauteuil de l'amphithéâtre du CNOSF, il s'est confié à franceinfo: sport.

franceinfo: sport : Pourquoi avoir choisi le Plessis-Robinson ? Qu'est-ce qui vous a plus dans ce nouveau défi ?

Antonin Rouzier : Quand j'ai joué avec Paris l'année dernière, j'ai trouvé le championnat français plutôt intéressant. Le Plessis m'a appelé après la fin de l'année, pour me proposer un projet assez intéressant sur deux ans. Et moi, ça me permettait aussi de ne pas être loin de ma famille. Depuis 6 ans, je vais dans le monde entier, sans eux, ils viennent juste un mois et demi dans l'année... Donc ça s'est fait comme ça.

C'est un nouveau challenge pour moi, et je vais pouvoir en même temps m'occuper de ma reconversion. C'est important à mon âge, même si je suis jeune dans la vraie vie, en volley, je pense être sur les deux dernières années de ma carrière. C'est un tout qui m'a fait dire que c'était la bonne solution, ça doit être le destin. Si on m'appelle pour me proposer de jouer en France, c'est que je devais finir en France.

Vous ne vous seriez pas vu repartir à l'étranger ?

Cela aurait été franchement compliqué, même pour ma famille. Mon fils a 5 ans, il commence à comprendre les choses. Quand il avait 2 ou 3 ans, ça allait, mais là, il est triste quand je ne suis pas là. Je voulais vraiment tout prendre en compte, et que ça convienne à tout le monde.

"Avec le titre olympique, on a de l'or entre les mains."

Antonin Rouzier

à franceinfo: sport

L'été a dû être un peu agité, car il existait une incertitude sur l'autorisation pour Le Plessis-Robinson de jouer en Ligue A. Comment avez-vous vécu ça ?

Je n'ai pas eu peur, je savais qu'on allait être maintenus, qu'il y avait juste des compromis à faire avec la LNV. Cela a été le cas. Le club s'est engagé à avoir en 2024 une salle polyvalente de plus de 1 500 personnes. C'est un peu triste que ça se passe comme ça, c'était un peu en mode bras de fer : "si vous n'avez pas votre salle, vous ne pouvez pas monter."

A côté de ça, des clubs comme Chaumont, Nice ou Narbonne ont joué dans des petites salles depuis plus de 10 ans et on ne leur disait rien. C'est un peu de l'injustice. Après, je comprends ce que veut mettre en place Yves Bouget (président de la LNV, NDLR) pour professionnaliser le volley en France, comme c'est le cas en Pologne, en Italie ou dans d'autres championnats. En plus, on est champion olympique, donc c'est le moment de le faire. Mais Yves ne met pas de pincettes, il est très direct, c'est son caractère. Parfois, il faut essayer de trouver un compromis, un juste milieu pour pouvoir avancer, pour que dans trois ou quatre ans, tous les clubs aient une salle polyvalente de plus de 1 500 personnes.

Vous avez joué dans des pays où le volley est un sport roi. Il y a encore du boulot en France, niveau développement ?

On est sur le début en France, le volley est devenu populaire cet été. Avant, il n'était pas connu. On a été champions d'Europe, on a gagné la Ligue mondiale, et il n'y a pas eu de retombées. Là, avec les Jeux olympiques, on a de l'or entre les mains et il faut en profiter. Donc, ça commence par structurer le championnat. Le président de la LNV a raison, c'est comme ça qu'il faut faire.

La Ligue A reste-t-elle un championnat compétitif ?

La France a le quatrième ou cinquième plus gros championnat d'Europe. On n'a jamais vu autant de bons joueurs en Ligue A que cette année. Malheureusement, les pointus de Tours et de Cannes se sont blessés et seront absents toute l'année. Ça me désole parce que ce sont de grands joueurs que j'étais content de les voir dans le championnat. C'est un peu triste, mais les calendriers internationaux sont faits n'importe comment. Je ne sais pas comment on peut, deux semaines après des Jeux olympiques, mettre un championnat d'Europe. Ca me paraît complètement fou. Honnêtement, j'aurais sûrement fait comme Kevin (Tillie) en préférant faire l'impasse sur l'Euro pour rester avec ma famille et commencer avec mon club.

On a l'impression que les internationaux ne coupent jamais...

C'est en grande partie pour ça que j'ai arrêté l'équipe de France à 31 ans. J'avais tout connu, et je me disais qu'il faudrait vraiment que je sois surmotivé pour aller sur la prochaine olympiade. Le calendrier est une des principales raisons de ma retraite internationale. J'avais seulement une ou deux semaines de vacances avec ma famille dans l'année. Au bout d'un moment, on reste humains.

C'est dur pour les joueurs de faire bouger les choses ?

Je crois que ça commence, ils sont en train de créer une organisation de joueurs internationaux qui va mettre la pression sur les instances mondiales du volley, la FIVB et la CEV. Mettre la pression pour leur dire que c'est trop, qu'il faut changer le calendrier, changer les choses.

Comment avez-vous vécu le sacre olympique des Bleus cet été ? Il n'y a pas de regrets de ne pas y être allé ?

Il y a toujours un regret parce que j'ai commencé avec eux. J'aurais pu finir sur un titre, ça aurait été assez exceptionnel. Donc oui, oui, oui, j'ai un regret. Peut-être que j'aurais dû continuer. Mais au final, je suis tellement content pour eux et pour le volley français. C'est vraiment exceptionnel, c'est quelque chose d'unique. On pourra dire que le volley a été champion olympique. Dans 50 ans, on en parlera encore.

Vous regardiez tous les matchs des Bleus ?

Je regardais, mais en me disant que j'aurais préféré être sur le terrain. Le fait de regarder, c'était beaucoup plus difficile. Mais bon, j'étais content.

 

Comment expliquez-vous ce succès, vous qui les connaissez très bien ?

La force de cette équipe, c'est de jouer sans pression. C'est une bande de potes qui joue, et ils ont réussi à bien intégrer la nouvelle génération que moi je connais beaucoup moins. L'osmose est restée. Ils ne se prennent pas la tête, ils font comme si c'était le tournoi du port. A partir du moment où ils ont passé les poules - je ne sais pas comment - ils ont joué en n'ayant plus rien à perdre. Il fallait le prendre comme ça. C'est ça qui les a fait gagner.

 "Je ne veux surtout pas entraîner"

Vous avez parlé de reconversion dans deux ans. Ce sera dans le monde du volley ?

Non, pas du tout. Après, s'il y a une opportunité dans les dix prochaines années, qu'on me propose de manager un club, pourquoi pas ? Mais je ne veux surtout pas entraîner, je n'en ai pas envie. J'ai envie de couper complètement puisque ça fait plus de 20 ans que je suis dans le volley, que je côtoie les mêmes personnes. J'ai envie de changer, de côtoyer de nouvelles personnes et un milieu nouveau. Ce sera surement dans la finance. Je vais bientôt commencer un Master à l'EM Lyon.

Pour la reconversion vous êtes accompagné, conseillé ou c'est à la débrouille ?

Malheureusement, c'est totalement à la débrouille. Moi, je n'ai eu personne de la fédération, personne de la LNV, je me démerde tout seul. J'ai rencontré Véronique Barré, qui s'occupe de la reconversion des sportifs de haut niveau depuis plus de 15 ans, que ce soit dans le rugby, le foot, le volley, le basket. C'est avec elle que j'ai trouvé que je voulais vraiment travailler dans la finance, c'est quelque chose qui me passionne et que je fais depuis très longtemps tout seul.

Est-ce que dans 10 ans, vous pensez que vous toucherez encore un ballon de volley ou de beach volley à la plage, juste par plaisir ?

Non, cela fait même 10 ans que je n'ai pas fait de beach volley, alors que c'est mon métier. Quand je joue toute l'année, je n'ai envie que d'une chose, c'est de couper pendant l'été, de voir d'autres personnes. La plupart de mes meilleurs amis ne sont pas du tout dans le volley.

Vous savez donc que le volley ne va pas vous manquer ?

Pas du tout ! Mais je prends encore du plaisir sur le terrain. Avec Le Plessis, je prends du plaisir, mais ça ne va pas manquer plus tard.

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