Vendée Globe - L’œil de Gabart - "Si on avait essayé d'écrire un scénario comme celui-ci, on n'aurait pas réussi"
Comment avez-vous vécu cette arrivée, pleine de rebondissements, avec un suspens qui dure depuis plusieurs jours ?
François Gabart : "On a assisté à un final qui est juste dingue. Si on avait essayé d’écrire un scénario comme celui-ci, on n’aurait pas réussi. Avec si peu d’écart et les différentes compensations, le suspens était énorme depuis de nombreuses semaines, et on a eu droit à un finish très serré. On savait que Yannick Bestaven avait un petit avantage depuis quelques jours, avec 3-4 heures d’avance, mais c’est un écart qui restait extrêmement faible. Puis malheureusement, il y a souvent des problèmes dans les dernières heures du Vendée Globe, comme pour Boris Herrmann qui a heurté un bateau de pêche. Quand on arrive dans le Golfe de Gascogne, il y a beaucoup de trafic qui s’accumule à la fatigue, la pression, et des conditions climatiques difficiles en hiver. C’est une zone du parcours qui est compliquée, où il faut rester concentré. Cette course est impitoyable. Et personnellement, en suivant ça à terre, j’ai trouvé ce final passionnant".
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Vous êtes proche de Charlie Dalin, en tant que responsable de l’écurie MerConcept, maître d’ouvrage du projet Apivia. Sa deuxième place est-elle un pincement au coeur ?
FG : "Forcément avec Charlie, on était très engagés dans la course. On a beaucoup vibré, on était extrêmement soulagés et heureux de le voir. Il y a forcément de la déception, elle est légitime, c’est très humain. Mais au final, on voit qu’il a tout donné, jusqu’au bout, et qu’il est quand même le premier sur la ligne. C’est le jeu. La déception est gommée par une fierté et un bonheur de le retrouver".
Vous-mêmes, vous avez connu des deuxièmes places frustrantes, comme lors de la Route du Rhum 2018, avec seulement 7 minutes et 8 secondes de retard sur le premier, Francis Joyon. Comment le vit-on ?
FG : "On a le droit d’être déçu, mais en même temps, c’est un bonheur et un plaisir d’avoir vécu un moment de sport comme celui-là. Pour un compétiteur, ça reste un privilège de vivre ces batailles serrées. Puis, il y a tout de même une forme de fierté du boulot réalisé, et aussi une remise en question, une réflexion positive pour l’avenir, pour progresser et s’améliorer".
"Je ne sais même pas si on se remet un jour totalement d’un tour du monde"
Vous qui l’avez vécu, comment se passe le retour à terre pour les marins, après autant de semaines en solitaire ?
FG : "C’est une transition vraiment brutale. On est déboussolé. Pendant des mois, on est focalisé sur la performance, pour rejoindre la ligne d’arrivée le plus vite possible, et il n’y a pas de sas de décompression. En quelques secondes, on se retrouve très entouré, avec beaucoup d’émotions et des vibrations humaines extrêmement fortes, qu’on n’a pas ressenties pendant plusieurs semaines. C’est un environnement extrêmement bienveillant, avec beaucoup de sourires, mais ça reste déstabilisant. Il faut plusieurs semaines voire plusieurs mois pour se remettre physiquement d’un Vendée Globe. Et je ne sais même pas si on se remet un jour totalement d’un tour du monde comme ça.
Les marins vont aussi être extrêmement sollicités dans les prochains jours, et personnellement, j’avais trouvé ça difficile de ne pas pouvoir répondre positivement à tout le monde. Il va aussi falloir se préparer pour les prochaines courses. C’est un équilibre à retrouver rapidement, mais ce sont des grands champions".
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Que retenez-vous de cette édition du Vendée Globe ?
FG : "C’est une édition exceptionnelle, comme chaque Vendée Globe, avec son lot de surprises, qui nous amènent des émotions assez dingues, qui atteignent leur paroxysme à l’arrivée. Et même dans un contexte sanitaire particulier, j’ai l’impression que la magie du Vendée Globe opère toujours, avec une belle fête et un super feu d’artifice à l’arrivée de Yannick Bestaven dans le chenal. Ça me rappelle évidemment de bons souvenirs, il y a des émotions qui remontent. Mais la course n’est pas finie, il y a encore beaucoup de marins en mer, et j’espère qu’ils vont continuer à nous envoyer des photos, des vidéos".
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